Vers la fin du Block Exemption ?
...que cette législation spécifique ne soit clairement remise en question.
"Si nous ne faisons rien, le règlement d'exemption par catégorie (REC) n'aura plus cours dès juin 2010", prévient Jürgen Creutzig, président du Cecra. Le règlement 1400/2002 qui place le commerce et l'après-vente automobile à l'écart des règles de la concurrence qui régissent toutes les autres activités commerciales dans l'Union européenne, pourrait en effet selon lui vivre ses dernières heures. Selon le rapport de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, actuellement étudié par un comité consultatif composé des autorités de la concurrence de chaque Etat membre et qui servira de base au rapport d'évaluation final de la Commission, l'utilité de ce règlement spécifique ne serait pas avérée. Il pourrait tout simplement aller à son terme (1er juin 2010), sans être cette fois renouvelé, comme cela avait été le cas en 2002.
La fin programmée des clauses contractuelles
"La DG de la concurrence veut casser 20 années de politique de concurrence automobile de la Commission européenne et replacer notre branche sous le régime général", regrette Jürgen Creutzig. "Les conclusions de ce rapport sont pour nous inacceptables", poursuit-il. En effet, ce document qui doit être validé puis rendu public le 28 mai prochain au plus tard remettrait en cause certaines règles fondamentales qui régissent aujourd'hui l'activité automobile parce que celles-ci n'apportent semble-t-il rien au consommateur final. Rappelons que c'est ici la motivation originelle du Block Exemption. Problème : un basculement dans le système général, sans aménagements, signifierait la perte de certaines règles qui protègent aujourd'hui les distributeurs d'une pression trop importante des constructeurs. "Actuellement, on parle de ne mettre que quelques clauses sectorielles dans le système général. Ce n'est pas suffisant", commente Jacopo Moccia, directeur du Cecra. Le rapport de la DG de la concurrence évoque notamment très clairement l'inutilité des clauses contractuelles.
Si la Commission allait dans le sens de ce premier rapport, ce serait alors la fin de ces dispositions qui régissent les relations entre les constructeurs et les distributeurs depuis 1985. C'est-à-dire la fin des droits de cession des contrats entre membres d'un même réseau, la fin de l'obligation faite au constructeur de justifier les résiliations, mais aussi des préavis qui les accompagnent, fin de la durée minimum des contrats, fin de l'arbitrage en cas de litige. "Le rapport dit qu'après avoir étudié la situation du marché, ces sécurités ne sont pas nécessaires car personne ne s'en est servi. C'est une vision extrêmement naïve, explique Jacopo Moccia. Si son rapport dit clairement que les clauses contractuelles ne servent à rien, elle jette un doute sur d'autres points", poursuit-il.
Quel avenir pour la clause de localisation ?
A l'image du constat déjà effectué entre 2002 et 2004 par l'institut London Economics, dans le cadre de la première analyse demandée par la Commission européenne, la DG de la concurrence estimerait également dans son rapport que, les concessionnaires n'ayant que peu eu recours au multimarquisme, les textes le favorisant n'auraient également plus d'intérêt. Les rapporteurs vont également dans ce sens au sujet de la clause de localisation. Celle-ci serait jugée "redondante". Une façon d'inciter la Commission à réétudier l'interdiction de cette dernière. Ce qui pourrait donc conduire à son retour.
Si d'aventure, la Commission européenne décidait de placer l'automobile sous le règlement général de la concurrence, cela renforcerait, de fait, le poids des constructeurs face à leurs réseaux de distribution. Mais cela pourrait également conduire à une plus grande libéralisation des ventes de véhicules neufs. Car, dans ce contexte global, le seuil de parts de marché à partir duquel les constructeurs ne peuvent pas limiter le nombre de leurs distributeurs serait, non pas de 40 % comme dans le cadre du REC, mais de 30 %. Ce que, selon le Cecra, ni les distributeurs (parce que cela augmenterait le nombre de points de vente sans pour autant augmenter les ventes), ni les constructeurs ne seraient prêts à accepter (notamment après la perte du numerus clausus au sujet de la réparation). Ne subsisterait alors que la sélection qualitative. Ce serait donc la fin de la double sélectivité. Dans les faits, il n'est en revanche pas certain que ce nouveau seuil fasse réagir les constructeurs. Bien peu d'entre eux affichent en effet plus de 30 % de parts de marché sur un territoire donné. En France, par exemple, Renault affichait en 2007 21,5 % de parts de marché, Peugeot 17 % et Citroën 13,5 %.
Quelle réaction des constructeurs ?
"Si la Commission reprend les conclusions de ce rapport pour rédiger les textes de lois régissant l'après 2010, cela se traduira par une dramatique incertitude pour les distributeurs et les constructeurs. Ce qui aurait des conséquences très difficiles pour l'économie de l'automobile pendant un long moment. Sept ans, c'est trop court pour tirer des conclusions et pour donner au marché des certitudes. Or, constructeurs et distributeurs ont besoin de certitudes pour investir", explique Jürgen Creutzig. Le Cecra demande ainsi la reconduite pure et simple du règlement d'exemption par catégorie pour 10 ans. Une requête qui a semble-t-il peu de chance d'aboutir sans un lobbying puissant des constructeurs. Le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) dit pour l'heure "étudier le dossier" et préfère attendre la parution du rapport de la Commission européenne pour adopter une position. Mais ne sera-t-il pas alors trop tard pour réagir ? Les constructeurs ont-ils cette fois réellement envie de défendre l'exemption ?
Photo : En 2002, les constructeurs avaient défendu l'exemption et profité de l'évaluation du règlement antérieur pour introduire un certain nombre de critères sélectifs dans les contrats les liant à leurs distributeurs. Ouvrant alors la voie à un renforcement des normes d'identification, comme celles de Peugeot avec son concept Blue Box. Cette fois, leur désir de conserver un règlement spécifique ne s'est pas encore fait sentir, à quelques semaines seulement de la remise du rapport d'évaluation du règlement 1400/2002.
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