Entretien avec Dieter Strass directeur général réseau et qualité DaimlerChrysler : "Notre stratégie : nous développer avec nos partenaires actuels"
...Journal de l'Automobile : Avec la nouvelle réglementation européenne, deux systèmes de distribution étaient possibles : exclusivité ou sélectivité. Vous avez choisi, comme quasiment tous les autres constructeurs, la sélectivité. Sur quels critères avez-vous fait ce choix ?
Dieter Strass : Le système sélectif seulement permet de choisir nos partenaires qui distribuent nos produits sur la base de critères quantitatifs et qualitatifs. Ce n'est que dans ce système que l'on peut disposer d'un réseau performant et dédié à nos marques.
J.A. : Comment s'est passée l'élaboration des nouveaux contrats ?
D.S. : Dès la publication du projet de règlement, avant l'été 2002, nous avons voulu présenter le plus rapidement possible un contrat à notre réseau. Avec le groupement, nous nous étions fixés comme objectif le 30 septembre 2002 au plus tard. C'est ce que nous avons fait, lors d'une convention, et les contrats Mercedes-Benz et Chrysler-Jeep étaient signés le 1er octobre 2002, pour une application le 1er octobre 2003. Nous avons beaucoup travaillé avec nos concessionnaires, aux niveaux européen et national, pour appliquer la nouvelle réglementation. Notre contrat européen a été adapté en fonction des lois nationales. Nous avions réglé les discussions juridiques en 2002, et nous sommes fiers d'avoir été le premier constructeur à signer le nouveau contrat.
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J.A. : Comment avez-vous défini les critères de sélection ?
D.S. : Dans le cadre de la sélection quantitative et qualitative, les standards sont contractuels. Nous avons donc défini les minima et nous les avons intégrés dans les contrats. Pour ceux qui ont dû investir, les investissements étaient raisonnables.
J.A. : Les contrats Mercedes-Benz et Chrysler-Jeep sont-ils identiques ?
D.S. : Nous avons en effet profité de ce changement de réglementation pour harmoniser nos contrats et faciliter à nos partenaires l'administration de leurs affaires lorsqu'ils représentent toutes les marques du groupe. Les standards sont restés cependant propres à chaque marque. Par exemple, nous demandons un showroom de 7 voitures pour Mercedes-Benz et de 5 voitures pour Chrysler-Jeep. Nous avons deux contrats : un pour la distribution et l'autre pour le service.
J.A. : Comment la marge se décompose-t-elle dans le cadre de ce nouveau contrat ?
D.S. : La marge maximale est de 16 %, dont 10 % de fixe et 6 % de variable. Cette marge variable dépend pour moitié du respect d'objectifs quantitatifs et pour moitié d'objectifs qualitatifs. Pendant la période de transition, jusqu'en 2006, nous garantissons à notre réseau une marge variable d'au moins 2 %. Comme pour les prix, nous avons harmonisé nos marges en Europe. Notre système est cohérent car nous demandons le même niveau de qualité partout en Europe. En France, le système était déjà assez proche et l'adaptation ne pose pas de problèmes.
J.A. : Les négociations avec le réseau sur les critères ont-elles été difficiles ?
D.S. : Non, nous avons réussi à faire admettre à notre réseau nos exigences moyennant quelques adaptations. Ensuite, pour chaque critère, nous avons défini un calendrier d'application. Pour certains, le délai est postérieur au 1er octobre 2003.
J.A. : Quelles sont actuellement vos relations avec le réseau ? Il semble qu'il y ait quelques points de désaccord.
D.S. : Nous sommes très fiers de notre réseau au regard du développement commercial que nous avons réalisé grâce à eux. En 1997, Mercedes-Benz vendait 26 000 voitures particulières, ce volume a été multiplié par deux depuis. Nous avons lancé la Classe A, puis une nouvelle marque avec Smart. Après la fusion, nous avons intégré l'équipe de Chrysler-Jeep à Rocquencourt. Ce résultat ne peut être obtenu qu'avec un réseau motivé et performant.
J.A. : Comment expliquez-vous que les concessionnaires émettent des réserves ?
D.S. : Nous avons travaillé énormément ensemble pendant deux ans pour l'élaboration du contrat. Nous avons abordé des choses très concrètes et basiques dont nous n'avions pas parlé pendant des années. Jamais nous n'avions discuté des fondamentaux de ce métier comme à cette occasion. Le nouveau texte apporte en effet des modifications non négligeables dans la façon de faire ce métier, comme la coupure entre la vente et l'après-vente ou la disparition de l'exclusivité. Nous vivons un métier déjà très concurrentiel avec une réglementation dont le but est encore d'accroître la compétition sur le marché. Ce texte sera en vigueur jusqu'au 1er mai 2010 et on ne sait absolument pas ce qu'il y aura après, si ce n'est toujours une accentuation de la libéralisation du marché.
