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Constructeurs

Entretien avec Jean-Luc de la Ruffie, directeur commercial de Suzuki France

Publié le 20 juin 2008

Par David Paques
7 min de lecture
"Ma priorité est de maintenir les volumes, même si cela se fait avec une profitabilité moindre"Comme beaucoup de constructeurs, Suzuki a vécu un début d'année mitigé. Ce qui n'empêche pas Jean-Luc De La Ruffie de demeurer optimiste pour...

...l'année 2008. Le constructeur semble en tous les cas vouloir donner à son réseau les moyens de remplir ses objectifs...

Journal de l'Automobile. Après une croissance de 76,8 % sur le mois de décembre 2007, le début d'année 2008 est assez difficile. Vous y attendiez-vous et comment est-ce que vous l'expliquez ?
Jean-Luc De La Ruffie. A fin avril, nous sommes en régression avec 8 602 immatriculations, contre 9 938 en 2007. C'est la première fois depuis 5 ans que nous connaissons une chute. Jusqu'à décembre, nous étions effectivement en croissance. Et pareille évolution était prévisible avec l'introduction du bonus-malus. Cependant, il faut préciser certaines choses. En décembre justement, nous avons enregistré environ 1 200 ventes non naturelles que l'on explique donc par une anticipation de l'écotaxe. Au final, si nous répercutons ces chiffres sur nos ventes actuelles, nous sommes au même niveau qu'en 2007.

JA. Vous misiez tout de même sur une croissance ?
J-LDLR. Oui, mais notons une chose importante : c'est que nos ventes à clients particuliers sont sur une bonne dynamique. Je n'ai que très peu de ventes à loueurs et aucun artifice me permettant d'écouler des véhicules à l'étranger. Nos concessionnaires vendent vraiment des voitures. Sur les 10 875 commandes du réseau du premier quadrimestre, nous avons 10 168 ventes à clients particuliers.

JA. Malgré tout, ce ne sont pas les performances que vous pouviez attendre. Cela s'explique-t-il uniquement par l'effet malus ?
J-LDLR. Nous avons souffert, comme tous les constructeurs de 4x4. Nous avons en effet été pénalisés avec le Grand Vitara. Mais il est intéressant de noter la progression du modèle. Nous sommes partis de très bas et nous sommes en train de remonter. Au mois d'avril, nous en avons par exemple vendu 548, contre 321 en janvier. Cela veut dire que l'effet s'estompe un peu. Ce qui me fait dire qu'avec l'arrivée de la Splash, nous devons mathématiquement progresser.

JA. Vous ne remettez donc pas en cause votre objectif de 35 000 immatriculations en 2008 ?
J-LDLR. Pour cette année, nous avions prévu de vendre tous les modèles existants en 2007 et d'y ajouter les ventes de Splash. Or, aujourd'hui, la baisse du Grand Vitara est compensée par la grande forme de la Swift. Modèle avec lequel nous sommes sur un trend de 14 000 unités. Le meilleur mois de Swift depuis sa commercialisation a même été enregistré au mois de mars avec 1 408 VN.

JA. Vous êtes malheureusement limités en volume pour la Splash, n'est-ce pas ?
J-LDLR. Tout à fait. Nous n'en aurons que 3 600 exemplaires et nous les vendrons tous. Potentiellement, nous pourrions en écouler 6 000. Mais la capacité de production ne nous permet pas d'en avoir plus.

JA. Opel compte écouler quant à lui 6 500 Agila en 2008, qui est produite dans votre usine Suzuki, sur la même chaîne que la Splash. Ce n'est pas rageant ?
J-LDLR. L'Agila est en effet une pièce rapportée. Mais cela fait partie d'une politique industrielle. Suzuki gagne industriellement ce qu'Opel va gagner commercialement.

JA. Vous n'avez aucune limite de vente pour la Swift ?
J-LDLR. Nous ne sommes pas limités en essence, mais nous le sommes un peu en Diesel. Nous tentons donc de mettre les moyens commerciaux en place, afin de convaincre le client de ne pas opter à tout prix pour le Diesel.

JA. Votre gamme reste tout de même exposée à l'écotaxe ?
J-LDLR. Nos ingénieurs travaillent sur le sujet et améliorent les performances des véhicules. Aujourd'hui, il ne nous reste que le Grand Vitara, un produit SX4 et Jimny de malussés et beaucoup d'autres qui sont dans la zone neutre. Là encore, il nous a fallu réagir.

