Xavier Chardon, directeur du commerce France de Citroën.
Journal de l'Automobile. Au-delà de vos nombreux motifs de satisfaction actuels, vous devez aussi suivre de près la guerre des prix et des remises : par quels biais essayez-vous de juguler cette évaporation de valeur ?
Xavier Chardon. C'est une question complexe donc ma réponse risque d'être un peu longue. Tout d'abord, le marché français résiste bien, 2009 devant s'achever avec une légère croissance. Mais cette croissance se révèle hétérogène, avec la composante des particuliers en essor et celle des sociétés et du VUL en net recul. De même, l'évolution par segments laisse apparaître de fortes disparités : croissance du A et du B, résistance du M1 et chute des autres segments, parfois très significative. Il faut aussi se souvenir des problèmes de stocks du début d'année et de la nécessité de retrouver du cash. Ceci a perturbé le marché et aujourd'hui, certains concurrents sont clairement inflationnistes au niveau des promotions. Or personne ne peut sortir du marché. Concernant Citroën, notre mix évolue, mais raisonnablement et nous sommes aujourd'hui la marque française avec le chiffre d'affaires moyen le plus élevé. En fait, nous sommes moins tributaires du segment B grâce au succès de C5, de C4 Picasso et de C3 Picasso dont le prix moyen est aux alentours de 20 000 euros. Sur ces modèles, nous proposons des promotions très mesurées et sur C5, nous sommes plus sur les niveaux des spécialistes allemands que des généralistes. En revanche, par rapport au cycle de vie des produits, sur C3 et C4, nous n'échappons pas au jeu des remises plus importantes. Mais nous ne sommes jamais les mieux-disant et d'une manière générale, nous nous situons bel et bien dans une dynamique de création de valeur.
JA. Sous les effets conjugués de la prime à la casse et de lancements en rupture, vous affichez un important taux de conquête : en clair, le plus dur commence avec la fidélisation, n'est-ce pas ?
XC. Notre conquête doit se poursuivre et nous disposons de C3 et DS3 comme fers de lance pour fin 2009-début 2010. Dans le même temps, nous devons déjà effectivement travailler sur la fidélisation, surtout dans le contexte marché que nous évoquions. Pour cela, il n'y a pas de recette miracle. Il faut progresser sur la qualité de services ! En après-vente, nous nous sommes déjà améliorés et figurons sur le podium en France. En vente, en revanche, nous pouvons faire mieux et c'est l'un des objectifs prioritaires liés au lancement de C3 et DS3, surtout DS3 serais-je tenté de dire car ce modèle nous met en contact avec une nouvelle clientèle. C'est une locomotive pour toute la gamme. Par ailleurs, dans le cadre de la rénovation de la marque, nous engageons un vaste programme de rénovation du réseau, sur le modèle du site de Vichy, et au-delà des modifications physiques, c'est aussi le niveau d'exigences qui est revu à la hausse.
JA. La rénovation du réseau repose la vieille question de savoir si, avec l'évolution des clients et des nouveaux médias, il n'est pas temps de repenser les grands principes de la distribution et d'économiser des m2, qu'en pensez-vous ?
XC. Comme tout le monde, nous avons des interrogations… Mais contrairement à ce qu'avaient annoncé maints experts, nous n'en sommes toujours pas au stade de la vente sur Internet. Il y a eu une révolution Internet, le VO en est la parfaite illustration, mais elle n'a pas aboli le principe de lieu de vente physique. Garant du service et incarnant la marque, le concessionnaire demeure central pour le client et j'estime qu'une relation dématérialisée n'est pas à l'ordre du jour. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses à essayer ou à développer, entendons-nous bien. Certains modèles s'y prêtent d'ailleurs mieux que d'autres et pour Citroën, DS3 est un bon moyen d'innovation et d'exploration. Les commandes sont ainsi ouvertes sur Internet. ça fonctionne très bien, mais cela se cantonne à une pré-réservation. N'oublions pas que le client achète en moyenne un nouveau véhicule tous les huit ans, qu'il veut négocier la reprise de son ancienne voiture, éventuellement étudier un financement etc. Bref, cela reste un achat très impliquant. Dans d'autres domaines, Internet ouvre aussi des perspectives intéressantes. Au Portugal par exemple, nous menons des tests sur des pré-réservations en atelier, ce qui permet de mieux s'adapter aux disponibilités des clients et ce qui offre l'opportunité aux concessionnaires d'optimiser ce centre de profit. En France, cela devrait débuter en 2010.
JA. Vous évoquiez la C3 : les quatre étoiles au crash-test représentent-elles une grosse désillusion ?
XC. Non, car nous savons précisément pourquoi elle n'a pas obtenu les cinq étoiles. Si elle disposait de l'ESP en série, il en irait différemment. Mais par rapport au marché, nous avons choisi de proposer l'ESP en option, en prenant en compte que cet équipement n'est pas généralisé sur le segment B. En fait, en sécurité passive, elle est au top de son segment. Bref, si on considère que l'habitacle donne l'impression d'être dans un modèle d'un segment supérieur, nous sommes convaincus que la question de cette cinquième étoile ne portera nullement préjudice à la C3.