J.A. : C'est donc le contexte qui explique la crispation dans les réseaux ?
D.S. : L'économie n'est pas excellente, elle est même morose. Après quatre bonnes années, le marché français n'est plus aussi élevé. En ce qui nous concerne, nous avons battu des records de ventes dans les années 2001 et 2002, et le réseau a atteint des taux de rentabilité avant impôt de l'ordre de 2,1 % à 2,2 %. En 2003, il est clair que la baisse de volume aura un impact sur la rentabilité qui devrait tout de même avoisiner 1,6 % du chiffre d'affaires pour la marque Mercedes-Benz. Pour Chrysler-Jeep, elle devrait être de l'ordre de 1,1 %, ce qui est très correct dans un marché difficile. Il faut prendre en compte ces points. Enfin, la réglementation impose des changements. Ce qui suscite l'inquiétude et pose des questions. Les relations contractuelles se trouvent modifiées.
J.A. : Craignez-vous la liberté totale d'implantation qui entrera en vigueur le 1er octobre 2005 ?
D.S. : Nous voulons que chacun respecte les mêmes standards et que tous disposent des mêmes armes. Le réseau de distributeurs et de réparateurs agréés est dans une situation qui lui permet de se préparer au 1er octobre 2005. La clé de la réussite sera la performance et la satisfaction du client. Si la performance d'une affaire est bonne et son potentiel bien traité, il n'y aura pas de potentiel à exploiter pour un éventuel investisseur, et il ne viendra donc pas. Si un client est satisfait de la prestation qu'on lui offre, pourquoi changerait-il de prestataire ? Le risque d'investissement pour celui qui voudrait s'installer n'est pas négligeable.
J.A. : La concurrence pourrait se développer par le biais de concessions multimarques ?
D.S. : A quoi cela servirait-il de distribuer une marque qui est déjà présente ? D'ailleurs, les concessionnaires n'ont déjà pas les surfaces suffisantes pour exposer tous les produits d'une gamme. La problématique de surfaces disponibles et la demande des clients limitent les possibilités. On constate que le client qui arrive dans un showroom a auparavant utilisé les outils informatiques pour faire son choix. Il a déjà une idée très précise de ce qu'il veut. De plus en plus, les gens veulent essayer les voitures. C'est là que nos distributeurs sont indispensables.
J.A. : Quels sont les critères quantitatifs que vous allez utiliser ?
D.S. : Le numerus clausus est un sujet compréhensible qui répond à une volonté de sécurité de la part de nos concessionnaires. Mais cette notion est en contradiction avec la suppression de la clause d'emplacement en 2005. Nous avions fait en 2000 une restructuration de notre réseau indépendamment de la réglementation, dans l'objectif de nous appuyer sur des partenaires performants en termes de commerce, de qualité de service et de moyens financiers pour se développer. Notre volonté était également de confier sur une zone d'influence l'ensemble de nos activités à des partenaires uniques. Cette restructuration a bien fonctionné et elle est achevée. En 2000, nous avions 150 partenaires différents y compris pour la distribution des VI, en 2003 nous n'en avons plus que 100. Nous sommes actuellement dans le cadre d'une phase normale de gestion de notre réseau. Pour nous, la restructuration est finie et nos partenaires sont ceux avec qui nous voulons travailler à l'avenir.
J.A. : Pour la marque Chrysler-Jeep, vous êtes toujours en phase de développement du réseau ?
D.S. : L'année 2004 sera encore une année de préparation pour le réseau Chrysler-Jeep dont les volumes vont augmenter dans les années à venir. Nous sommes dans une phase de développement, avec certainement l'arrivée de la marque Dodge. Sur les 42 partenaires que nous avons, 20 ont également d'autres marques de DaimlerChrysler. Notre stratégie est de nous développer avec nos partenaires actuels.
J.A. : Les synergies promises par le développement des groupes restent finalement assez marginales ?
D.S. : Il est vrai qu'il y a peu de synergies à trouver dans le cadre de la relation clients : les showrooms et le personnel restent dédiés à chaque marque. Mais il y a de vraies économies à réaliser dans le back office, sur les systèmes informatiques, la gestion et la comptabilité. Elles sont encore plus importantes dans les activités d'après-vente. Nous sommes très sensibles à ce sujet et nous sommes par exemple en train d'harmoniser les procédures administratives des marques Mercedes-Benz et Smart. Dans ces domaines, nous avons beaucoup de choses à faire pour rendre encore plus profitable le multimarquisme au sein d'un même groupe. Nous pouvons encore très certainement réduire les frais de fonctionnement. Mais cela prend du temps. Je suis très confiant, il est encore possible d'optimiser la gestion des plaques. Il y a six ans, un concessionnaire moyen représentait une marque avec une équipe de 30 à 40 personnes. Aujourd'hui, ils sont 200 personnes pour 4 à 5 marques. Ces entreprises demandent désormais un management différent. La gestion d'une plaque se professionnalise à différents niveaux.
