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Constructeurs

Entretien avec Henri Dupont, directeur activité Diesel Siemens VDO Automotive France

Publié le 8 juillet 2005

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
"Le challenge de la pollution est encore énorme". Siemens VDO Automotive est devenu un acteur incontournable du marché de l'injection Diesel. Il était donc légitime de faire un point sur cette entreprise pour avoir sa vision du marché, et ainsi aborder...
"Le challenge de la pollution est encore énorme". Siemens VDO Automotive est devenu un acteur incontournable du marché de l'injection Diesel. Il était donc légitime de faire un point sur cette entreprise pour avoir sa vision du marché, et ainsi aborder...

...l'avenir du Diesel et les défis qu'il doit relever dans le futur.


Journal de l'Automobile. Que représente aujourd'hui Siemens sur ce marché de la technologie Diesel ?
Henri dupont. D'une manière globale, l'activité automobile était il y a encore une dizaine d'années une activité parmi d'autres dans notre groupe, sans réelles priorités. Même si cette activité n'apparaissait pas comme stratégique, le board de l'entreprise suivait bien évidemment son évolution et le marché. Aujourd'hui, les choses ont changé, le business automobile, avec un chiffre d'affaires de 9 milliards d'euros, est la deuxième activité du groupe Siemens. Le marché mondial de l'électronique automobile est un marché très disputé. Celui du Diesel est dominé par la technologie du Common Rail avec le système solénoïde et il y a une forte compétition à laquelle Siemens, bien sûr, participe. D'ailleurs, de par le monde, toutes nos équipes internationales y travaillent d'arrache-pied avec pour objectif d'être numéro 2 d'ici deux ans.


JA. Vous venez d'évoquer la technologie solénoïde, dont certains fournisseurs pensent qu'elle a encore un bel avenir face au piézo car elle est moins chère et plus facile à mettre en œuvre sous les capots. Est-ce votre avis ?
Hd. Effectivement, il y a un débat important. Si les solénoïdes sont moins chers à mettre en œuvre, il faut toutefois regarder le coût global, notamment en intégrant la dépollution. Avec cette approche, on se heurte alors rapidement aux normes antipollution. Les futurs niveaux de la norme Euro V sont aujourd'hui la grande inconnue dans le monde du Diesel. Bien qu'il n'y ait pas encore de décisions définitives, plusieurs scénarios sont évoqués. L'un d'eux prévoirait de réduire de moitié les niveaux de la norme Euro IV. Pour les particules, à 0,025 g/km aujourd'hui, on évoque 0,0125 g/km, voire même 0,008 g/km. Dans cette optique-là, les injecteurs piézo-électrique nous permettent d'obtenir une dépollution plus facilement, de par leur flexibilité, du fait de la multi-injection rapide qui nous laisse mieux maîtriser les petites quantités injectées. Nous allons d'ailleurs bientôt monter en série des systèmes de bouclage des quantités pilotes injectées, ces très petites quantités, et cette combinaison de stratégie système de bouclage associée aux injecteurs piézo-électrique va encore permettre de repousser les limites et améliorer la prestation antipollution. La deuxième composante est le poids des véhicules. En l'espace de huit ans, un véhicule moyen de 1 100/1 200 kg est passé à 1 700/1 800 kg ! Pour un moteur Diesel, ce fait n'est pas neutre. Ceci étant, je pense qu'il existe une place pour les solénoïdes en entrée de gamme et c'est pour cette raison que, sur ce domaine, nous coopérons avec Magneti-Marelli depuis fin 2004.


JA. Durant la dernière décennie, les progrès des mécaniques Diesel ont été fantastiques, pensez-vous que, pour la prochaine, ils le seront tout autant ?
Hd. Sans hésiter, je dis oui. Le Diesel peut encore évoluer sur la maîtrise du bruit qui le différencie encore du moteur essence. Je pense que l'on peut quasiment arriver au niveau de ce dernier. La pollution est l'autre domaine où les progrès peuvent encore être nombreux. Le challenge est encore énorme. Les efforts qui sont faits tant par les constructeurs que par les équipementiers sont colossaux. Les mécaniques Diesel vont donc encore très largement évoluer.





CURRICULUM VITAE

  • Nom : Dupont

  • Prénom : Henri

  • Age : 44 ans

  • Après avoir obtenu un diplôme d'ingénieur mécanicien (diplôme binational, France Allemagne ISFATES) ainsi qu'un DEA de mécanique (INPL Nancy), Henri Dupont a passé une large partie de sa carrière chez Siemens. De 1986 à 1988, il est ingénieur en application Essence. De 88 à 92, il sera manager groupe intégration système. De 1992 à 1997, il devient responsable du centre d'essai de Regensburg. En 1997, il dirige 5 centres d'essai Siemens VDO. En 2001, deuxième période allemande, avec le poste de directeur application ventes DS client français. Depuis 2005, Henri Dupont est revenu en France comme directeur de l'activité Diesel.

