Le réseau Opel soudé face à la crise
A fin octobre, les immatriculations françaises d'Opel étaient en retrait de 5,7 % à 76 736 véhicules neufs. Une passe difficile, sans commune mesure avec les difficultés que rencontre aujourd'hui General Motors sur son marché domestique. Ses ventes ont notamment chuté de 45 % sur le seul mois d'octobre, quelques jours à peine, après les murmures annonçant un éventuel placement de la firme américaine sous la protection du chapitre 11. Un très fort recul commercial qui ne semble donc pas avoir franchement rassuré les observateurs. Réuni à Rome du 26 au 27 octobre dernier, le groupement des concessionnaires Opel (GNCO) suit lui aussi les actualités. Et comme beaucoup, le réseau s'interroge. Les distributeurs sont inquiets, forcément. "Chacun se pose des questions. C'est bien naturel", estime Antoine Orlandi, président du groupement. Une raison pour laquelle le GNCO avait d'ailleurs invité l'économiste Marc Touati à s'exprimer devant ses adhérents. Malgré des messages rassurants, les interrogations demeurent quant à l'avenir immédiat de General Motors. "Au pire, les marques du groupe seront vendues par appartements. Cela ne nous empêche pas d'investir dans la marque, même si on y regarde de plus près", tempère Pierre Brunet, vice-président du groupement, dans cette même logique d'apaisement. "D'ailleurs, les contrats ont bien bougé cette année. On se bagarre aujourd'hui beaucoup sur la reprise de certaines affaires", témoigne Caroline Guérin-Pigeon, vice-présidente du groupement, pour mettre en exergue l'attractivité, toujours réelle, de la marque Opel et du constructeur américain. Elle-même, pourtant opérateur historique de la marque au Blitz sur la région bordelaise, s'est fait "souffler" le rachat d'un distributeur, par un investisseur plus généreux. "Quelle meilleure preuve ?", s'interroge-t-elle. Soit. Mais qu'en est-il alors de la santé financière des structures. Le réseau a-t-il aujourd'hui les moyens d'investir ?
Les attentes financières
A hauteur de 1 % du chiffre d'affaires à fin juin, la rentabilité moyenne du réseau s'est établie à 0,8 % à la fin du mois de septembre. Nombreux sont ceux à regarder la fin 2008 avec circonspection, même si les représentants du réseau estiment que cela ne remet pas en cause la capacité des partenaires à investir. "Pour l'heure, nous n'avons pas de problèmes pour financer les projets de nos entreprises. Les banques suivent. En revanche, depuis un an, nos stocks nous coûtent plus cher à financer. Même si, à ce niveau, GM ne nous laisse pas nous embourber", détaillent, de concert, les membres du bureau. Un accompagnement essentiel de GMAC Banque, filiale du constructeur, qui aurait, néanmoins, récemment incité les concessionnaires à favoriser les activités de crédit de leur captive de financement, pour obtenir le soutien de cette dernière pour financer les stocks. Une diffusion du risque opportune à l'heure ou la filiale de financement du constructeur vient d'annoncer des pertes de 2,5 milliards de dollars sur le 3e trimestre 2008. Même prudence, mais cette fois teintée de volontarisme chez Sandro Malatto, président de GM France. "Il faut reconstituer le fonds de roulement, couper les frais de structures qui ne sont pas indispensables et éviter de tomber dans une tendance conservatrice. Il ne faut jamais oublier que les crises sont mortelles pour les plus faibles, mais une chance pour les plus forts et les plus innovants", annonce-t-il en effet aux distributeurs. "80 % du réseau tiendra le coup durant cette période difficile", estime pour sa part Yves Pasquier-Desvignes, directeur marketing et commercial d'Opel France. Autant de sentiments qui poussent le groupement à renforcer son rôle de coaching.
Certification et Internet en remèdes à la crise
Avec la crise financière en toile de fond, le groupement a donc tenté de faire de cette convention l'occasion d'explorer les voies censées pérenniser les différentes affaires du réseau. Première d'entre elles : la certification. Déjà évoquée lors de la précédente convention du groupement par Thomas de Rouvray, précédent président du Gnco et aujourd'hui membre du comité qualité, cette course à la certification des structures commence aujourd'hui à porter ses fruits. Le groupement, lui-même, vient par exemple d'obtenir la certification ISO 9001 par le bureau Veritas, organisme avec lequel le GNCO travaille pour la mutualisation des concessions adhérentes certifiées. Actuellement, une quinzaine de concessionnaires ont entamé les démarches, aidés en cela par les audits de Jacky In Den Bosch, du cabinet de conseil Jigam. Ainsi, Bernard Demange, distributeur Opel à Vigneux-sur-Seine (91) est depuis peu le premier d'entre eux à être certifié. "C'est un véritable outil de management pour proposer, au travers de la mise en place de processus, une amélioration continue des prestations proposées aux clients", explique Thomas de Rouvray, lui-même engagé dans cette voie dans sa concession de Limoges (87).
