Edito : Accord en position serrée

Robert Castel a montré comment nous avons construit, dans la période post Seconde Guerre Mondiale, “le compromis social du capitalisme industriel” : en schématisant, des ressources (économiques) et des protections (sociales) en contrepartie de la subordination salariale. Dès les années 70, la crise -déjà- a ébranlé ce modèle. En fait, une répétition de crises qui s’avère être le marqueur d’une mutation globale du système vers un capitalisme à la fois financier et planétaire. L’ère du benchmarking globalisé et informatisé, où le coût de l’heure d’un ajusteur indonésien peut notamment être comparé à celui d’un ajusteur mexicain ou français. Dans le même temps, le pacte social n’a pas été réinventé, laissant les vieilles économies à l’état de gaz instable.

L’accord de compétitivité de Renault est venu rappeler ce manque. Un accord donnant-donnant pour les uns. Pour les autres, un accord qui montre que les syndicats ont dû avaler leur chapeau. Mais ce n’est pas facile de négocier avec la crise sur la tempe, les Espagnols l’ont su avant. Et avant même Carlos Ghosn, Sergio Marchionne avait été très clair, lors d’un discours prononcé à Melfi : “Il y a une chose que je sais : les marchés ne fonctionnent ni à l’éthique ni à l’affectif”. Le retard du politique, en France l’accord sur l’emploi est encore sur l’ouvrage…, lui fait perdre son statut de guide, voire son autorité.

Pour envisager une refondation, nous gagnerons sans doute à écouter Bob King, auquel il fut pourtant reproché (par les “rouges”) d’accepter des fermetures d’usines et de ne pas demander une hausse globale des salaires : “Notre mission est de créer une solidité des emplois à long terme, hors de portée des fluctuations des marchés, ces dernières ne devant influer que sur les rémunérations supplémentaires”. Sans oublier le nécessairement indiqué Rousseau : “Il est absurde de se donner des chaînes pour l’avenir”.