Entretien avec Henri de Maublanc, président de l’Association du commerce et des services en ligne (Acsel). Il est également à la tête d’Aquarelle.com, site de vente de fleurs en ligne : "On parle de plus de 10000 ventes de VN sur Internet en 2005&quo
...quitte à s'approprier le savoir-faire des acteurs déjà en place sur le net.
Journal de l'Automobile. Avec un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros en 2005, et sachant que la tendance est à la hausse, le commerce en ligne se prépare-t-il un avenir florissant ?
Henri de Maublanc. Le phénomène a en effet pris une ampleur extraordinaire. Les ventes en ligne explosent, les chiffres le prouvent. C'est une véritable révolution. Mais attention, cela n'inclut pas, pour l'instant, les ventes automobiles. Pourtant, les ventes sur le Net existent et augmentent. On parle de 10 à 12 000 VN vendus en 2005 et il ne serait pas déraisonnable de parler de 30 000 ventes pour 2006. C'est peu et beaucoup à la fois. Mais 30 000 véhicules vendus sur Internet, cela fait tout de même un gros concessionnaire, non ?
JA. Avez-vous les moyens de mesurer le taux de confiance des e-consommateurs ?
hdm. Depuis 2000, nous avons un baromètre qui mesure les ventes effectuées en ligne et la confiance des internautes. Celle-ci croît d'année en année. Il y a 5 ans, seulement 17 % des sondés avaient confiance dans l'achat en ligne sur les 4 millions d'internautes comptabilisés en France. Aujourd'hui, le taux est de 60 % sur les 23 millions d'internautes. Je vous donne un exemple concret : en décembre dernier, 7 millions de personnes ont acheté en ligne ! La confiance est bel et bien là. Par ailleurs, les consommateurs sont de plus en plus exigeants et les commerçants sont devenus des professionnels de la vente en ligne. Le service au client étant de plus en plus qualitatif, la fidélisation de ce dernier est de plus en plus importante. La boucle est bouclée.
JA. Les internautes ont donc désormais toute confiance pour payer en ligne. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
hdm. Il est vrai que la France n'était pas très en avance dans le domaine de l'achat à distance, comparé aux Etats-Unis, à l'Angleterre ou au Canada, par exemple. Historiquement, nous avons une distribution traditionnelle bien implantée, et les ventes à distance n'ont jamais vraiment décollé. L'arrivée d'Internet a bouleversé la donne et surtout changé les mentalités. L'e-commerce s'est également développé grâce aux systèmes de paiements sécurisés établis par les banques. Il n'y a pas si longtemps, celles-ci étaient encore réticentes dans la vente en ligne et le remboursement des sommes prélevées indûment prenait du temps. Il a fallu les convaincre de l'opportunité que cela pouvait représenter et leur dire aussi que le paiement sur Internet était une pratique acquise depuis longtemps dans les autres pays. Depuis, elles ont mis en place des systèmes sécurisés et remboursent leurs clients rapidement si ces derniers ne valident pas, par un code ou une signature, les achats effectués en ligne.
JA. Peut-on dresser le profil type du
e-consommateur d'aujourd'hui ?
hdm. Il n'y a plus de profil type. Le e-consommateur, c'est M. Tout-le-Monde. Sur 14 millions d'acheteurs en ligne en 2005, il y a autant d'urbains que de provinciaux, de femmes que d'hommes, de CSP - que de CSP +... En revanche, nous observons un phénomène intéressant : Les femmes risquent de devenir les consommatrices les plus présentes sur Internet. Une présence qui est un signe favorable quant à la bonne santé de l'outil.
JA. Revenons à l'automobile, le prix est-il la seule motivation de l'automobiliste pour acheter son véhicule en ligne ?
hdm. Le premier argument pour acheter en ligne aujourd'hui, c'est la simplicité. On le remarque pour les billets d'avion ou
FOCUSQui est l'Acsel L'Association pour le commerce et les services en ligne est une organisation française qui regroupe 200 entreprises et organismes ayant une activité marchande sur internet (distribution, services, banques). L'Acsel se définit comme un club d'entreprises, un lieu d'échanges et de réflexion. Fondée en 1980, l'association a accompagné toutes les évolutions qui ont marqué l'entrée de la France dans la société de l'Information. Elle est en relation avec le cabinet du ministre délégué à l'industrie, et a organisé, de 1994 à 2002, quatorze missions d'étude aux Etats-Unis consacrées à l'interactivité, Internet et le e-business. L'Acsel est dirigée par un conseil d'administration de 24 membres élus pour trois ans, renouvelable par tiers chaque année. |
JA. Les offres automobiles proposées sur le Net par les constructeurs sont étonnamment pauvres. Comment expliquez-vous cela et pourquoi n'y a-t-il pas d'offres plus sophistiquées de leur part ?
hdm. Bien souvent, ceux qui éprouvent le plus de difficultés à réagir sont ceux qui sont les plus concernés. C'est particulièrement vrai pour les constructeurs et la vente en ligne. Aujourd'hui, ce sont des sites comme Mistergoodeal ou Priceminister qui vendent des véhicules sur Internet. Pourquoi ? Parce qu'ils savent le faire, c'est leur métier, et parce qu'ils ont la culture nécessaire pour le faire, à l'inverse des constructeurs. Pourtant, les opportunités sont nombreuses pour les constructeurs. Ils pourront proposer en ligne leur showroom, avec des animations dignes des meilleurs jeux vidéos. Et les systèmes de communication interactifs qui se construiront entre vendeurs, prospects et clients seront de grande qualité.
