Carrossier constructeur, le contrecoup de la mutation
...à l'heure où les grands constructeurs jouent la carte de l'intégration.
Si les carrossiers-transformateurs se portent comme un charme (+ 5 % en 2007), il n'en est pas de même pour les carrossiers-constructeurs. Entre annonces de restructuration et plans sociaux, ceux qui, par le passé, contribuaient au succès des constructeurs en fabriquant des modèles exclusifs, montrent depuis des signes de faiblesse. Heuliez, Pininfarina, Bertone, Karmann, autant de grands noms qui ont marqué l'histoire automobile et qui connaissent aujourd'hui des difficultés sans précédent. Qu'ils soient designer de modèles primés comme la Peugeot 406 Coupé, œuvre de Pininfarina, ou inventeurs de technologie comme le toit rigide rétractable, création de Heuliez, ces entreprises connaissent des jours sombres.
Diversification toute
Erreur de stratégie ? Manque de réactivité par rapport aux mutations ? Rareté des contrats ? Multiples peuvent être les raisons pour expliquer cette déchéance. Pour Jean Claude Dutartre de Carcoserco, Heuliez a répété la même faute que Matra par le passé. La société de Gérard Queveau a profité de l'essor de nombreux marchés de niche et s'est mise entièrement à la disposition des constructeurs. "Heuliez est à 100 % constructeur automobile. Il travaille sur de petites séries et s'expose donc au risque du marché", pense le président de la chambre syndicale française des carrossiers et constructeurs de semi-remorques et conteneurs. "Matra a connu les mêmes complications dès lors que Renault a été en mesure de fabriquer seul l'Espace", rappelle-t-il en illustration. A côté, Gruau ne traite qu'à 30 % avec les constructeurs. Une attitude "détachée" payante et dont il se félicite (voir notre entretien). Force est de constater que "Heuliez a fait un choix qu'il paye cycliquement", commente un observateur qui pense également que le secteur est arrivé au terme d'un cycle et que "de nouvelles voies doivent être explorées".
Sur toutes les lèvres, la solution chinoise s'avère la plus vraisemblable. La seule qui éviterait de prendre un risque de démantèlement de l'outil industriel ou d'assister au simple "pillage" des technologies de l'entreprise des Deux-Sèvres. Le partenariat signé avec Cherry Automobile pour le développement d'un coupé-cabriolet et l'ouverture prochaine d'un site de production en Chine attestent de cette volonté de s'ouvrir aux constructeurs des pays émergents. Roger Brown, responsable communication de Heuliez, rappelle que des représentations commerciales devraient être opérationnelles sous peu en Asie et que les équipes auront pour tâche de signer des contrats avec les constructeurs locaux. Les autres pistes ? Un rachat ou une diversification. Une négociation fastidieuse ou une tentative (tardive) de rectifier la trajectoire avant la sortie de piste. Dans le premier des cas, il s'agit de ne pas brader un outil industriel dont la réputation n'est plus à faire. Dans le second, faute de contrat dans l'automobile, la société pourrait se tourner vers les industries ferroviaires ou aéronautiques. Et Roger Brown d'expliquer : "Nous essayons depuis près de trois ans d'intégrer ces marchés".
Des maux européens
Ces déboires, l'entreprise française n'est pas la seule à les rencontrer. Les allemands et les italiens souffrent aussi de la conjoncture. A l'international, la concurrence est rude. Les contrats sont rares. Les constructeurs exigeants. Heureusement - serait-on tenté de dire - les prétendants ne sont pas nombreux. En même temps, il faut admettre que beaucoup ont abandonné. Quoi qu'il en soit, les projets de "délocalisation" de la production de véhicules de niche ne sont pas légion. De fait, des appels d'offres comme celui de la Mini Colorado prennent des allures de salut. En l'occurrence, Karmann et Magna Steyr avaient chacun misé une partie de leur avenir sur cet appel de BMW Group. Au final, le canadien et son usine autrichienne l'emporte quand Karmann se voit obligé d'adopter un plan de restructuration qui conduira à la suppression de 1 800 emplois sur l'ensemble de l'année. Seule réponse à la baisse des volumes.
Plus au sud, les grands noms transalpins de l'automobile sont au cœur de la tourmente. Et si Pininfarina entretient un faible espoir à travers le joint-venture engagé avec le groupe Bolloré, Bertone semble dans l'impasse. Lilli Bertone, veuve de Nuccio et administrateur de l'entreprise, a placé son affaire en dépôt de bilan et cherche activement un repreneur. Domenico Reveglio, magnat de l'industrie et un temps pressenti à la reprise de la société n'a pu parvenir à ses fins. Les filles Bertone, détentrices de 45 % des parts, se sont fermement opposées sur le sujet. Lilly, qui ne pèse que 20 %, ne pourra pas empêcher le tribunal de Turin d'annuler la procédure de vente. Un accord selon lequel Reveglio prenait 65 % de la Carrozzeria et 100 % de la division Stile, et rétrocédait 35 % du groupe Keplero nouvellement créé, à Lilli Bertone. Mais ici, comme chez beaucoup d'autres, c'est le brouillard et les multiples salons européens, Genève en tête, s'annoncent comme un élément de réponse dans un marché en pleine révolution.
