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L'écoconduite, un allié pour décarboner les flottes ?

Publié le 8 février 2024

Par Jean-Baptiste Kapela
12 min de lecture
À l’heure du verdissement des flottes, l’écoconduite est véritablement devenue une tendance dans les entreprises. Pour pousser les salariés vers cette pratique, des formations ont été créées. Immersion dans l’une d’entre elles.
Formation écoconduite
Actua Formation, qui forme notamment à l'écoconduite, possède 70 centres de formation dans l’Hexagone. ©Le Journal des Flottes-JBK

"C’est impressionnant !", laisse éclater une personne à la vue des résultats du par­cours routier de son col­lègue. Ce dernier a acquis depuis une heure des notions d’écocon­duite. "Tu as vu ? C’est vraiment bien. Là, au niveau de la consommation, tu écono­mises un plein sur deux", indique avec satisfaction, à la personne concernée, le formateur d’Actua Formation. Avant de revenir sur cet effet "waouh !", rappelons l’essentiel.

 

Depuis 2018 et le vote de la loi d’Orientation des mobilités (LOM), puis de la loi Climat, les entreprises doivent répondre à des objectifs précis de verdis­sement de leur parc lors de chaque renou­vellement. 10 % de leur flotte en véhicules à faibles émissions depuis le début 2022, 20 % depuis le 1er janvier 2024, puis 40 % et 70 % en 2027 et 2030. C’est notamment depuis ces dates que la notion d’écocon­duite s’est peu à peu introduite dans une grande partie des entreprises.

 

L’écoconduite approuvée par les entreprises

 

La pratique de l’écoconduite a vu le jour dans les années 2000. Elle consiste à adop­ter une conduite particulière dans l’objec­tif de moins consommer. Dans le monde de l’automobile, "moins consommer" sous‑entend émettre moins de dioxyde de carbone (CO2), réaliser des économies, réduire les bruits et limiter les risques rou­tiers. Autant de sujets qui interpellent les gestionnaires de flotte, ces derniers cher­chant à respecter les démarches RSE et à maîtriser le TCO de leur parc. En particu­lier lorsque les totems des stations‑service affichent des prix au litre supérieurs à deux euros.

 

À titre d’exemple, La Poste s’est très tôt positionnée sur le sujet en formant ses postiers à compter de 2007. L’entre­prise assure d’ailleurs qu’elle a formé plus de 80 000 d’entre eux depuis les débuts. Ce qui aurait eu pour effet de réduire de 10 % la consommation de carburant par an. Elle indique, sur son site Internet, qu’il est possible d’économiser 4 l/100 km pour un semi‑remorque.

 

La formation se compose à 80 % de pratique sur route. ©Le Journal des Flottes-JBK

 

Pour aider le plus grand nombre à adopter les bons réflexes, l’Agence de la transition écologique (Ademe) présente quelques conseils comme la conduite sans à‑coups, réduire sa vitesse de 10 km/h sur l’autoroute ou encore couper la climatisation. Des préceptes qui permettraient d’écono­miser jusqu’à cinq pleins par an, selon l’Ademe. Pour former leurs employés, les entreprises peuvent faire appel à de nom­breuses sociétés qui se proposent de for­mer en une journée ou deux les salariés.

 

Les formations peuvent être déclinées de différentes manières. La façon la plus clas­sique est une journée composée d’une séance théorique et d’une séance de pra­tique. Mais certaines entreprises pro­posent des formations davantage tournées vers le digital ou essayent d’apporter un aspect ludique par le biais de jeux. C’est, par exemple, le cas de Drive Innov, une start‑up ayant récemment lancé une levée de fonds à hauteur de 3 millions d’euros.

 

Une formation obligatoire pour certaines entreprises

 

Mais quoi de mieux pour vérifier les bénéfices de l’écoconduite que de partici­per à l’une de ces formations ? Ren­dez‑vous à 8h sur le circuit de Marcoussis (91), perdu au beau milieu de la campagne du sud de l’Essonne, sous une brume hivernale matinale. Les organisateurs accueillent les participants qui arrivent au compte‑goutte dans le local floqué d’une banderole Actua Formation.

 

Autour d’un café, certains en profitent pour faire connaissance, quand d’autres retrouvent des collègues. En effet, ce jour‑là, un groupe d’une quinzaine de commerciaux arrive en force, envoyé par l’assureur Axa. Ces derniers se connaissent, du moins de vue.

