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Constructeurs

Entretien : Alexandre Malval, directeur de gamme au sein du style Citroën.

Publié le 14 mars 2008

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
De tous les directeurs de style que j'ai connus, Jean-Pierre est le plus complet.Directeur de gamme au sein du Style Citroën, et responsable du design de C5, Alexandre Malval est un jeune designer pétri de talent et un très proche collaborateur...

...de Jean-Pierre Ploué. Il nous livre un éclairage très pertinent sur l'homme, le designer et le manager.

Journal de l'Automobile. Je crois que vous connaissez Jean-Pierre Ploué depuis longtemps, à quand remonte votre première rencontre ?
Alexandre Malval. J'ai connu Jean-Pierre en 1989, quand j'ai été pris en stage chez Renault. Lui était déjà un designer en pointe là-bas, ça se voyait. Je me souviens qu'il était en train de concevoir le show-car Laguna, un concept qui a fait couler beaucoup d'encre car il était clairement en rupture. Ensuite, il y a aussi eu Argos, un concept qui n'avait pas que des partisans, même en interne, mais qui a clairement influencé les designers du groupe Volkswagen qui développaient la TT. A l'époque, en tant que stagiaire, j'étais surtout un témoin, j'observais, même si on se voyait beaucoup en dehors avec tout un groupe d'amis. En 1995, Jean-Pierre est parti chez Volkswagen et un an après, il m'a contacté pour me proposer de le rejoindre et j'ai accepté. Puis en 2000, il est allé chez Citroën et je l'ai rejoint là-bas en 2001. Attention, je ne l'ai pas toujours suivi ! (rires) Quand il est allé chez Ford, je suis resté chez Volkswagen où de nombreux projets me tenaient à cœur.

JA. Vous qui faites partie de sa garde rapprochée, quelles sont ses qualités que vous mettriez en avant ?
aM. Tout d'abord, il est toujours à l'écoute des autres, manifestant une grande ouverture d'esprit et acceptant les différences et la contradiction. Fondamentalement, je crois que c'est la base de toutes ses autres qualités. Par ailleurs, vous savez, j'ai connu beaucoup de patrons de style, une douzaine environ, et je pense vraiment que Jean-Pierre est le plus complet. Il a une opinion pertinente sur tout ! Sur les masses, les modelés, les jantes, les rétroviseurs, etc. Et aussi sur l'habitacle, la console, le grain des matières, les couleurs, etc. C'est assez unique, je crois. Notamment cette exigence vis-à-vis du style intérieur, qui renvoie à une grande proximité des demandes du client. Je peux vous assurer que ce n'est pas la norme dans le milieu des directeurs de style… Autre qualité : il est très efficace et peut faire beaucoup de choses à la fois. A un rythme effréné ! Il est aussi capable de restructurer une équipe en cours de projet, avec beaucoup d'intelligence, même si tout marche bien. Mais s'il sent qu'on peut faire plus, il y va. Et il n'a pas peur de le faire. Enfin, il se remet en cause en permanence et ses équipes avec. Il est habité par le doute, mais c'est un doute fécond qui se transforme en perspicacité et en dynamisme. Il est toujours projeté vers ce qui est à venir.

JA. Comment définiriez-vous son management d'équipes ?
aM. Il manage naturellement et je parlerais volontiers de management du cœur. Ce qui ne l'empêche pas d'être très exigeant, exigeant et paternaliste à la fois. Souvent aussi, il a besoin de faire des boucles, de faire et de refaire le tour de la question, avant de retomber sur ses pieds. Même si le projet est sur de bons rails, même si la maquette est satisfaisante. Cela relève plus de la très forte intuition que du perfectionnisme maniaque. Il a une immense intuition, il voit toujours ce qui peut être amélioré, même si c'est infime. Alors forcément, nous y croyons et nous le suivons, surtout que ces petites choses apportent toujours un plus, c'est un peu l'accroche-cœur du style. En outre, Jean-Pierre est très respecté. Beaucoup de designers sont là pour lui, presque plus que pour Citroën. Dès qu'il est accaparé par ses fonctions de directeur et qu'on ne le voit pas pendant un certain temps, les stylistes le réclament en quelque sorte. Mais de toutes façons, ce qu'il a fait chez Citroën ces dernières années a vraiment prouvé ses qualités de manager.

JA. De quelle façon défend-il les projets vis-à-vis de la direction générale ?
aM. Il a un pouvoir de conviction énorme ! C'est un très bon vendeur, au sens positif du terme, et comme il ne prend pas la pose, il n'hésite pas à jouer les marchands de tapis, par conviction (rires). Ce qui est frappant, c'est qu'il n'est pas impressionné par nos grands patrons, bardés de diplômes prestigieux. C'est vraiment un bon communicant, jamais dans une veine mégalo et toujours au service du produit. D'ailleurs, son obsession, bien avant sa carrière ou ce qu'on peut penser de lui, c'est le produit. Il veut toujours faire le plus beau produit et s'étalonne sans cesse avec la concurrence. En somme, il a un véritable instinct de marketing. En interne, c'est bien accepté car tout le monde a compris qu'il ne cherchait pas à empiéter sur le territoire d'autrui. D'ailleurs, avec Vincent Besson, ils forment un remarquable duo. Ils fonctionnent comme des partenaires, pas comme des adversaires.

JA. Vous devez bien lui trouver quelques défauts, non ?
aM. Il a les défauts qui sont liés à son hyperactivité. Il peut ainsi paraître très impulsif dans ses prises de décision. Spontané, il peut aussi être très direct, voire abrupt, dans ses jugements ou ses décisions. Mais juste après, vous allez boire un pot avec lui et c'est déjà complètement oublié.

JA. Jean-Pierre Ploué est jeune et déjà au pinacle, comment et où l'imaginez-vous dans quelques années ?
aM. Même s'il a beaucoup de cordes à son arc et peu de limites, je le vois rester dans l'automobile. D'une part, c'est une passion et d'autre part, c'est difficile de trouver ailleurs un produit aussi complexe et complet. Je ne le vois pas non plus être irrésistiblement attiré par le style d'un groupe avec un vaste portefeuille de marques, car sa passion est liée au terrain. Il est plus proche des maquettes que de la super-gestion du style. En outre, il a un attachement très fort à Citroën. Il converse avec les valeurs de la marque. En revanche, je le vois bien bouger si d'aventure on veut un jour lui couper les ailes. Ceci dit, tout peut arriver et ce n'est pas à moi de parler de ça (rires).

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