JA. Par le biais de remises notamment…
J-LDLR. C'est clair. Nous avons la chance d'être réactifs et à l'écoute. Nous avons donc mis en place une politique commerciale permettant au réseau de retrouver un volume de vente identique à 2007. Ma priorité est de maintenir les volumes, même si cela se fait avec une profitabilité moindre. Car si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons pas maintenir nos marges sur l'activité "pièces" ou sur le financement. Je pense qu'il vaut mieux vendre momentanément dans de moins bonnes conditions et préserver les produits périphériques qui font, in fine, la marge des concessionnaires. L'idée, pour nous, c'est d'accélérer la reprise des véhicules clients et d'effacer le coût du malus. Dans le contexte actuel, où certains concurrents souffrent terriblement, il est important que le constructeur soit présent.

JA. Dans quelle mesure cela peut-il impacter la rentabilité du réseau ?
J-LDLR. C'est difficile à dire. J'espère que la baisse des marges unitaires sera compensée par la hausse des volumes de vente. L'an dernier, le réseau avait une bonne profitabilité. Elle était linéaire et en progression. Ce sera différent en 2008, c'est certain. Nous sommes en quelque sorte à un palier.

JA. Cela peut-il être néfaste dans votre recrutement ?
J-LDLR. Non, pas du tout. Nous avons aujourd'hui 213 points de vente et après-vente sur le territoire et nous avons encore plein d'opérateurs qui viennent vers nous. Depuis cinq ans, nous avons une croissance à deux chiffres, cela veut dire quelque chose. Aujourd'hui, nous subissons le contrecoup d'une contrainte qui n'est pas de notre ressort. Les professionnels savent bien que nous sommes réactifs. Je ne suis pas du tout inquiet de la profitabilité à venir du réseau.

JA. Vos objectifs de couverture restent également inchangés ?
J-LDLR. Tout à fait. Nous continuons à nous étoffer. Mais en marge, il y a aussi un turnover. Certains concessionnaires arrêtent leur activité parce qu'ils sont atteints par la limite d'âge, mais nous n'avons aucune difficulté à les remplacer. Du reste, ce sont quasi-exclusivement des grands groupes qui reprennent la distribution dans ces cas-là. Nous avons donc aujourd'hui un certain nombre de grands groupes de marques françaises ou de marques à grands volumes qui nous rejoignent. PGA, par exemple, mais également Bailly, Maurin ou Lamirault récemment. C'est un signe que le potentiel d'affaires entrevu est intéressant. Nous serons à 220 points de vente à la fin de l'année. Et sur les sept à recruter, nous avons presque tout réglé avec quatre d'entre eux.

JA. Vous aviez annoncé vouloir demander des investissements à vos distributeurs. C'est toujours le cas ?
J-LDLR. Oui. J'estime que ce n'est pas parce qu'il y a un coup de vent qu'il faut faire machine arrière. D'autant que nous avons connu pire. Nous sommes donc toujours dans une phase de renforcement et de développement de nos structures physiques et de nos forces de vente. Avant, nous avions par exemple une moyenne d'un vendeur par concession. Aujourd'hui, la moyenne est de 1,5 et nous voulons que cette dernière se porte à deux. D'ailleurs, les concessionnaires suivent. Ils ont confiance.

JA. C'est le plan produit qui leur donne cette confiance ?
J-LDLR. Je le pense. La Swift est un gros succès. La Splash en sera un. Le Grand Vitara se montre attractif malgré les remous. Nous préservons nos 4x4 et renforçons notre gamme avec des produits qui sont les bons. L'Alto arrivera par exemple au début de l'année 2009. Elle est très attendue. Tout comme la Kizashi, sur le segment D en 2010. Puis nous souhaitons également nous développer dans les sociétés. C'est d'ailleurs un axe de développement fort.

JA. Quels sont vos moyens et vos ambitions en la matière ?
J-LDLR. Actuellement, nous développons toute une gamme de produits à TVA récupérable. Jusqu'à présent, nous étions presque totalement absents de ce marché. Aujourd'hui, chaque modèle de la gamme possède un équivalent à TVA récupérable. Nous avons pas mal de concessionnaires multimarques qui distribuent des marques à forts volumes, investies sur ce secteur et qui exigent des vendeurs sociétés. Pour ces distributeurs, offrir une alternative Suzuki aux sociétés est une vraie opportunité. Si nous effectuons 2 000 immatriculations sur ce marché en 2008, ce sera une bonne performance.

Photo : Suzuki France dispose de 3 600 exemplaires de Splash pour satisfaire le marché français.

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