Photo : Peugeot a décidé de produire en interne la 207 CC. Heuliez a donc dû trouver de nouveaux contrats pour compenser l'arrêt de la 206 CC, comme la production de l'Opel Tigra Twin top. Mais les volumes ne sont pas au rendez-vous…
KARMANN EN BREF • Date de création : 1901 |
Karmann
Audi A4 cabriolet (16 743) Mercedes CLK (10 250) Chrysler Crossfire (1 402), Renault Megane Cabriolet (17 688), New Beetle Cabrio (17 431), Micra C+C (3 428), Pontiac G6 cabrio (6 438), Chrysler Sebring Cabrio (14 012), Ford Mustang (4 694), Autres produits Premium de luxe (2 708).
Karman a perdu le contrat face à Magna Steyr concernant la Mini Colorado et menace de supprimer 1 800 emplois dans un premier temps si aucune compensation n'est trouvée. Au cours du second semestre 2008, 900 des 1 000 emplois de l'usine de Rheine vont être supprimés pour faire face à la baisse d'activité prévue dans le calendrier. Par ailleurs, Karman souhaite trouver des contrats pour pérenniser le site de Osnabrueck, où 870 salariés sont menacés cette année. Une procédure de licenciement qui sera étalée sur l'ensemble de l'année si aucun contrat de production n'est décroché avant le 1er juillet. "Nous avons adapté notre stratégie aux changements radicaux qu'a connu le marché. Malgré cela nous faisons aujourd'hui face à une situation qui nous oblige à supprimer de nombreux postes. La direction de Karmann fait le nécessaire pour minimiser les effets de la conjoncture et stabiliser sur le long terme l'activité", explique Peter Harbig, président du conseil d'administration.
HEULIEZ EN BREF • Employés : 1 360 |
Heuliez
Opel Tigra Twin Top (45 à 50 unités par jour), cabine de tracteurs et d'engins de manutention (une dizaine par jour).
Commentaires de Roger Brown, responsable communication : "Nous avons lancé un plan de sauvetage de l'entreprise afin de rassurer nos partenaires financiers le temps de trouver une solution. Nous avons plusieurs projets. Le premier, que nous avons annoncé à Francfort, repose sur le développement d'un véhicule de type coupé-cabriolet pour le compte de Cherry Automobile. Il sera produit dans une nouvelle usine en Chine, où nous ouvrons par la même occasion des bureaux commerciaux. Alors, il sera possible de démarcher d'autres constructeurs et de proposer nos services. La seconde solution serait de remporter l'appel d'offres de La Poste concernant près de 500 véhicules électriques. La décision reste à prendre mais nous sommes pour l'heure bien placés. Autrement nous n'écartons pas la possibilité de trouver un nouvel actionnaire majoritaire. Un sous-traitant issu du monde automobile par exemple ou une entreprise à l'activité très proche. Hormis cela, Heuliez pourrait se recentrer sur des activités diverses telles que l'industrie aéronautique ou ferroviaire."
MAGNA STEYR EN BREF• Implantations : Graz (Autriche), Toledo (Etats-Unis), Hambach (France) |
Magna Steyr
BMW X3, Saab 9-3 Cabrio, Jeep Grand Cherokee, Jeep Commander, Chrysler Voyager/ Grand Voyager, Chrysler 300C (Sedan and Touring), Mercedes-Benz Classe G.
Magna Steyr a obtenu en décembre dernier le contrat de production de la Mini Colorado qui débutera en fin d'année.
Réactions de Michaël Senoner, responsable communication Magna Steyr Europe : "Nous allons continuer à nous appuyer sur la flexibilité dont nous avons fait preuve jusqu'à maintenant et sur notre position de pionnier dans l'innovation technologique. Rappelons que nous sommes à l'origine du système de propulsion alternative. La production pour le compte des marques automobiles reste un marché en croissance. Notre outil industriel nous permet de nous adapter à toutes les demandes et donc de proposer des prix compétitifs à nos clients souhaitant se "délocaliser". D'ailleurs sur ce point le site Magna Steyr de Graz a été salué par JD Power qui l'a consacrée meilleur usine automobile européenne."
PININFARINA EN BREF• Employés : plus de 3 500 |
Pininfarina
Alfa Romeo Brera : 4 795 (8 248)
Alfa Romeo Spider : 4 535 (2 838)
Ford Focus Coupé-Cabriolet : 15 036 (629)
Mitsubishi Colt CZC : 4 740 (9 110)
Volvo C70 : 20 423 (15 207)
Le groupe a enregistré un profit encourageant au mois de septembre, cependant il faut nuancer avec une perte de 23,2 millions d'euros sur les résultats d'exploitation. Si Pininfarina a retrouvé sa capacité à générer du chiffre, grâce à sa diversification d'activité par le rachat et la prise de participation dans des sociétés étrangères notamment, le groupe ne rentabilise pas son outil de production.
Initié avec l'aide de Roland Berger et Rotschild, Pininfarina a lancé un vaste plan de restructuration financier et industriel. Les accords signés récemment avec Bolloré visant à la fabrication de la Blue Car laisse entrevoir une solution.
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