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Constructeurs

Entretien avec Jacques Martin, directeur de l’OTC (UTAC)

Publié le 9 juin 2006

Par Frédéric Richard
8 min de lecture
"L'amortissement, on ne sait pas ce que c'est ! Il n'y a pas de norme" Le rôle du contrôle technique en matière de sécurité n'est plus à démontrer. Reste que la mesure de l'efficacité de la suspension n'est toujours pas réalisée et constitue un vrai...

...casse-tête pour l'OTC, l'Organisme technique central. Son directeur, Jacques Martin, nous explique.


Journal de l'Automobile. Pouvez-vous décrire brièvement le rôle de l'OTC au sein de l'Utac ?
Jacques Martin. Depuis de nombreuses années, l'Utac est agréé par l'administration française, pour procéder aux essais d'homologation de ses propres réglementations nationales. Par ailleurs, depuis l'apparition de l'Union européenne, nous sommes habilités auprès de Bruxelles pour réaliser des homologations selon les directives européennes, au même titre que le TuV allemand. Dans ce cadre nous avons deux fonctions principales dans le secteur automobile. Tout d'abord, la réglementation à la construction, qui touche tout ce qui roule (4 roues, 2 roues…) et qui vise à homologuer, comme son nom l'indique, un véhicule avant sa commercialisation. Par ailleurs, en ce qui concerne le contrôle technique, l'OTC est chargé de trois principales missions. Nous devons assister l'administration pour l'agrément des opérateurs de contrôle technique, puis les suivre afin d'assurer un niveau de qualité constant. L'OTC occupe également un rôle de validation des progrès dans les méthodes et les matériels de contrôle, de façon à pouvoir garantir une cohérence avec les véhicules et également adapter la formation et l'information des contrôleurs. Troisièmement, et c'est là que nos effectifs sont les plus larges, nous avons une mission de collecte et de traitement des résultats informatiques des contrôles techniques, à des fins statistiques, de surveillance des opérateurs et du système global. Tout cela pour valider continuellement l'homogénéité du contrôle technique. On cherche en effet à ce que le contrôle soit traité de la même manière quel que soit le centre, quel que soit l'opérateur, quel que soit le réseau.


JA. Comment se passe la mise en place d'un nouveau point de contrôle dans la visite obligatoire ?
JM. En France, le ministère des transports a toute autorité sur le contrôle technique. C'est lui qui décide des points à contrôler et donc de ceux à ajouter. Néanmoins, dans notre pays, les gens discutent… Autant que je me souvienne, il y a toujours eu des consultations préalables concernant les nouveaux points de contrôle. Les consultations s'articulent autour des "groupes techniques OTC", composés des experts de l'Utac et de l'OTC pour la partie technique, mais également des opérateurs de contrôle technique (les réseaux), des membres de la Drire, du ministère des Transports, et, en fonction des sujets, des constructeurs via les chambres syndicales (CCFA ou autre) et enfin parfois des fabricants d'équipements.
Ces groupes de consultation ont pour but d'analyser les remontées du terrain, d'en tirer des statistiques, et d'aboutir à un consensus général autour des améliorations à apporter. Voilà comment cela fonctionne au niveau national.


JA. Comment jugez-vous la pertinence du contrôle technique en matière de suspension ?
JM. La suspension, c'est un vaste chantier, délicat à traiter. Mais tout d'abord, de quoi parle-t-on ? L'amortissement, on ne sait pas ce que c'est ! Il n'y a pas de norme. Il y a quelques années, nous avons travaillé sur les différents bancs de suspension existants et on a déjà eu du mal à savoir ce qu'ils mesurent. En parallèle, nous avons effectué des tests en labo pour réellement qualifier une suspension. Ces travaux avaient pour objet de trouver, à partir de ces informations croisées, comment tirer une valeur fiable, reproductible, pour valider un bon amortissement, et surtout écarter une suspension défectueuse. Le problème, c'est qu'il faut s'affranchir de l'influence du pneu dans la mesure et également des équipements électroniques qui peuvent interagir. Au final, toutes nos solutions nécessitaient un minimum d'instrumentation de véhicule. Et ça, il n'est pas question de l'imposer au quotidien ni aux contrôleurs, ni au client final. Nous avons donc jeté l'éponge. Mais nous continuons néanmoins à suivre avec intérêt les travaux des fabricants, qui continuent à chercher… Mais pour en revenir à la pertinence pure du contrôle en matière de suspension, je me rassure en me disant qu'un véhicule vraiment mauvais en suspension a de grandes chances de se faire recaler au contrôle du freinage. Ce qui veut dire que d'une manière ou d'une autre, le véhicule est envoyé en réparation et donc écarté de la circulation.