J.A. : Les frais de distribution représentent-ils toujours 30 % ?
D.S. : Pour la compétition nous tâchons de baisser les frais de distribution. Nous cherchons des économies et nos concessionnaires aussi. Notre projet 2004 définit le cadre optimal pour le fonctionnement d'une plaque. Mon intérêt est que les concessionnaires soient rentables. La moyenne de résultat de 1,6 % du chiffre d'affaires dans le réseau Mercedes-Benz cache de grandes disparités, certains obtiennent le double. C'est la raison pour laquelle nous voulons aider notre réseau à obtenir de bonnes performances grâce aux standards et à la qualité du management. Nous pouvons les aider à échanger les meilleures pratiques.
J.A. : Quelle est votre position vis-à-vis de ceux qui investissent dans d'autres marques que celles du groupe ?
D.S. : Nous avons un certain nombre de partenaires qui ont d'autres marques que celles du groupe DaimlerChrysler. L'important est que des personnes soient dédiées à nos marques. Nous ne nous opposons pas au multimarquisme, même si l'expérience montre que ce n'est pas toujours une bonne expérience. Mais ce n'est pas pour nous un sujet de conflit. Nous appliquons la réglementation. Tous les grands groupes multimarques sont organisés par marque. D'ailleurs, même aux Etats-Unis où le système est libre, c'est le type d'organisation que l'on rencontre.
J.A. : La nouvelle réglementation, notamment l'obligation de respecter des critères pour l'après-vente, a entraîné la perte d'un grand nombre d'agents. Quelle est la situation dans votre réseau ?
D.S. : Notre contrat de réparateur agréé applique les mêmes standards à tous. Certains agents n'ont pas voulu ou pas pu atteindre ce niveau et ne sont plus dans le réseau. Comme le prévoit la réglementation, si quelqu'un veut être membre du réseau après-vente et qu'il est capable de remplir les standards, il sera nommé. Nous avons eu quelques demandes (une trentaine) auxquelles nous avons répondu. A priori, il s'agissait plus de curiosité que d'un réel intérêt. Mais nous sommes tenus de communiquer les standards, ce que nous faisons. Avec notre réseau actuel, nous sommes tout à fait capables de servir correctement nos clients.
J.A. : Où en est votre politique de succursales ?
D.S. : Nous avons réalisé tous nos projets, le programme est donc terminé. Nous avons des succursales Mercedes-Benz VP et Smart à Paris (intra-muros pour Mercedes, extra-muros pour Smart), Lille, Lyon (MB seulement), Bordeaux et Villeneuve-Loubet. Notre volonté est de rester dans le périmètre actuel qui correspond à un seuil de 30 % des ventes.
J.A. : Vous n'avez pas de succursales Chrysler-Jeep ?
D.S. : Pas actuellement. C'est un choix stratégique.
J.A. : Combien avez-vous investi dans ce programme ?
D.S. : Nous sommes satisfaits de la finalisation des négociations et nos partenaires également. Nous ne sommes pas systématiquement propriétaires de l'immobilier. Nos objectifs dans ce programme étaient d'être présents sur des emplacements stratégiques et de définir des procédures performantes. Le réseau a investi 50 millions d'euros dans des bâtiments sur les deux dernières années, il fera le même investissement au cours des trois prochaines années.
J.A. : Vous êtes également le patron de la qualité, qu'est-ce que cela recouvre ?
D.S. : Ma responsabilité concerne également la certification ISO en interne au siège et dans le réseau. Depuis le 30 juin 2003, DaimlerChrysler est certifié ISO 9001/2000, nous étions déjà certifiés depuis 1999 dans le système précédent. Nous demandons au réseau la certification ISO 9001/2000 pour fin 2004 pour les distributeurs Mercedes-Benz et fin 2005 pour Chrysler-Jeep. Avant de passer à cette phase, nous avons défini notre propre référentiel. Il décrit toutes les procédures. Par exemple, la livraison d'un véhicule neuf, qui est un événement important, est décrite en détail et dure 2 heures et demi. De même, pour l'essai, nous avons défini très précisément quelles sont les normes à suivre. Ce travail est fait pour Mercedes-Benz et 15 distributeurs sont déjà certifiés. Nous établissons actuellement le référentiel de Chrysler-Jeep.
Propos recueillis par Florence Lagarde
ZOOMUn réseau extrêmement concentré |
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