  • JA. Le challenge de la dépollution est donc au cœur de cette évolution, mais son coût ne va-t-il pas la freiner ?
    Hd. C'est le risque du Diesel. En échafaudant des scénarios à long terme, on peut toutefois rester optimiste. Cela dépendra de l'architecture du système que l'on devra appliquer. Je crois que si l'on conserve une architecture conventionnelle tout en réalisant des progrès systèmes importants, avec notamment de nouvelles stratégies associées à la multi-injection toujours plus rapide, on peut imaginer que le coût du groupe motopropulseur pourra rester acceptable. En revanche, si on est obligé de se diriger sur des artifices plus lourds, notamment sur le post traitement, il pourra y avoir un problème de coûts. Il y a déjà des choses qui se dessinent dans la mise au point du filtre à particules qui demande une température particulière pour sa régénération. Aujourd'hui, on parle beaucoup du 5e injecteur, qui permet d'injecter du carburant pour gagner en température. Disons que si cette architecture change fondamentalement, cela pourrait effectivement tirer les coûts vers le haut et peut-être rééquilibrer, à long terme, la balance essence/Diesel.


    JA. Depuis quelques mois, la "course aux bars" semble avoir commencé avec des pressions d'injections de 1 800, 2 000, voire même 2 500 bars. Qu'en est-il chez Siemens ?
    Hd. Nous travaillons sur un système Common Rail piézo 2 000 bars Euro V. Mais cette augmentation de pression n'est pas systématique et obligatoire, et certains constructeurs ne vont pas dans cette direction. Même avec l'arrivée de la norme Euro V, des constructeurs pourront conserver des pressions comprises entre 1 600 et 1 800 bars. Quant aux 2 500 bars avec des injecteurs à amplification hydraulique, que nous avons également étudiés, nous pensons qu'il s'agit d'un produit qui s'oriente plus vers les véhicules utilitaires et le marché des gros moteurs. En effet, l'amplification hydraulique demande un temps de chargement qui n'est pas compatible avec des injections très rapprochées comme le demanderont les normes Euro V. Les composantes de cette norme seront certes l'évolution de la pression, mais aussi et surtout l'évolution des fonctions et la faculté de faire des injections très rapprochées. Pour relever ce défi, nous avons développé de nouveaux systèmes de commande au niveau des calculateurs électroniques, en particulier un étage de puissance tout nouveau qui s'appelle CC Evo, qui permettra de faire des injections quasiment collées.


    JA. Aujourd'hui, Siemens est capable de fournir les injecteurs, les boîtiers de commande notamment, c'est-à-dire une grosse partie de la technologie Diesel. Cependant, pensez-vous aller plus loin en intégrant par exemple un filtre à particules, comme va le faire Bosch, à votre offre ?
    Hd. Nous mettons la priorité sur le savoir-faire systèmes. C'est-à-dire que nous devons parfaitement maîtriser notre cœur de métier afin d'offrir aux constructeurs des solutions à la fois très performantes et fiables. Par exemple, offrir à un client la possibilité de mettre un 5e injecteur et savoir comment le piloter, avec quelle stratégie, pour une efficacité maximale. Ensuite, pour répondre à votre question, nous coopérerons en fonction des demandes des constructeurs avec des fournisseurs de filtres à particules ou de lignes d'échappement.


    JA. Inversement à la fourniture globale que l'on vient d'évoquer, il y a des exemples ou la fourniture de systèmes est dissociée comme pour les futurs moteurs essence PSA-BMW où les injecteurs seront des Siemens piézo et le boîtier électronique Bosch. Pourquoi cela ?
    Hd. Il s'agit d'une pratique courante pour les motorisations essence que de dissocier la partie injecteurs de la partie électronique. Ainsi, chez Renault, nous jouissons d'une forte présence en injecteurs, mais ces derniers sont pilotés par divers systèmes de gestion, qu'ils soient propres aux constructeurs ou d'un de nos concurrents. Avec la technologie Diesel, ce type de situation est plus rare, plus délicate, car les systèmes sont beaucoup plus pointus. Aujourd'hui, nous maîtrisons parfaitement la complexité des stratégies proposées et les constructeurs sont intéressés par l'aspect système dans sa globalité.


    JA. A long terme, ne pourrait-il pas y avoir une seule sorte de mécanique ou de carburant ?
    Hd. Un moteur Diesel, de par sa zone de fonctionnement, du fait des pressions de combustion qu'il demande, qui sont de l'ordre du double de celles des moteurs essence, semble définitivement différent. Il suffit de regarder le prix de revient d'un moteur Diesel par rapport à un essence, mais aussi la taille des pièces, etc. pour s'en convaincre. De plus, un moteur Diesel reste beaucoup plus cher. Cette éventualité ne me semble donc pas envisageable. Je ne pense pas que l'on puisse arriver à mixer ces deux mécaniques.


    JA. On parle de plus en plus du Diesel aux Etats-Unis où Mercedes et Chrysler notamment y lancent des véhicules Diesel. De plus, Georges Bush vient d'annoncer un programme de recherche sur le Diesel propre. Y voyez-vous un nouveau marché ?
    Hd. Nous sommes réservés sur ce sujet. Une éventuelle augmentation des ventes de Diesel dépend beaucoup des utilisateurs et je ne pense pas que les consommateurs américains soient prêts. De plus, il faut également s'arrêter sur le réseau de distribution qui n'est pas adapté. L'environnement politique jouera donc un rôle essentiel sur le développement du Diesel aux Etats-Unis. Il arrive avec les véhicules de loisirs, les SUV, mais il faut rester prudent quant aux véhicules particuliers. Nous sommes assez conservateurs sur ce point dans nos prévisions, mais il y a effectivement une opportunité à ne pas négliger.


    Propos recueillis par Christophe Jauusaud

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