Autre axe majeur développé durant ces trois jours de discussions : Internet. A l'occasion de cette 16e convention, le GNCO a d'ailleurs mené une étude sur la relation du réseau français d'Opel au Web. Les résultats témoignent d'un vrai retard en la matière. En effet, menée durant le mois de septembre, cette étude révèle notamment qu'après sollicitation d'un client mystère sur Internet, 69 % des distributeurs n'ont même pas répondu au mail de ce dernier. Un résultat exposé à la centaine de distributeurs présents lors de cette convention, sans pour autant surprendre certains. "Le réseau européen est préhistorique du point de vue d'Internet. Par rapport aux Etats-Unis, la différence est abyssale", observe même Sandro Malatto. La marge de progression semble en effet réelle. "Nous travaillons à vitesse grand V pour équiper les concessionnaires d'un outil performant, sur une base commune, mais néanmoins personnalisable", confie Antoine Orlandi.
3 QUESTIONS ÀMarc Touati, Directeurgénéral délégué de Global Equities. Journal de l'Automobile. Quel message êtes-vous venu délivrer ici ? JA. Vous voulez rassurer tout le monde en somme ? JA. Et General Motors ? |
Une image en reconstruction
"L'image de marque est le point le plus négatif d'Opel. Dans le Sud plus que dans le Nord d'ailleurs. A mon sens, cela passe par un positionnement clair. La marque s'est bâtie sur des produits de qualité, pas chers et bien équipés, quoique pas très sexy. Malheureusement, nous avons eu une période durant laquelle nous avons connu de gros problèmes de qualité. C'est désormais loin, mais cela continue à nous faire du mal. Aujourd'hui, la qualité augmente, les prix aussi, les produits sont plus fun, mais l'image ne suit pas", explique Antoine Orlandi. Alors Opel réagit. "La marque semble avoir défini une nouvelle stratégie de communication qui tend vers une attention accrue portée aux régions", explique Caroline Guérin-Pigeon. Opel a en effet doublé le budget alloué à la communication locale, sans toucher au montant investi sur un plan national. Ainsi, quand un distributeur déclenche une quelconque action en la matière, le constructeur prend 50 % de l'investissement à sa charge. Une opportunité diront certains, en ces temps difficiles. Mais un changement qui ne peut à lui seul gommer l'un des autres problèmes auquel le réseau Opel doit encore aujourd'hui faire face : celui des tarifs.
La politique tarifaire est précisément l'un des grands chevaux de bataille du GNCO. "Cela fait longtemps que nous réclamons un positionnement prix plus efficace. Notamment au moment des lancements de véhicules. Ce qui a été fait précédemment nous a souvent fait rater des lancements. Comme Antara ou Agila. Le réseau ne peut pas l'accepter. Mais cette fois, le constructeur semble avoir entendu le message", explique Pierre Brunet, qui pointe du doigt les remises trop tardives effectuées sur ces modèles. "Opel a perdu ce fameux rapport qualité prix", consent Yves Pasquier-Desvignes. "En facial, nous sommes en effet parfois devenus plus chers que nos concurrents. Mais il s'agit là d'un problème global. Nous ne pouvons pas agir seul, sans nous concerter avec tous nos collègues européens", se justifie Yves Pasquier-Desvignes. Pour le lancement d'Insigna, les deux parties semblent cette fois d'accord. De quoi être optimiste donc, et rectifier ce que le réseau semble définir comme une erreur stratégique. Malgré un marché français que Sandra Malatto estime en recul de 5 % sur 2009, Opel entend ainsi réussir la sortie de son nouveau modèle et immatriculer 10 000 Insigna dès l'an prochain. Des ventes de véhicules mieux margés qui devraient contrebalancer la santé de Corsa (+ 11 % à fin octobre) et les quelque 2 000 ventes de Vectra que va sans doute réaliser le constructeur cette année. Serait-ce néanmoins suffisant pour donner de l'air au réseau ?
Photo : Pierre Brunet, Antoine Orlandi, Caroline Guérin-Pigeon.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.