La stratégie de BYD pour se transformer en constructeur européen
Stella Li ne connaît peut-être pas l’expression française "Rome ne s’est pas faite en un jour", mais s’il faut retenir une maxime pour résumer la stratégie de BYD en Europe, c’est bien celle-ci. Car à l’occasion d’un déjeuner informel, la numéro 2 du plus important constructeur automobile chinois et leader mondial de la batterie n’a cessé de le répéter : "Nous sommes patients et nous construisons sur le long terme".
Un message aussi bien adressé aux constructeurs européens qu’aux autres acteurs chinois, dont certains communiquent à tour de bras leur arrivée prochaine sur le marché avec des ambitions pas toujours très réalistes.
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Contrairement à la plupart des autres constructeurs chinois, BYD connaît le marché européen. "L’Europe est un marché très compliqué, reconnaît Stella Li. Il est économiquement et réglementairement unique, mais il existe autant d’habitudes de consommation ou de fiscalité que de pays. Nous devons convaincre les clients pays par pays !"
Au milieu des années 2010, BYD a connu une première expérience industrielle en France, à Beauvais (60). Il s’agissait d’une usine de bus, mais elle n’a malheureusement pas duré très longtemps. Une expérience qui a laissé un goût amer au constructeur. Très vite, celle-ci a déménagé en Hongrie. C’est d'ailleurs dans ce même pays que BYD produira "fin 2025", a précisé Stella Li, les premières BYD made in Europe. Le constructeur avait précédemment annoncé le lancement de la production pour 2026.
Le déploiement industriel sur le Vieux Continent est indispensable, voire urgent, pour le développement de la marque. Une deuxième usine, cette fois-ci en Turquie, produira à la fois pour le marché local et l’Europe. Et selon les besoins, une troisième pourrait être envisagée. "Chaque usine aura la capacité de produire 150 000 voitures par an, indique Stella Li. Nous souhaitons être très flexibles. Ces sites seront capables d’assembler des modèles électriques et des hybrides rechargeables."
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Cette stratégie est une réponse aux annonces de Bruxelles. "Nous observons que les politiques sur-réagissent par rapport à l’arrivée des constructeurs chinois, poursuit-elle. Nous subissons exactement ce que les constructeurs japonais dans les années 70 et 80 et après eux, les coréens, ont vécu. Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause le bien-fondé de leur présence en Europe. Nous voulons asseoir notre ancrage en Europe pour devenir une entreprise locale."
Travailler son image de marque
Reste que pour la majorité des clients européens, BYD est une marque totalement inconnue. "Nous avons conscience du décalage qui existe entre la notoriété de la marque en Chine et notre poids sur le marché local (BYD a représenté une part de marché de 44 % sur le segment des véhicules électrifiés au premier semestre 2024, NDLR) et celle en Europe, inexistante", commente la numéro 2 de la marque chinoise.
La première action d’envergure a été de sponsoriser l’UEFA, un investissement de plusieurs centaines de milliers d’euros. La marque compte ensuite communiquer sur sa technologie et sa qualité de service. "La notoriété d’une marque est portée à 40 % par ses produits et à 60 % par les services au sens très large du terme", martèle Stella Li.
Des modèles pour l'Europe
Pour la partie produit, BYD distribue depuis seulement un an, six modèles et prévoit d’en lancer quatre à cinq autres l’année prochaine, dont un véhicule électrique du segment B. Et en 2026, BYD compte commercialiser des modèles conçus spécifiquement pour l’Europe.
Le constructeur, qui en plus de la marque BYD, dispose de trois autres marques sur le marché local : Denza avec un positionnement plutôt premium, Fang Cheng Bao pour le véhicule tout-terrain "mais pas que", comme on nous l’a glissé lors de ce déjeuner, et Yangwang, une marque de tous les superlatifs, vitrine technologique du constructeur.
Une partie de la gamme Denza sera disponible dès 2025. Mais pour l’instant, le constructeur ne sait pas encore sous quelle forme seront distribués les produits, s’ils le seront dans le réseau BYD existant ou s’ils feront l’objet d’un rebadgeage pour capitaliser sur la marque BYD. Pour les deux autres, très chinoises dans l’approche marketing, rien n’a encore été décidé.
Un investissement sur le long terme
En France, la marque vise une centaine de points de vente d’ici la fin de l’année prochaine. "Nous cherchons des acteurs bien implantés, qui ont une vision bien particulière de leur activité, précise Stella Li. Nous leur demandons où ils seront avec nous, non pas dans un an, mais dans cinq ans. Nous sommes là, non seulement pour rester, mais également pour leur faire gagner de l’argent."
Outre les produits, le développement de la marque en Europe passera par de nouveaux standards. "Nous souhaitons être l’Apple Store de la distribution automobile", souligne Stella Li. Dans les prochains mois, des concessions en Europe présenteront cette nouvelle image de marque.
Autre axe de développement pour avoir de la visibilité : le marché des flottes. "Il est capital pour nous", souligne Stella Li. Mais pour les séduire, il faut mettre à disposition du marché des produits affichant des valeurs résiduelles intéressantes et pertinentes.
Les valeurs résiduelles, une priorité
"C’est un autre défi", lâche-t-elle. Il est d’ailleurs intéressant de noter que BYD est l'un des rares constructeurs chinois à aborder frontalement cette question. "Nos valeurs résiduelles sont en effet un très important challenge, reconnaît Stella Li. Mais nous sommes confiants : nous maîtrisons la technologie de A à Z et nos bus et taxis électriques, qui ont parcouru des millions de kilomètres dans les pays où nous sommes présents, sont nos meilleurs ambassadeurs." Elle rappelle d’ailleurs que BYD est l’un des plus importants constructeurs de bus dans le monde.
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L’appétit de BYD semble sans limite. La marque a-t-elle l’intention d’en acheter d'autres, et pourquoi pas européennes, comme Geely l’a notamment fait avec Volvo ? "Notre croissance a toujours été organique, glisse Stella Li. Si des opportunités s’offrent à nous, nous serons attentifs, mais ce n’est pas un axe prioritaire pour notre développement."
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