 

Pratiquer l'écoconduite permettrait d'émettre moins de dioxyde de carbone (CO2), de réaliser des économies de carburant, de réduire les bruits et de limiter les risques rou­tiers. ©Le Journal des Flottes-JBK

 

À leurs côtés, un salarié de Volkswa­gen et une cadre d’Orange, uniques représentants de leur entreprise, parti­cipent aussi à cette journée. "Si je suis là aujourd’hui, c’est en réponse aux consignes de la direction pour former les employés à la bonne utilisation des véhicules à batte­rie, explique cette dernière. Là, je viens de réceptionner une voiture de fonction élec­trique et j’avoue que je la découvre encore. Cette formation ne fera pas de mal." "En général, le nombre de participants varie entre 8 et 20 personnes. Aujourd’hui, c’est un grand groupe", assure l’un des dix for­mateurs présents ce jour‑là.

 

Dans un brouhaha de discussions et de sirotage de café, un formateur sonne la fin de la récré et réclame l’attention. "Je vais vous demander de remplir ces fiches s’il vous plaît", déclare‑t‑il tout en distribuant le document en question. Un acte de pré­sence où il faut renseigner nom, prénom, entreprise et adresse mail.

 

Les partici­pants sont ensuite invités à s’installer sur les chaises disposées devant un mur blanc faisant office d’écran pour le vidéoprojec­teur. L’un des formateurs prend le relais et, à l’image d’un professeur devant une classe d’étudiants, entame la partie théo­rique. "Qui vérifie sa pression des pneus tous les mois ?", lance le formateur. Si deux ou trois mains se lèvent, la question ne semble pas emballer l’audience.

 

Une partie théorique et une partie pratique

 

La première heure est consacrée aux pneumatiques. Avec un apprentissage sur la typologie des pneus : la différence entre un pneu hiver et quatre saisons, la défini­tion des termes comme l’aquaplaning et l’adhérence de la route. Une partie théo­rique non négligeable puisque des pneus sous‑gonflés peuvent augmenter la résis­tance au roulement, responsable de 30 % de la consommation. Afin d’éviter d’ac­croître cette dernière, il est préconisé de ne pas opter pour des pneus larges, mais adaptés à son véhicule avec la bonne pres­sion. Ce sont, en substance, les conseils prodigués durant cette heure.

 

Après une parenthèse sur l’aspect sécurité et notam­ment sur les bons gestes à adopter à une intersection et la tache aveugle, vient le moment de la pratique. Un moment bien­venu après une partie théorique que le for­mateur s’est efforcé de rendre vivante. Le temps de préparer les véhicules, l’assem­blée prend une pause.

 

Concernant les col­laborateurs d’Axa présents sur place, ces derniers n’ont pas eu le choix. "Cette for­mation est obligatoire pour nous. Pour ma part, je roule largement au‑delà des 25 000 km par an, avec des pointes à 800 km en une journée. Donc Axa a sou­haité nous faire une petite piqûre de rap­pel", présente Pierre, l’un des commer­ciaux de l’assureur. Les véhicules sont désormais prêts. Ce sont des Toyota.

 

Un boîtier branché sur la prise OBD du véhicule permet de recenser toutes les données. ©Le Journal des Flottes-JBK

 

Le formateur annonce qu’à partir de mainte­nant, les groupes sont divisés en petits ensembles de trois. Ces derniers sont répartis dans les différents véhicules, avec un formateur en fonction de leur préfé­rence pour une boîte de vitesses automa­tique ou manuelle. Actua Formation a signé un partenariat avec Toyota, ce qui lui permet de former les conducteurs sur des modèles du groupe nippon pour les véhicules électrifiés.

 

Du côté des ther­miques, ce sont des Renault Clio 4 qui sont utilisées. Un groupe de deux com­merciaux d’Axa a fait le choix de la boîte automatique. Dans un Lexus NX, un modèle hybride, le formateur d’Actua Formation lance aux participants, tout en fermant la portière droite : "Oubliez tout ce que votre moniteur d’auto‑école a pu vous apprendre. Vous allez voir qu’en géné­ral, il enseigne des pratiques qui ne sont pas compatibles avec l’écoconduite. Par exemple, il ne faut pas mettre ses mains à 10h10 sur son volant, mais plutôt à 9h15, ce qui est beaucoup plus pratique pour évi­ter les obstacles intempestifs."

 

Presque tous les formateurs présents sur place n’ont pas de diplôme d’auto‑école clas­sique, mais un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS). Celui‑ci, dans l’automo­bile, permet de former les conducteurs sachant déjà conduire. "C’est vraiment le meilleur diplôme selon moi pour donner des cours d’écoconduite", soutient le for­mateur. Doté d’un ordinateur portable, il se connecte au boîtier télématique bran­ché sur la prise OBD du véhicule.

 

Beaucoup d’informations à assimiler sur un trajet court

 

Avant de démarrer, le formateur remplit une fiche contenant nom, prénom, société et kilométrage annuel. Florent, les mains sur le volant et le coude sur la portière, indique 30 000 km par an. Une fois les données enregistrées, la voiture peut par­tir. Pour évaluer le conducteur, la séance est composée de trois étapes. Pour cette première étape, Florent devra rouler comme à son habitude sur un trajet de 6,4 km, préétabli par les formateurs.

