Contrairement aux hybrides, la vocation du VE est populaire
Journal de l’Automobile. Le VE est aujourd’hui perçu comme un produit cher par la grande majorité des consommateurs, comment pouvez-vous infléchir ce phénomène de fond ?
Thierry Koskas. Au sein du groupe Renault, notre principal argument commercial sera précisément celui du pouvoir d’achat. Par rapport aux consommateurs, la clé sera de prouver l’avantage économique de l’offre. Cela demandera des efforts de démonstration et il faudra aussi faire essayer les produits. Beaucoup d’efforts iront dans ce sens au niveau du réseau notamment. En fait, les véhicules seront commercialisés au tarif d’un modèle Diesel équivalent et le coût d’usage sera similaire à celui d’un modèle essence si vous roulez environ 10 000 km par an. Il deviendra même moindre si vous roulez plus de 12 000 km. Nous pouvons nous engager sur ce point car la batterie est prise à part, via un loyer mensuel.
JA. Lors du dernier Salon de Genève, vous reconnaissiez qu’il y avait encore des difficultés technologiques à lever, notamment sur la fiabilité de l’autonomie des batteries, qu’en est-il quelques mois plus tard ?
TK. Il n’y a pas d’obstacles majeurs se dressant sur notre route. Pour l’autonomie, nous pouvons nous engager sur 160 km, ce qui est largement suffisant pour la plupart des utilisateurs. Toutefois, il reste encore quelques points bloquants sur certains paramètres batteries ou moteurs, mais c’est logique dans la mesure où nous sommes en phase de mise au point.
JA. La commercialisation des VE concernera-t-elle l’ensemble du réseau ou des ciblages sont-ils à prévoir eu égard aux volumes réduits dans un premier temps ?
TK. Pour la vente comme pour l’entretien, tous les concessionnaires seront concernés. Le travail d’information et de formation est d’ailleurs en cours et ce programme durera un an. L’intérêt est manifeste pour les distributeurs, car ces véhicules offrent un gros potentiel de conquête. En outre, si la rentabilité sera de nature différente, vu que les opérations d’entretien seront moins fréquentes, elle sera bel et bien au rendez-vous par le biais de nouvelles offres de financement et de services. Enfin, considérant qu’il s’agit d’un produit innovant, la fidélité des clients sera très vraisemblablement plus intense qu’avec des modèles conventionnels.
JA. Au-delà des flottes de sociétés ou de collectivités, qui représenteront l’essentiel du volume dans un premier temps, quelles cibles de clientèle espérez-vous toucher ?
TK. Vu nos objectifs, il va de soi que le client particulier est aussi essentiel ! La cible est large, comprenant des clients variés dans les zones urbaines et périurbaines. Dans les campagnes, le VE peut aussi trouver sa justification comme deuxième voiture. En fait, dans un premier temps, nous viserons les flottes avec Kangoo et Fluence, puis cela changera avec Zoé et Twizy où la clientèle particulière pèsera deux tiers des ventes. Sans oublier le potentiel en devenir des sociétés d’auto-partage.
JA. Très prosaïquement, sur quels volumes tablez-vous à un horizon 2020 ?
TK. Nous estimons qu’un véhicule vendu sur dix sera électrique en 2020. Ce qui représente un volume global de 6 millions de ventes.
JA. La problématique de la recharge fait couler beaucoup d’encre, même si vous ne maîtrisez pas tous les paramètres de l’équation, y voyez-vous vraiment un obstacle au développement du VE ?
TK. Le sujet est assurément complexe, mais je n’y vois pas pour autant un obstacle à l’essor du VE. Tout simplement parce que la recharge s’opérera dans 80 à 90 % des cas au domicile. Cela prendra entre quatre et huit heures, essentiellement la nuit durant, d’autant plus que c’est pendant ces plages horaires que l’électricité est la moins chère. Concernant les infrastructures publiques, l’implémentation de bornes de recharge rapide, de l’ordre de 30 minutes, se fera au fur et à mesure. Le déploiement sera donc progressif, mais en France, le Gouvernement va déjà dans ce sens, comme en témoignent les premières mesures dites “Borloo”, englobant treize communautés urbaines.
JA. Dans le maelstrom des conflits d’intérêts entre pays et opérateurs, militez-vous pour des normes strictes, pour les prises par exemple ?
TK. Ce serait bien entendu l’idéal. Cependant, si nous ne pouvons pas débuter avec une norme établissant une prise unique, ce n’est pas non plus dramatique. Nous vendrons des câbles différents sous forme de kit, ce n’est pas le plus sorcier.
JA. Selon un grand dirigeant de Michelin, la Chine a tout pour être le roi du VE. Les constructeurs chinois sont-ils vos principaux concurrents ?
TK. Ce sont des concurrents très sérieux. D’autant que la volonté politique de l’Etat est au rendez-vous, eu égard à l’enjeu du prix du pétrole ou de la pollution urbaine par exemple, et que l’expertise sur les batteries existe bel et bien. Toutefois, on peut aussi y voir une opportunité commerciale très prometteuse. Par ailleurs, dans le panorama de la concurrence, il ne faut pas oublier d’autres constructeurs traditionnels faisant valoir leur propre approche du VE, comme le groupe Volkswagen par exemple.
JA. Comment intégrer la Leaf dans le puzzle VE de l’Alliance et pourquoi Renault tend à dénigrer l’hybridation, en France tout du moins, alors que Nissan maîtrise et commercialise cette technologie par ailleurs ?
TK. Avec Leaf, l’offre de Nissan concerne les compactes, un segment que Renault ne vise pas avec les Fluence et Kangoo. A l’échelle du groupe, il y a donc plutôt complémentarité. Par ailleurs, il est vrai que l’Alliance maîtrise et commercialise des modèles hybrides, mais ils sont destinés aux segments milieu et haut de gamme. La vocation du VE est beaucoup plus basique et populaire.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien sur le site de LCI, dans les archives podcasts de l’émission “Chacun sa route” animée par Pascal Boulanger.
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