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Industrie

Des traitements thérapeutiques les plus appropriés pour réveiller un marché mature

Publié le 3 février 2011

Par Ernest Ferrari
4 min de lecture
Le marché automobile de l’Europe occidentale est mature ; celui de la France aussi. Mais le concept de maturité doit-il obligatoirement conduire les constructeurs et les réseaux à donner des réponses inadaptées et routinières à une demande anémique ?

S’il est exact que la très grande majorité des achats correspondent à des remplacements, il l’est tout autant que les politiques adoptées jusqu’à présent par les acteurs du marché en matière de gammes de modèles, d’actions commerciales et de recours aux deniers de l’Etat ont tout ce qu’il faut pour que le problème persiste et refleurisse d’année en année. Il est grand temps de faire autre chose : le marché européen est malade. Et que dire de l’efficacité des remèdes qu’on a voulu appliquer depuis 2008 ?

Vers la fin des remèdes provisoires, illusoires, dérisoires ?

Commençons par les primes à la casse, qui sont emblématiques à cet égard. Elles ont eu leur utilité : elles ont permis de ralentir la chute des ventes et elles ont donné aux constructeurs le temps de définir de nouvelles stratégies, aux distributeurs celui de réorganiser leurs entreprises. Mais maintenant, ça suffit, il faut tourner la page et revenir à la vérité du marché… ne serait-ce que parce que le marché en question est entré dans une logique de rendements décroissants, où chaque euro investi rapporte moins que le précédent. Quant à la nouvelle multiplication de l’offre, qui consiste à lancer des nouveaux modèles en nombre croissant et à un rythme accéléré, elle ne sera pas plus efficace demain qu’elle ne l’a été hier, si elle ne s’adresse toujours qu’aux mêmes profils de clientèle, bien connus et systématiquement sollicités, cajolés, adulés, mais qui s’obstinent, malgré tout ce qu’on fait pour eux, à ne pas acheter trois voitures si une seule leur suffit. On nous en voudrait si nous oubliions de citer, parmi les remèdes qui n’en sont pas, les voitures électriques, ou à l’hydrogène, ou ne consommant que des carburants provenant des campagnes et des forêts. On en reparlera sans doute, mais pas demain matin. Dans dix ans, peut-être. Entre-temps, il s’agira de ventes marginales et/ou subventionnées. Bref, et comme on l’a déjà dit, le secteur automobile ne dispose pas d’une stratégie anticrise. Il vit dans l’espérance que la Chine, l’Inde, le Brésil et quelques autres locomotives continueront à distribuer des opportunités de croissance au reste du monde.

Vivre une belle maturité !

Pour qu’une nouvelle ère de croissance des marchés matures se produise, il est nécessaire que les constructeurs agissent sur deux facteurs potentiels de croissance dont ils ne tiennent pas compte, ou pas suffisamment compte, aujourd’hui, obnubilés qu’ils sont ou semblent être par la “maturité” du marché. Ces deux facteurs sont d’une part l’accélération provoquée des achats de renouvellement par les possesseurs d’automobiles ; et d’autre part l’émersion et l’activation de nouvelles catégories d’acquéreurs potentiels, fiers piétons, cyclistes ou cavaliers jusqu’à présent. Pour rendre actifs chacun de ces deux facteurs, il vaut sans aucun doute mieux s’inspirer des initiatives de Steve Jobs (quels que soient ses problèmes récents) que de l’histoire glorieuse de l’automobile d’avant 1993. Un nouveau modèle d’automobile ne doit pas simplement en remplacer avantageusement un autre, ni même se limiter à être reconnu comme étant meilleur que les concurrents, il doit monopoliser l’attention des consommateurs et rendre désuet ce qui était le nec plus ultra de la mobilité individuelle quelques heures auparavant. Il doit convaincre un acheteur de la veille qu’il vaut mieux se défaire de son véhicule dès aujourd’hui, parce que demain il vaudra beaucoup moins cher. Et dans le même temps, persuader les réfractaires ou les distraits que cette fois-ci, exceptionnellement, ils achèteront une automobile. Qu’on se rassure : l’auteur de ces lignes sait bien que les ambitions excessives ne sont pas réalisables, notamment à l’échelle d’une branche tout entière. Mais il sait aussi qu’il est toujours possible de s’en approcher, ce qui est précisément ce dont l’automobile européenne a besoin pour sortir de son immobilisme et stimuler son marché le plus proche, où l’on a d’ailleurs inventé l’automobile : l’Europe. Sans cette ambition, ne vaut-il pas mieux apprendre le mandarin ?

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