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Constructeurs

Voyage au bout de la crise

Publié le 4 décembre 2009

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
A l'évidence, les pseudo stratégies de sortie de crise du secteur automobile s'inspirent de Christophe Colomb, lequel se trompait aussi bien sur le but à atteindre que sur la route à suivre : un double coup de génie,...
...certes, et qui lui permit d'un seul coup de découvrir un nouveau monde, d'enrichir ses sponsors et d'entrer dans l'Histoire. Quand la crise de l'automobile sera finie, il est certain que nous nous retrouverons "ailleurs" ; reste à savoir si cela enrichira l'industrie, les réseaux, les consommateurs ou qui que ce soit d'autre. Quant à l'histoire, on a le temps. Mais beaucoup de choses auront changé, grâce à la crise, ou à cause d'elle, selon les points de vue.

Ici et maintenant

L'automobile, soutenue par les primes à la casse, semble aller un peu mieux. On imagine donc de les prolonger, les primes à la casse. D'un an ou deux, selon les ministres. Et il va bien falloir en passer par là, puisque les constructeurs, à ce que l'on constate, n'ont toujours pas élaboré une stratégie de sortie de crise digne de ce nom. Ils s'appliquent bien entendu à réduire leurs coûts, ce qui est une bonne chose. On élaguera, finalement, la gamme des modèles, en évitant de vouloir être "présents sur tous les segments", y compris ceux que les consommateurs ignorent avec superbe. On va aussi, et tout aussi finalement, essayer de travailler sans trop de surstocks. Mais aucune rupture stratégique avec un passé passablement archaïque n'est à l'ordre du jour. Ici et maintenant, le petit cabotage est à l'honneur, moussaillon. Quant à prendre le large, on attendra les flots porteurs du prochain déluge, c'est-à-dire de la prochaine grande crise (2012 ? 2015 ?) pour y songer. Entre-temps, on va prendre le temps de mettre le cap sur l'écologie, puisque la mode va dans cette direction. Soyons clairs : la pollution atmosphérique est un mal, et il faut faire tout ce qu'on peut pour lutter là contre. Mais deux objections de fond devraient conduire les constructeurs à changer de politique. D'une part, l'objectif principal doit être la survie d'une industrie automobile non subventionnée ; d'autre part, la lutte contre la pollution telle qu'on l'imagine aujourd'hui est un leurre. Une industrie non subventionnée suppose des coûts et des volumes sans rapport avec ce que les plus verts des véhicules peuvent offrir ; et une antipollution efficace suppose un rajeunissement massif et rapide du parc circulant qui n'a rien à voir avec les quelques centaines de milliers de voitures électriques ou hybrides peuvent garantir.

Demain et ailleurs

Le secteur ne sortira vraiment d'une crise qui se prolonge depuis 1993, avec des hauts et des bas et une rentabilité désastreuse des constructeurs et des distributeurs tout au long, que lorsqu'une stratégie de rupture aura été mise en place ; tout dépend donc des constructeurs. Cette stratégie doit partir d'une constatation : les voitures coûtent trop cher, à tout niveau de gamme. Il en résulte qu'une relance durable de la demande suppose qu'on mette en œuvre une politique de réduction continue des prix et des coûts de l'automobile en tant qu'objet. Et ceci ne pourra se réaliser que si on limite la durée de vie des véhicules, sur une base volontaire tout d'abord, puis à travers une réglementation appropriée. Nous avons tenté de l'expliquer par ailleurs, nous n'y revenons pas. Quand cette stratégie aura été appliquée, le microcosme de l'automobile s'enrichira d'un "nouveau monde", dont les principales caractéristiques pourraient être les suivantes : moins de marques ; moins de modèles-options-versions ; un barycentre des prix en évolution continue vers le bas ; des Réseaux diversifiés et enfin affranchis du modèle unique d'entreprise de distribution qu'est la concession traditionnelle monomarque ; un marché de l'occasion en diminution continue face à un marché du neuf en expansion ou stable selon les moments ; une nouvelle compétitivité de l'automobile par rapport aux autres moyens de transport ; des consommateurs moins hostiles ou plus heureux selon leur équilibre interne. Et des constructeurs enfin orientés à l'expansion plus qu'au repli. Est-ce un rêve ? Christophe Colomb avait commencé par rêver. Ça l'a aidé à "faire avec" un Nouveau Monde.

Photo : Les voitures coûtent trop cher, à tout niveau de gamme. Il en résulte qu'une relance durable de la demande suppose qu'on mette en œuvre une politique de réduction continue des prix et des coûts de l'automobile en tant qu'objet.

Ernest Ferrari, consultant.

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