Si l’embrayage m’était conté...
...augmenter le confort de conduite, les embrayages sont soumis à rude épreuve, puisque ce sont eux qui sont chargés de transmettre ces couples de plus en plus phénoménaux à la transmission des véhicules. Les équipementiers ont donc rouvert leurs bureaux d'étude et les ingénieurs se remettent à leurs tables à dessin, réfléchissent à de nouvelles technologies pour satisfaire aux cahiers de charges imposés par les constructeurs.
Toutes ces innovations de première monte ont des conséquences sur le marché de la rechange. Le marché de l'embrayage évolue dans le même sens que les autres pièces détachées techniques, c'est-à-dire une baisse structurelle des volumes, du fait de la durabilité croissante des embrayages et de la hausse régulière des immatriculations de véhicules en boîte automatique, donc sans embrayage au sens propre. La valeur enregistre quant à elle une jolie progression, qu'on estime d'ores et déjà à 11 % pour 2010, en raison de la technicité des produits. L'arrivée de l'hydraulique, dans les butées notamment, ou encore des doubles volants amortisseurs, sont de nature à faire grimper la facture de manière exponentielle. Evidemment, les opérations concernant ces technologies, en rechange, sont souvent encore trustées par le réseau constructeur, mais l'étendue du marché potentiel va lisser les parts de marché entre OES et IAM dans les années qui viennent. Côté répartition du marché, alors que les kits traditionnels détiennent encore 95 % de la rechange en France, ils ne représenteront plus que 85 % en 2010. Les 15 % restants seront alors répartis entre les DVA (Double Volant Amortisseur), les butées hydrauliques et d'autres technologies sur lesquelles nous reviendrons. En 2004, le marché de la rechange embrayage a atteint 1,25 million de kits. Un marché qui souffre assez peu de la concurrence des petits acteurs par rapport aux poids lourds présents en première monte. En effet, compte tenu du coût de main d'œuvre important sur les opérations touchant à l'embrayage, les professionnels réparateurs préfèrent souvent utiliser une pièce dite d'origine, pour des raisons de sécurité et pour éviter des problèmes de garantie.
De nombreuses innovations de toutes parts
Nous évoquions récemment (voir JA n°935 du 28/10/05) le CSA (Clutch Servo Assistance) de LuK, un système d'assistance électro-hydraulique permettant de réduire l'effort sur la pédale d'embrayage. Un système totalement "add-on", sans gestion électronique, ce qui fait son charme. L'équipementier prouvait alors sa volonté de faire évoluer le marché, même s'il reconnaissait que le procédé ne verrait pas le jour en série avant quelques années…
De son côté, Valeo n'est pas resté sur le bord de la route. Le français présente son CBW, comprenez Clutch By Wire, autrement dit une commande d'embrayage entièrement pilotée par l'électronique, sans aucune liaison mécanique entre la pédale et la butée hydraulique… Audacieux, surtout quand on connaît la frilosité ambiante des constructeurs sur tout ce qui touche le "by wire". Freinage, direction… Les systèmes existent quasiment pour toutes les fonctions de commande d'une automobile, mais rares sont les marques qui misent sur le développement de ces innovations. La technologie "by wire" restant ainsi, en général, une vitrine technologique pour l'équipementier… Mais le CBW refuse cette étiquette. Valeo affirme même que les constructeurs, ayant d'abord considéré le produit comme un gadget, demandent aujourd'hui à voir des démonstrations de prototypes, tant les couples et les efforts pédale progressent de manière inquiétante.
Le CBW va beaucoup plus loin que le CSA de LuK. Le concept est même résolument différent. Plutôt que d'assister simplement, le CBW se propose de piloter entièrement et intelligemment l'embrayage. Cela implique bien sûr un système beaucoup plus lourd, inconcevable en post-équipement. Mais qu'importe pour Valeo, qui souhaitait proposer un produit de très haute technicité.
Comment ça marche ?
Dans les faits, le système est basé sur un actionneur électrique, comparable à ceux utilisés sur les boîtes robotisées, qui va manœuvrer l'embrayage de façon optimale. Il est piloté par un calculateur électronique (un de plus !), relié à une pédale d'embrayage, présente pour "faire joli". Enfin, elle peut tout de même donner l'information d'embrayer si l'utilisateur l'actionne. Néanmoins, si le conducteur décide de ne pas l'utiliser, le calculateur détecte tout de même l'intention du changement de vitesse, et débraye seul, avant l'engagement du rapport. Il suffit ensuite d'adjoindre à la pédale un "restituteur" d'effort, taré aux spécifications constructeur (12, 13, 14 kg…), pour donner l'impression au conducteur qu'il débraye. L'utilisation de cette technologie permet une liberté totale, dans le sens ou l'utilisateur peut choisir ou non d'utiliser la pédale mise à sa disposition. A l'arrivée à un feu rouge, ou bien lors d'un freinage d'urgence sans débrayage, le calculateur évite le calage moteur en débrayant automatiquement. La fiabilité de l'embrayage augmente donc sensiblement, par suppression des erreurs de conduite. Le CBW dispose en outre de fonctions de protection de l'embrayage. En cas de sous régime, un signal sonore retentit pour inciter le conducteur à engager le rapport suivant. Dans le cas d'un sur régime, le CBW intervient alors sur la gestion moteur et limite le couple. Et si ça tombe en panne ? En cas de défaillance du système, le calculateur bascule en mode dégradé, permettant d'effectuer des débrayages et embrayages pendant une cinquantaine de kilomètres, pour rallier le garage le plus proche.
Frédéric Richard
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