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Constructeurs

Véhicule électrique : la longue marche…

Publié le 29 juin 2012

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
En partenariat avec Le Journal de l’Automobile, Les Echos ont récemment organisé une conférence sur l’électro-mobilité, afin de faire un nouveau point d’étape sur le développement d’un marché encore en construction. La conviction que le VE constitue l’une des solutions d’avenir est rarement mise en cause, mais de nombreuses incertitudes pèsent encore sur l’estimation de l’ampleur du phénomène annoncé.
A un horizon 2020-2025, les véhicules classiques présentent un potentiel de gain de consommation de 20 à 40 %. Un argument non négligeable dans la concurrence entre technologies.

En préambule, Rémi Cornubert, partner chez Oliver Wyman, évoque le faible volume de véhicules électriques mis à la route depuis 2009, à savoir moins de 60 000 véhicules : “C’est effectivement peu par rapport à la taille du marché automobile, mais il faut se garder d’en tirer des conclusions définitives, quelques modèles ayant notamment passé un cap intéressant”. Les principaux marchés se situent aux Etats-Unis et au Japon, l’Europe étant aujourd’hui à la traîne. En revanche, le marché des hybrides est en forte croissance et le cap du million de ventes annuelles devrait être franchi cette année. Il est intéressant de noter que ce marché a mis une décennie à se construire. Là encore, les deux marchés clés sont les Etats-Unis et le Japon et Toyota et Honda trustent l’essentiel des volumes.

Un écheveau de prévisions toujours difficile à démêler…

Pour développer le marché du véhicule électrique, quatre axes moteurs peuvent être identifiés. La performance technologique reste capitale car elle conditionne l’usage, notamment l’autonomie, et les coûts. Le volet réglementaire est bien sûr aussi crucial, par exemple en Europe, avec des normes relatives aux émissions de plus en plus proactives. Par ailleurs, le prix des carburants traditionnels, caractérisé par une forte volatilité, a un réel impact sur le comportement des consommateurs. Enfin, les politiques de subventions, actuellement à un niveau élevé, seront déterminantes pour faire décoller le marché. A l’horizon 2020-2025, les prévisions concernant ce marché sont difficiles à consolider : dans une optique pessimiste, on évoque 1 million à 1,5 million de VE, tandis que l’hypothèse “optimiste” table sur 30 millions ! Pour Rémi Cornubert, “trois scenarii sont envisageables : un développement très lent (7 % du marché), un développement significatif (20 %) et un développement fort, dit de rupture (33 %). Il est aujourd’hui quasiment impossible de trancher, car cela dépend beaucoup des quatre facteurs que nous avons évoqué”.

Ne jamais perdre de vue le client final

Ce développement dépend aussi naturellement des avancées qui seront réalisées sur les véhicules classiques. Le potentiel de gain de consommation, toujours à l’horizon 2020-205, s’établit dans une fourchette de 20 à 40 %, même si les coûts, et leur répercussion sur le client final, s’alourdissent selon le stade considéré. Pour Cherif Assad, Automotive segment manager Global Powertrain&Hybrid Electric Vehicle chez Freescale, “le marché du VE va décoller et il faut s’y préparer, sans chercher à opposer les différentes technologies, bel et bien appelées à cohabiter”. Même son de cloche chez Valeo, par la voix d’Henri Trintignac, vice-président Groupe Produits Systèmes Véhicules hybrides et électriques : “Nous nous orientons vers une mosaïque de solutions et aucune technologique ne sera hégémonique. En outre, tous les scenarii de développement sont effectivement envisageables et nous devons nous y adapter”. Pour Pascal Feillard, responsable Prospective Automobile Clients&Marchés chez PSA Peugeot Citroën et secrétaire général de l’IVM (Institut de la Ville en Mouvement), il convient surtout de ne pas oublier le client dans ce jeu des prévisions : “Or, qu’on le veuille ou non, l’usage d’un VE est aujourd’hui restreint. C’est donc un frein majeur à son développement et à moyen terme, le VE n’est pas promis au marché de masse. En revanche, il va bel et bien y avoir une compétition entre les différentes technologies et il y aura une myriade de propositions répondant à des besoins de plus en plus spécifiques. Pour nous, constructeurs, c’est un vrai défi, car nous devons répondre aux besoins des clients, mais aussi maîtriser les coûts de développement”.  

Vers une mosaïque de solutions

En synthèse, il convient de souligner que ces différents développements technologiques auront de surcroît des spécificités régionales à l’échelle du globe. “Même si ce n’est pas encore visible au niveau du marché, l’Europe semble avoir retenu l’option de l’électrification”, indique notamment Chérif Assad. On parle d’ailleurs bien d’électrification, avec différents stades, et il ne s’agit donc pas d’opposer frontalement les véhicules thermiques au véhicule 100 % électrique. L’objectif réside en fait dans la réduction de la consommation de toutes les chaînes de traction, afin d’obtenir un gain significatif d’émissions de CO2, surtout que les normes s’accompagneront à l’avenir de pénalités financières. “Nous sommes face à un problème unique et au niveau de la R&D, il n’y a qu’une seule physique. Pourtant, il y aura une multitude de solutions”, résume Henri Trintignac. Selon Pascal Feillard, cette évolution est d’ailleurs frappée du sceau de la logique : “C’est aussi le sens de l’évolution des clients, car même si on met souvent en avant la mondialisation, la demande est, d’une manière générale, de plus en plus fragmentée. Ainsi, en Europe, on recense actuellement 380 modèles sur le marché, en se limitant au type de carrosserie, soit 100 de plus qu’il y a dix ans”.

Le coût du gramme de CO2 gagné comme juge de paix

Cependant, dans une logique industrielle, ce n’est pas forcément la solution qui offre le gain de CO2 le plus important qui sera retenue. “Il faut toujours rapporter le gain en CO2 au coût induit sur le véhicule, d’autant que nombre d’études démontrent que les clients ne sont pas disposés à payer aveuglément pour l’argument vert”, souligne Pascal Feillard, relayé par Henri Trintignac : “C’est toujours une affaire d’arbitrage entre le gain de CO2 et le surcoût. Il faut que le gramme de CO2 gagné le soit à un prix raisonnable”. Dès lors, une grande majorité d’acteurs estiment que le développement du véhicule électrique sera lent et progressif. Surtout qu’hormis sur les coûts, en lien avec l’augmentation des volumes, aucune avancée technologique de rupture n’est attendue au niveau des batteries pour cette décennie. En outre, comme le rappelle Pascal Feillard, “Bruxelles a récemment confirmé que les dernières gouttes de pétrole iraient aux transports”. “Les véhicules thermiques resteront prédominants encore longtemps”, conclut Henri Trintignac.

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