JA. Les constructeurs estiment qu'Internet ne doit servir qu'à s'informer, et non pas à acheter, qu'en pensez-vous ?
hdm. Où est la différence à partir du moment où le client achète son produit grâce au site sur lequel il s'est renseigné ? Aujourd'hui, nombreux sont les consommateurs qui consultent les sites de leurs marques préférées avant de les acheter dans le magasin. Plus que tout, Internet est un outil de reconquête et de fidélisation du client. Ce qui est intéressant, c'est que la vente d'un véhicule pourra être considérablement préparée sur le net et finalisée en concession. Un gain en temps non négligeable, puisque le vendeur pourra ainsi augmenter le nombre de ses ventes journalières, et une réduction des coûts de distribution.
JA. Peut-on imaginer des rapprochements entre sites et ainsi assister à l'éclosion du plus important concessionnaire en ligne du monde ?
hdm. Ce type de concentration est une possibilité pertinente. Par contre, il est fort probable que les constructeurs ne laissent pas s'organiser de telles plates formes de distribution unique. Ils ont leur mot à dire car cela n'irait pas dans le sens de leurs intérêts. Alors, on peut imaginer qu'ils rachètent très cher Priceminister par exemple, pour contrecarrer le phénomène et acquérir cette culture et ce savoir-faire qui leur font actuellement défaut. Il vaut mieux acheter quelque chose qui fonctionne et qui a fait ses preuves, plutôt que de partir de zéro ! De toute évidence, les grands groupes automobiles devront passer par ces acteurs externes pour vendre leurs modèles en ligne, car ils ont le savoir-faire.
JA. Les constructeurs manquent-ils de réactivité ?
hdm. Le monde de l'automobile regroupe une infinité de métiers différents, c'est d'ailleurs le seul secteur à proposer autant de diversité. Je ne connais pas d'autre secteur qui rallie autant de compétences. C'est un condensé d'intelligence, de technologies, de design… L'explosion d'Internet a créé des ruptures nécessaires à la redéfinition de ces métiers. La digitalisation des échanges développe de meilleurs services, à moindres coûts. Les constructeurs l'ont compris depuis longtemps, en amont de leur business. Regardez la manière dont sont fabriqués les véhicules aujourd'hui. Observez ces plates-formes communes qui servent à assembler plusieurs modèles dans plusieurs parties du monde à la fois. Les constructeurs doivent simplement comprendre que l'outil Internet est puissant en marketing et en communication, et qu'ils devront savoir s'en servir.
JA. Carlos Ghosn part à la conquête de la productivité, comme d'autres constructeurs d'ailleurs, alors Internet peut-il contribuer à atteindre cet objectif ?
hdm. A l'heure des gains de productivité, l'outil Internet permet de réduire les coûts qui mobilisent les réseaux à l'heure actuelle. Et les réseaux coûtent chers. Nous sommes dans un monde dicté par les volontés du consommateur. Patron de Renault ou pas, si l'Internet vous permet de gagner quelques points, vous n'allez pas hésiter. Il n'est plus possible pour un constructeur aujourd'hui d'avoir une vision sans Internet. Etablir une relation en temps réel entre le constructeur et le client est obligatoire. Porsche ou Renault, même combat. Les clients demandent la même chose, du service et une relation client bien établie. Internet permet d'optimiser cette relation, à moindre coût toujours. Et l'e-mail est un accessoire supplémentaire formidable. Les échanges par mail sont utilisés par des millions de gens. Dans le milieu professionnel, son usage va se multiplier car il permet de passer son message immédiatement et d'être proche de son client. Cette gestion du temps réel entre le fabricant et le distributeur et ce dernier avec son client va affiner encore plus l'exigence de chacun.
JA. La question de l'après-vente et le fait que l'on ne voit pas réellement ce que l'on achète, peuvent-ils être des freins supplémentaires ?
hdm. Les constructeurs, depuis des années, jouent sur l'argument du conseil, du service et de la relation physique lors de la vente pour ne pas écouler leur VN par le canal de la grande distribution. Mais pour la vente en ligne, on l'a vu, la confiance des consommateurs grandit, 10 à 12 000 véhicules se sont quand même vendus en 2005 par ce canal. Lorsqu'un client achète une Toyota, non seulement il a acquis ce véhicule 20 % moins cher, mais il a confiance dans le produit. Il s'est passé exactement la même chose avec les produits vendus sur des sites tels que Darty. Les gens ont confiance avant tout, et aujourd'hui, ils n'hésitent plus à acheter leur électroménager en ligne. Les choses sont à peu près similaires avec l'automobile, même si je pense qu'il faut d'abord arriver à désacraliser la voiture dans notre société actuelle.
JA. Dernière question, achèteriez-vous, en toute confiance, votre véhicule sur Internet ?
hdm. Sans hésitation.
Propos recueillis par
Muriel Blancheton dans le cadre du Face à la Presse d'AutoK7
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