Carrossiers/Experts : le fossé se creuse
Le débat sur le rôle économique de l'expert automobile ne cesse d'animer le secteur de la réparation-collision. Relancée après avoir été reconnu en début d'année par la Cour de Cassation dans le cadre d'un litige opposant un carrossier à un cabinet d'expertise, la controverse a fait l'objet d'une nouvelle table-ronde organisée à l'initiative de l'Association des journalistes techniques et économiques (AJTE).
A cette occasion, plusieurs participants ont rappelé, en préambule, que le métier d'expert automobile tournait, initialement, "autour d'une notion de technique, de savoir-faire, de carrosserie, qui s'est peu à peu perdu". "D'un rôle de référent technique, nous sommes passés avec le temps à celui d'arbitre économique", ont mentionné les professionnels.
Les agréments et les plateformes en ligne de mire
Un changement que les représentants du CNPA, en premiers desquels figurait Yves Levaillant, Président du métier carrossier, situent au milieu des années 90, époque où le gouvernement a choisi de donner carte-blanche aux assureurs et aux experts pour contrôler les prix pratiqués face "au méchant réparateur". Point de départ d'une dérégulation du marché. Et début des premières mésententes entre les différents acteurs, d'autant qu'en parallèle le secteur de l'assurance s'est structuré. Trop, selon les carrossiers, qui dénoncent la place prise aujourd'hui par les agréments, d'une part, et par les plateformes de gestion de sinistre, d'autre part.
A les entendre, le marché est à ce jour trop structuré autour des réparateurs agréés qui, compte tenu de leur nombre, engendrent malgré eux un alignement tarifaire, y compris chez les non-agréés qui sont obligés de suivre leurs grilles de prix pour survivre. Quant aux centres de gestion de sinistre, ils nuiraient selon les carrossiers au bon fonctionnement du secteur en ayant engendré une baisse de l'expertise. "Leur travail n'est basé que sur des statistiques, des données brutes et des moyennes de coût, déplore Benjamin Labonne, Président de la Fédération Française de Carrossier (FFC) Auvergne. En plus, au bout du fil, ceux qui travaillent dans ses plateformes ne sont en aucun cas des experts. Tout cela contribue à décrédibiliser ce métier".
L'indépendance des experts recommandée
"Le métier d'expert souffre depuis trente ans. Aujourd'hui, il est sur le point de mourir", estime même l'un des participants. Du côté du CNPA, Yves Levaillant se montre plus mesuré et prône pour l'adoption d'une loi portant sur le libre choix de l'expert. Une idée qui peine à convaincre l'Alliance nationale des experts en automobile (ANEA) qui craint que, de cette façon, leurs volumes d'activité soient significativement amputés. "C'est tout l'inverse qui risque d'arriver, souligne Yves Levaillant. L'indépendance du marché pourrait favoriser, d'une part, la présentation de tarifs clairs et précis et, d'autres part, la multiplication des contre-expertises dans un jeu à trois entre les automobilistes, les réparateurs et les assureurs qui choisiraient leur représentant et pourraient contester les décisions".
Selon ce dernier, cette évolution est d'autant plus importante que la place, de plus en plus complexe, de l'expert dans le jeu de la réparation-collision, a des répercussions directes sur les carrossiers. L'un d'eux indique ainsi que "les agréments au rabais pèsent sur les ateliers, les empêchent de se développer et provoque aussi une fuite des talents, un jeune formé étant rapidement tenté de changer de branche compte-tenu des salaires pratiqués". "Mais c'est aussi à nous de réagir, conclu finalement Jean Pais, Vice-Président de la FFC Réparateur. Nous sommes libres de nous mobiliser, de prendre les bonnes décisions, d'aider les automobilistes et de se montrer plus fermes face aux dérives" des compagnies d'assurance et, par répercussions, des experts.
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