 

Ensuite, il devra refaire exactement le même trajet en appliquant les règles et en suivant les instructions du formateur. Puis, avec les données récoltées par le boî­tier télématique, il y a un débrief final, visant à comparer les deux trajets. "Il ne faut pas leur dire, mais j’ai une Toyota Yaris comme voiture de fonction. Du coup, j’ai déjà suivi une formation d’écoconduite proposée par Toyota lors de l’acquisition du véhicule et c’était exactement la même chose, presque au mot près… D’ailleurs, je me demande si ce n’était pas le même for­mateur", glisse avec complicité Florent après sa session en mode écoconduite.

 

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Le conseil principal émis par le forma­teur : l’anticipation. Dès lors qu’une inter­section ou un danger apparaît, il faut lever le pied de l’accélérateur et laisser le véhi­cule ralentir naturellement jusqu’à l’élé­ment en question avant de freiner. "Il faut, dans la mesure du possible, éviter de trop toucher aux pédales d’accélération et de freinage. S’il y a une pente, il faut laisser le véhicule descendre de lui‑même", mar­telait le formateur durant le trajet.

 

L’Ademe précise qu’une conduite sans à‑coups, que couper le moteur lors des arrêts de plus de 10 s et ne pas rouler en surrégime permet de réduire de 20 % la consommation par rapport à une conduite agressive en ville. Précisons que le trajet de 6,4 km était caractérisé par des routes de campagne et des passages dans de petites communes propices aux inter­sections, mais sans routes excédant les 80 km/h. Toujours selon l’Ademe, sur l’autoroute, l’agence publique recom­mande de diminuer la vitesse de 10 km/h afin d’économiser 3,5 à 4,5 l de carburant pour un trajet de 500 km.

 

Des résultats concluants ?

 

Le boîtier télématique permet d’avoir une visibilité sur de nombreuses données, telles que les tours par minute, la durée du trajet, la durée et la distance de freinage, la vitesse maximale ou encore les passages de boîte de vitesses. Ayant aussi suivi la formation, pour ce parcours, entre le trajet sans notions d’écoconduite et avec, nous avons pu gagner 17 s et faire passer nos émissions de dioxyde de carbone de 125 g/km à 29 g/km.

 

Mais la donnée qui choque davantage les participants, c’est la consommation. En reprenant notre pre­mier trajet, nous avons consommé 5,5 l/100 km, contre 1,3 l/100 km pour notre deuxième. Soit une diminution de 76 % de notre consommation, ce qui est loin d’être négligeable et qui est consta­table pour tous les participants et ce, peu importe la motorisation.

 

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Néanmoins, il est essentiel d’apporter de la nuance. Ce trajet court n’est pas réelle­ment une base de référence fiable pour mesurer l’impact réel de l’écoconduite. D’autant plus qu’il est très spécifique et ne reflète pas la réalité d’une partie des actifs considérés comme de gros rouleurs. En effet, ces derniers privilégient surtout les routes nationales et les autoroutes. D’autre part, cet enseignement en une journée est dense et les réflexes à adopter sont nom­breux. "De ma première formation avec Toyota, j’ai tout oublié. Il est probable que ce soit une fois de plus le cas dans les pro­chaines semaines", sourit Florent.

 

Un autre salarié d’Axa avoue crûment à ses collègues qu’appliquer les méthodes d’écoconduite est "ennuyeux". Et pour­tant, l’un des formateurs explique qu’une entreprise ayant envoyé ses salariés se for­mer a vu son budget carburant baisser de 30 %. Parmi le panel de solutions sur le marché, l’écoconduite pourrait bien s’im­poser comme l’un des moyens les moins coûteux pour décarboner sa flotte.

 

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La télématique au service de l’écoconduite

L’Ademe compte dans ses bons réflexes l’utilisation d’outils de suivi pour pratiquer l’écoconduite. Le coeur de métier des télématiciens finalement, comme Watèa (Michelin), Kuantic (Free2move) ou encore Geotab. Leurs logiciels affiliés à leurs boîtiers permettent aux salariés d’avoir une visibilité sur leur pratique d’écoconduite, donnant lieu à un score. Les données récoltées par les boîtiers permettent aussi de réaliser des challenges d’écoconduite avec à la clé des récompenses. Une manière de rendre ludique la pratique sans pénaliser ceux qui ont un score moins bon. De plus, les télématiciens n’en finissent pas de faire évoluer leur offre pour proposer toujours plus de fonctionnalités et de précision au niveau de leurs outils, capables d’identifier les freinages brusques, les accélérations brutales ou encore le niveau de consommation. Des outils précieux pour les gestionnaires qui peuvent avoir de la visibilité sur la conduite de leurs collaborateurs.

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