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Constructeurs

Entretien avec Jean-Luc de la Ruffie, directeur commercial de Suzuki France : “Nos concessionnaires connaissent leurs clients, écoutons-les !”

Publié le 9 janvier 2004

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Homme de terrain et de convictions, Jean-Luc de la Ruffie a repris en main, en décembre 2002, deux ans après l'avoir quittée, la direction commerciale de la marque Suzuki en France. Depuis, les ventes remontent sur un marché en net repli. Retour réussi. Le...
Homme de terrain et de convictions, Jean-Luc de la Ruffie a repris en main, en décembre 2002, deux ans après l'avoir quittée, la direction commerciale de la marque Suzuki en France. Depuis, les ventes remontent sur un marché en net repli. Retour réussi. Le...

...Journal de l'Automobile : Vous avez quitté la direction commerciale de Suzuki en 2000, puis vous y êtes revenu en 2002. Pourquoi ?
Jean-Luc de la Ruffie : J'ai quitté Suzuki France à la fin de l'année 1999, quand tous les chiffres étaient au beau fixe. Nous venions de faire les volumes les plus importants de la marque en France avec 16 585 ventes. Je suis parti parce que j'étais en désaccord avec le président de Suzuki France qui venait de prendre ses fonctions. Comme je ne sais pas faire le dos rond, j'ai préféré quitter la société. Quand cela se passe mal dans une équipe dirigeante, le réseau en subit les conséquences. Il valait mieux que je parte.


J.A. : Pourquoi êtes-vous revenu ?
J.-L. de la R. : Mon retour est dû à celui de M. Higashakubo qui a été missionné à nouveau en France en octobre 2002 pour inverser la courbe des ventes qui baissait fortement puisque l'année 2002 s'est finie avec 12 309 ventes. Quelques jours après son arrivée en France, il m'a demandé si je voulais revenir chez Suzuki avec l'appui des Japonais. J'étais en Bretagne, "sur mon rocher", si l'on peut dire, et j'avais décidé d'arrêter totalement l'automobile. Je lui ai répondu : "Oui, avec vous." Si cela n'avait pas été lui, je ne serais pas revenu.


J.A. : Entre-temps, vous aviez travaillé chez un concessionnaire, le groupe Ayache Darmon, qui distribue les marques Suzuki, Toyota, Honda, Mazda et Hyundai. Cela ne s'était pas très bien passé ?
J.-L. de la R. : La plupart des groupes de distribution automobile privés ressentent un jour ou l'autre le besoin d'avoir des gens qui ont une autre vision de l'automobile. Ils font appel à des personnes qui connaissent la mécanique à mettre en place. Ces patrons vous donnent les clés, puis vous les reprennent et préfèrent retrouver leurs habitudes. J'en suis parti, pour la même raison que précédemment. Quand vous ne pouvez pas obtenir de résultats, il est inutile d'insister. Globalement, au cours de ma carrière automobile, les résultats ont été au rendez-vous et je ne pense pas avoir un orgueil mal placé.


J.A. : Cette expérience dans un groupe de distribution vous a-t-elle apporté une autre vision ?
J.-L. de la R. : Non, cela a conforté mes convictions sur la manière dont le business doit se faire en concession et sur la façon dont les constructeurs doivent mener leur business. Si vous prenez une mauvaise décision, la sanction est immédiate.


J.A. : Sur quoi portait votre désaccord stratégique quand vous avez quitté Suzuki France ?
J.-L. de la R. : Cela n'est pas utile de revenir là-dessus.




CURRICULUM VITAE

  • Nom de la Ruffie
  • Prénom Jean-Luc
  • Age 58 ans
  • Marié, un enfant

    Avec le Bac pour seul diplôme, Jean-Luc de la Ruffie débute à 18 ans dans l'automobile, chez Renault. Il fait le cursus classique de l'époque et commence par être prospecteur avant de devenir vendeur. Il restera plusieurs années dans le groupe Gilbert Gauthier, concessionnaire Renault à Paris. En 1979, il entre chez Fiat France où il gravira tous les échelons, successivement inspecteur commercial, directeur régional puis directeur commercial. A l'époque, la filiale est dirigée par Claude Weets et Alain de Saint-Victor. En 1993, il devient directeur commercial de Suzuki. Il quitte son poste sept ans plus tard pour rejoindre le groupe Ayache, concessionnaire, entre autres marques, de Suzuki. En décembre 2002, il est rappelé à la direction commerciale de Suzuki France, où il est depuis.


  • J.A. : Comment expliquez-vous ce retournement rapide depuis le début de l'année sur un marché en baisse ?
    J.-L. de la R. : Le management des affaires a toute son importance. Suzuki sait faire des voitures et a toujours eu de bons produits. Nous en avions même plutôt moins au début de cette année sans les Swift et Baleno. En revanche, la nouvelle Ignis et le Grand Vitara TD 3 portes nous ont aidés. Dès janvier 2003, les ventes ont augmenté tout simplement parce que la politique générale était mieux adaptée et que le réseau avait retrouvé confiance dans notre capacité à faire du business.