JA. Par ailleurs, comment allez-vous gérer la fin de vie de la C4, en attendant son renouvellement avec un break à la clé ?
XC. Nous venons de lancer la série Millenium et nous avons un bon programme d'animations pour permettre à C4 de bien défendre ses parts de marché, même si de nombreuses nouveautés ont été lancées sur ce segment avec les nouvelles Mégane, 308 et Golf. De surcroît, le modèle n'a pas vieilli d'un point de vue stylistique et dynamique et le niveau de satisfaction de ses utilisateurs est très élevé. Objectivement, ce n'est bien entendu pas un véhicule de conquête, mais les possesseurs de C4 sont satisfaits et le modèle fonctionne très bien sur le marché de l'occasion. En ce qui concerne son renouvellement et un éventuel break, nous nous reverrons un peu plus tard pour en parler !
ZOOMXavier Chardon : itinéraire d'un kid Citroën Un bref regard sur le parcours de Xavier Chardon suffit pour se rendre compte de sa richesse, notamment à l'international. Mais en ces temps de mobilité et de conseils de DRH vous incitant à ne pas trop faire long feu dans la même entreprise, il est paradoxalement exclusif aux chevrons. "J'ai débuté chez Citroën en Italie il y a quinze ans et demi dans le cadre de mon VSNE. J'ai toujours aimé l'automobile et je lisais beaucoup de revues spécialisées, mais je ne vais pas dire qu'à l'époque, j'étais particulièrement fan de Citroën. Je suis de la génération 205. Cela s'est fait un peu par hasard quand je faisais mes études en Italie et ç'aurait pu être Sodexho, mais ils ont tardé à finaliser le contrat. Entre temps, Citroën m'a appelé pour un entretien à Paris, en prenant tous les frais en charge ce qui, pour un savoyard qui doit aller voir des amis à Paris, n'est pas neutre ! L'entretien s'est très bien passé et j'ai donc débuté chez Citroën à Milan", explique-t-il avec humour, avant d'ajouter : "J'ai découvert une entreprise très intéressante avec des gens incroyablement passionnés et une relation très intense entre les salariés et la marque, même quand les choses n'étaient pas au mieux". Après Milan, d'autres destinations s'invitent dans la vie de Xavier Chardon, notamment le Danemark et l'Allemagne. En fait, plus de treize ans loin du siège ! "Ces expériences m'ont beaucoup apportées. C'est une bonne ouverture et une excellente façon de décloisonner ses modes de pensée. Cela forge aussi l'humilité. Ainsi, quand je suis arrivé en Allemagne, la marque était à 1,5 % de PDM ! Cela vous oblige à développer le sens du partenariat, notamment avec le réseau. Autant de choses qui me sont utiles aujourd'hui". Ces pérégrinations furent aussi l'occasion de rencontres marquantes, avec des managers qui comptent ou des collègues. "Je pense immédiatement à Magda Salarich qui a vraiment apporté un vent nouveau. Avant Sergio Marchionne, on peut dire qu'elle a constitué une équipe de kids ! D'ailleurs, Sergio Marchionne a repris l'un d'eux, Olivier François. Magda Salarich a vraiment fait confiance à un groupe de jeunes, comme Alain Favey, Xavier Duchemin ou moi, en misant fortement sur notre volonté tout en imposant une école de l'exigence. Claude Satinet est aussi une personnalité, tout comme Bernard Peloux. Voilà pour le passé, mais si je me mets à faire l'inventaire de la période actuelle, ce serait trop long". Modelé par ces rencontres et ces expériences, l'admirateur de Le Corbusier est soudain plus timide pour définir son mode de management : "Il faut demander aux autres ! Non, disons que je fais confiance avant tout. Du coup, il ne faut pas me décevoir… J'essaie aussi d'animer en permanence et d'être constructif. Je crois qu'une bonne ambiance de travail et un climat de confiance permettent de dépasser bien des objectifs". Fort de son bagage international, n'est-il pas tenté par le champ des possibles qu'ouvre l'automobile sur les pays émergents ? "C'est sûr qu'une aventure en Chine, au Brésil ou en Inde doit être passionnante ! Et puis je reste très attaché à l'Italie. Mais aujourd'hui, je redécouvre la France et c'est aussi passionnant". Avec une foi inébranlable dans l'automobile et la marque. Citroën, "cette marque ringarde il y a quinze ans qui est aujourd'hui au top, même si on peut faire encore mieux". L'automobile, "ce produit de masse passionnant qui voit s'ouvrir devant lui une multitude d'horizons". A suivre sur Twitter ou FaceBook puisque c'est une révolution permanente ! |
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