JA. Qu'en est-il de l'application d'une contre visite en cas de fuite visuelle de l'amortisseur, annoncée en fanfare par la collective d'amortisseurs lors du dernier Equip'Auto ?
JM. En ce qui concerne la contre visite pour une fuite visuelle d'un amortisseur, rien n'est finalisé. Le point a bien été mentionné, mais c'est tout. Cette modification fait partie d'un projet, maintenant il faut attendre. Elle devait initialement arriver fin 2007, mais le projet d'arrêté n'est pas encore signé aujourd'hui.


JA. Que peut-on attendre comme modifications du CT dans un futur proche ?
JM. Les projets de modifications concernent la nomenclature en général plutôt que les seuls domaines du freinage ou la suspension. En 1997, nous sommes passés à plus de 500 altérations élémentaires. Et ce, à la demande des consommateurs, qui souhaitaient un rapport de contrôle technique plus précis et détaillé. A l'époque, les altérations ont donc été divisées en 4, de manière à préciser, et nous avons introduit, en plus, des degrés de gravité dans ces altérations. Mais on a tellement précisé les choses qu'aujourd'hui, le contrôleur, même avec la meilleure volonté du monde, est soumis à sa propre sensibilité, ce qui induit fatalement une certaine subjectivité, et ne va plus du tout dans le sens d'une procédure homogène. Tout le monde n'a effectivement pas la même appréciation d'un phénomène. Surtout que la plupart des altérations sont assujetties à l'œil du contrôleur. Aujourd'hui, nous souhaitons donc rationaliser tout ça, et faire des regroupements. Le projet en attente de signature présente au total près d'une centaine d'altérations en moins dans la nomenclature.
Par ailleurs, les véhicules évoluent, de nouveaux systèmes apparaissent, et forcent le contrôle technique à s'adapter. La lecture des trames OBD, par exemple, sera prochainement introduite pour vérifier le bon état de fonctionnement du système de dépollution du véhicule.
Sur le freinage plus particulièrement, un problème se pose et va nécessiter une adaptation du contrôle. Sur un banc de freinage, seules deux roues sont en mouvement sur les rouleaux. Or, les systèmes électroniques d'aujourd'hui, ESP en tête, consultent en permanence la vitesse de rotation des 4 roues. Si deux seulement tournent, le système se voit perturbé, ce qui altère la fiabilité des mesures. Il nous faut donc adapter la méthode de contrôle, ou les bancs freinage. Mais vous imaginez bien qu'avec 5 000 centres de contrôle technique en France, une telle démarche ne peut pas s'opérer en quelques jours.


JA. Par rapport aux autres pays d'Europe, comment voyez-vous le contrôle technique en France ?
JM. J'ai la faiblesse de croire que nous ne sommes pas si mauvais en France ! Pour preuve, plusieurs pays, qui réfléchissent aujourd'hui à mettre en place un contrôle technique, nous consultent. Le système français plaît. Notamment en ce qui concerne la notion d'organisme central qui coordonne l'activité de tout le monde et centralise l'ensemble des résultats pour en faire une publication. Cela n'existe pas ailleurs. Les données statistiques, stratégiques, sont en général beaucoup moins transparentes… Par ailleurs, depuis 92 et la mise en place du contrôle obligatoire tous les deux ans, il faut bien reconnaître que le parc automobile en circulation s'est amélioré. Ce qui donne encore un peu plus de crédit au contrôle "à la française". Autre point important, on ne peut pas être opérateur de contrôle technique et disposer d'une activité de réparateur ou de commerce auto. Ce qui garantit une certaine indépendance, et augmente la confiance du client.


JA. Le mot de la fin ?
JM. On pointe souvent du doigt les pseudos lacunes du CT. Mais je voudrais rappeler qu'il n'a en aucun cas vocation de diagnostic exhaustif du véhicule. On ne lui demande pas une mesure très précise de l'état de la voiture. Ce qui est important, dans une méthode de contrôle, c'est qu'elle soit discriminante pour les mauvais véhicules. Je m'explique. Au test de freinage par exemple, on ne cherche pas à tester les performances d'un véhicule, on cherche simplement à positionner cette voiture par rapport à une limite réglementaire, le plus important consistant, bien sûr, à identifier les autos dangereuses.
En ce qui concerne les méthodes de contrôle, elles aussi souvent décriées, précisons qu'elles se doivent d'être facilement reproductibles dans tous les centres, à l'identique. C'est pour cela qu'en freinage, le processus de contrôle est particulièrement automatisé, de manière à limiter les appréciations subjectives du contrôleur. Enfin, comme il n'y a pas de démontage possible, il est évident qu'un contrôle visuel ne peut pas tout prendre en compte. Et si on voulait aller plus loin, être encore plus performants, cela se ressentirait invariablement sur le prix de la visite obligatoire. Pas évident à justifier…


Propos recueillis par
Frédéric Richard

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