    J.A. : A votre arrivée en décembre 2002, quelles ont été les premières décisions concrètes que vous avez prises ?
    J.-L. de la R. : Le premier effet naturel a été le retour de la confiance du réseau par rapport à M. Higashakubo et moi-même. Après, nous avons pris des décisions simples et soft. Nous avons adapté la politique commerciale générale en privilégiant le business avec des actions de ventes et quelques repositionnements de prix judicieux. Les véhicules d'entrée de gamme s'adressent à des clients qui ont un budget maximum et ne doivent pas être équipés au même niveau que le haut de gamme. Il faut que la définition du véhicule soit en adéquation avec ce que veulent nos clients. Ce n'est pas nécessaire par exemple d'équiper l'ensemble de la gamme de l'ABS. Si vous écoutez vos clients et vos concessionnaires, ce que nous avons fait, vous savez quelle doit être votre stratégie. C'est primordial. Nos concessionnaires connaissent leurs clients, écoutons-les !


    J.A. : Cela fonctionne ?
    J.-L. de la R. : Les concessionnaires apprécient notre réactivité qui est totale. Par exemple, les 160 concessionnaires de notre réseau peuvent me joindre directement sur mon téléphone portable s'ils en ont besoin. Chaque année, en plus de la convention annuelle, nous faisons une réunion régionale où les concessionnaires nous demandent ce qu'ils veulent et nous disent ce qui va bien et ce qui ne va pas.


    J.A. : Vous êtes en phase de recrutement : quel est le profil de vos nouveaux concessionnaires ?
    J.-L. de la R. : En 2003, nous avions pour objectif de nommer 20 concessionnaires. Nous avons déjà réalisé 19 ouvertures. En parallèle, 9 concessionnaires ont quitté le réseau. Nous recherchons des concessionnaires qui sachent faire du business. Nous venons d'ouvrir une affaire à Bordeaux avec le groupe PGA. Mais nous ne cherchons pas délibérément les groupes, beaucoup d'affaires privées marchent bien avec des volumes bien faits. Il est actuellement plus facile de trouver de belles structures que des compétences, dans le réseau comme au siège d'ailleurs.


    J.A. : Vous êtes le seul constructeur à avoir choisi le contrat d'exclusivité, comment cela se passe-t-il ?
    J.-L. de la R. : Cette décision a été prise par le Japon. Quand je suis arrivé, le choix était fait. Je ne pense pas que ce nouveau règlement changera beaucoup de choses. Peut-être en ce qui concerne le multimarquisme, que les constructeurs ne peuvent plus empêcher. De plus en plus de concessionnaires exposent dans un même point de vente, avec des zones identifiées, deux, voire même trois marques.


    J.A. : Pour vous qui ne pouvez pas toujours assurer
    seul la rentabilité d'un point de vente, le recrutement devient-il plus facile ?
    J.-L. de la R. : Tout à fait. Même si tous les constructeurs ne jouent pas le jeu. Ainsi, récemment, Honda aurait empêché un de ses concessionnaires de prendre Suzuki, mais cette attitude est devenue très rare.


    J.A. : Quelle sera la rentabilité de votre réseau cette année ?
    J.-L. de la R. : L'année 2003 sera un bon cru, même si ce n'est pas une année exceptionnelle. Toutes nos ventes sont faites par les concessionnaires. Nous ne faisons aucun loueur en direct, ni en courte, ni en longue durée. Nous ne faisons pas non plus de vente à l'export. Nous avons des voitures compétitives et le résultat doit être au rendez-vous. Le réseau dégagera au moins 1 % de résultat après impôts, ce qui est correct et permet de capitaliser au niveau de la structure avec une rentabilité des capitaux investis de l'ordre de 20 %.


    J.A. : Et la rentabilité de Suzuki France ?
    J.-L. de la R. : Elle est bonne. Plus vous vendez de voitures et plus vous avez de chances de gagner de l'argent. Le but d'une filiale n'est pas uniquement de faire des bénéfices, mais aussi des volumes. Nous avons des objectifs précis : 20 000 voitures en 2004, 25 000 en 2005 et 30 000 en 2006. Nous y allons pas à pas et nous les ferons. Avec les nouveaux modèles et les évolutions moteur à venir, nous aurons des produits très attractifs. Avec un réseau compétent et en nombre suffisant, ce qui accentue la nécessité d'avoir des compétences au siège, nous pouvons aller les chercher.


    J.A. : Ces compétences, vous les avez chez Suzuki France ?
    J.-L. de la R. : Les compétences, ce sont les gens sur le terrain. Nous avions six responsables régionaux pour l'activité VN et nous allons passer à neuf. Nous avons un chef des ventes, Hervé Colignon, qui est très efficace. Le réseau n'est pas convaincu par notre politique VO et l'efficacité de nos campagnes publicitaires. Ce sont des points que nous devons améliorer. Nous ne sommes pas arrogants et nous savons écouter notre réseau.


    J.A. : Vous resterez ?
    J.-L. de la R. : Je resterai tant qu'on me le dira. Tout le monde sait que je ne suis pas là pour dix ans. Ma priorité est de réussir année par année ce que les Japonais nous demandent. Cette année, nous avons réussi à inverser la courbe et nous devrions faire 15 000 ventes à client final. A fin octobre, nous avons fait 12 466 ventes à client final pour 10 466 l'an dernier sur la même période.


    Propos recueillis
    par Florence Lagarde


    Crédit photo ci-dessus : Dahmane


     

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