Capital de fin de carrière : le dernier employeur paie pour tout le monde !
"Dès lors qu'un employé peut se prévaloir de 8 ans d'ancienneté dans le secteur automobile, si je l'emploie 6 mois chez moi, c'est à moi seul, au titre de dernier employeur, de payer le capital retraite de ce salarié pour toutes ses années passées dans le secteur auto", s'insurge un marchand d'autos de l'Ouest de la France. Pour tout employé décidant de ne pas aller au terme de sa carrière, mais de faire valoir ses droits à la retraite, un capital lui est versé (plafonné à 32 000 euros) : c'est normal, il a cotisé toute sa vie professionnelle pour cela, c'est lui qui chaque mois s'est vu retirer une somme de son salaire. Là où ça coince, c'est que, d'une part, des charges sociales sont ponctionnées sur ce capital-tirelire à hauteur moyenne de 22 %. C'est-à-dire que les économies placées dans le "nourrain" sont taxées ! Et d'autre part, le dernier employeur doit payer des charges patronales - et pas des moindres : environ 40 % du capital ! "Or, tout le long de la carrière de cet employé, chaque employeur a déjà versé, lui aussi, des charges mensuelles sur ce capital ! Résultat, sur une indemnité de fin de carrière, d'un montant de 30 000 euros par exemple, le salarié ne touche que 23 400 euros - et l'employeur doit verser 12 000 euros de charges ! Mais en plus : salarié et employeur se voient derechef taxés sur de l'argent patiemment mis de côté pour l'employé !
Ceci émane d'un projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale qui prévoit, rappelle le CNPA, de taxer les indemnités de mise à la retraite". Ce projet assujettit les indemnités de fin de carrière à charges patronales. En fait, il s'agit d'un mécanisme unique en France mis en place par les partenaires sociaux dans les années 1970. L'indemnité est calculée non pas en fonction du salaire ni de l'ancienneté dans une entreprise, mais bel et bien de l'ancienneté totale dans le secteur auto : le capital de fin de carrière est versé par une institution de prévoyance, l'IPSA, en contrepartie d'une cotisation patronale obligatoire versée par toutes les entreprises. Il revient au dernier employeur de faire l'avance du capital et, de surcroît, il paie des charges calculées sur toutes les années d'ancienneté du salarié - y compris celles non effectuées au sein de son entreprise.
Payer d'abord ! Payer encore !
Pour se faire rembourser ce capital par l'organisme collecteur l'IRP Auto, l'employeur doit justifier du paiement de ce capital ! "Ce sera impossible pour nombre de petites sociétés, non seulement de payer des taxes, mais tout simplement de faire l'avance du capital", condamne le distributeur automobile. Dans un secteur où le "papy-boom" est très important, cela risque, en effet, de mettre en péril nombre de TPE de la branche automobile !
Seniors : par ici la sortie !
Si le salarié quitte le milieu auto pour un autre secteur puis part en retraite, il ne touche plus ce capital de fin de carrière ! "C'est au dernier employeur de payer l'intégralité des charges patronales du capital de fin de carrière, même si le salarié ne passe qu'un an chez vous !", dénonce un distributeur automobile. Pas de quoi favoriser l'emploi des seniors dans le secteur de l'automobile : aucun employeur ne voudra prendre le risque de payer pour tout le monde en embauchant un senior !
Polémiquement incorrecte !
Si financièrement parlant, ça grogne dans les showrooms et les ateliers mécaniques, dans les services comptabilité des entreprises, les noms d'oiseaux envahissent la sémantique professionnelle à l'encontre de l'URSSAF et autres administrations. Les commissaires aux comptes comptent bien obtenir des réponses claires, au centime près, sur ce que doit payer le dernier employeur : car pour l'heure, aux interrogations des employeurs, l'IPR Auto envoie pour toute réponse, une notice explicative ! Du côté de l'Urssaf, silence radio !
Une polémique qui devrait aussi prochainement résonner au sein de l'Hémicycle. Dans les couloirs feutrés de l'Assemblée, certains élus font déjà des vocalises en guise de préalable d'interpellations houleuses. On se prépare, s'il le faut, à de longues discussions dans une sorte de 24 heures dément ! Du côté de la Sarthe, région où l'automobile est d'ordinaire choyée, ça devrait tousser des mécaniques !
Toutefois, en avril 2009, alors que des cas d'indemnités se présentent, certains professionnels de l'automobile ont alerté leur député sur ce projet Fillon. Certains de ces élus s'étonnent et précisent ne pas avoir été informés. Or, un courrier du CNPA datant de novembre 2007 a été envoyé pour avertir les députés de ce projet.
Si de telles dispositions qui concernent les vieux de la "bielle" devaient s'étendre à toutes les corporations, ce n'est pas demain la veille que les seniors retrouveront le chemin de l'emploi.
Philippe Briand
(Avec l'aimable autorisation de son auteur, extrait de son site Dolcerama.fr).
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