Sébastien Loeb, Homme de l’Année !
...Satinet, Jean-Pierre Ploué ou Guy Fréquelin qui figuraient aussi dans la liste du jury. C'est la confirmation que cette distinction cherche avant tout à récompenser un homme. Et le génial pilote est aussi un homme d'exception.
Plébiscité par le jury au premier tour, Sébastien Loeb a encore brillé de mille feux dans les dernières spéciales du vote final. Toujours en tête, un leitmotiv qui lui sied à merveille. Pourtant, la concurrence était rude. Certes moins fournie dans le domaine industriel que d'autres années, conjoncture délicate et déboires de certains obligent. Mais tout de même. Tout d'abord, la "concurrence interne" a joué à plein, les délibérations du jury faisant apparaître l'idée d'une "année Citroën". Claude Satinet a ainsi recueilli de nombreux suffrages. Pour les résultats commerciaux de la marque, les audaces accomplies en matière de design, le renouvellement de la gamme et les succès en rallye. Tous ces dossiers ont bel et bien transité dans son parapheur et quels qu'aient pu être parfois ses états d'âmes, il a donc signé leur acte de naissance. Bref, la renaissance de Citroën lui doit beaucoup. A Jean-Martin Folz aussi d'ailleurs, déjà Homme de l'Année 2002, mais encore cité au premier tour par plusieurs membres du jury. Puisqu'il est question du design séduisant des nouveaux modèles de Citroën, Jean-Pierre Ploué a légitimement été mis sous les feux de la rampe. Déjà nominé l'an passé pour les deux silhouettes de C4, il a cette fois ravi le jury avec la C6 et les derniers concept-cars aux chevrons. "Mais pourquoi lui plus que Giorgetto Giugiaro, avec son année prolifique à la date de ses cinquante ans de carrière?", ont répondu certains membres du jury… Et puis le design divise toujours un peu plus que le reste, même le design industriel. C'est sans doute pour cela que jamais un designer n'a encore été élu Homme de l'Année. Guy Fréquelin a aussi été cité, mais au capitaine d'expérience, au grand ordonnateur, on préfère souvent l'homme de lumière. Sébastien Loeb, donc, "celui qui est seul derrière son volant", dixit un membre du jury.
Loeb : alchimie parfaite entre raison et passion
Par ailleurs, Sébastien Loeb a vite repoussé les assauts de la "concurrence externe". Qui prenait pourtant parfois des allures d'invincible armada. Ainsi, Wendelin Wiedeking était un favori redouté, tant les performances de Porsche impressionnent. Ainsi, Helmut Panke pouvait faire figure d'épouvantail, eu égard aux résultats de BMW. Mais ces deux dirigeants ont semble-t-il pâti, c'est un brin paradoxal, de l'aura propre à leur marque respective. Enfin, à armes égales, Sébastien Loeb a eu aisément raison des accélérations pourtant fulgurantes de Renault F1. Patrick Faure et Fernando Alonso sont cités, mais manquent vraisemblablement de ce "petit quelque chose" lié à la fascination, l'authenticité, pour faire chavirer le jury tout à fait. Ce "petit quelque chose", Sébastien Loeb le possède assurément. "Dans la savante alchimie entre les dimensions rationnelle et passionnelle que revêt forcément une élection de cette nature, Sébastien Loeb convainc sur la première et fait la différence sur la seconde", s'enthousiasme un membre du jury ! Bref, c'est aussi le choix de la passion. De l'attrait d'un champion couronné qui tutoie déjà l'histoire de sa discipline et partant, d'un homme bien, à la fois charismatique et accessible. Dans la légende du sport mécanique, une dichotomie, qui tient du réjouissant poncif populaire, s'impose. D'une part, le cœur s'emballe à grandes montées d'adrénaline pour les acrobates de l'asphalte, les trompe-la-mort, les têtes brûlées et d'autre part, l'esprit s'éprend de la figure du "Professeur", du calculateur lucide, du dominateur perspicace et posé. Animal à sang chaud contre animal à sang froid. "Senna/Prost" comme archétype paroxystique. Sébastien Loeb, c'est la synthèse entre ces deux univers. D'où l'unanimité qu'il provoque.
Déjà dans la légende du rallye !
En effet, en 2005, Sébastien Loeb a survolé le championnat du monde des rallyes. Dix victoires, deux-deuxièmes places, une 3e et une 4e pour seulement deux abandons en 16 courses. Le titre mondial à la clef, bien entendu. Et déjà, à seulement 31 ans, quelques records qui font rêver : 6 rallyes gagnés consécutivement, 127 points obtenus sur une saison, un Tour de Corse remporté en faisant volant bas sur toutes les spéciales !!! En seulement trois saisons pleines de WRC (deux titres de Champion du monde, une seconde place !), il se rapproche déjà de légendes comme Sainz, Kankkunen et surtout Makinen. Bref, les résultats s'imposent avec l'évidence d'une loi naturelle. Mais ce n'est pas tout ; il y a l'homme aussi. Son charme discret mais prégnant. En premier lieu, il y a le caractère chevaleresque de Sébastien Loeb. Illustration avec deux épisodes qui valent mieux qu'un long portrait moraliste. Cette année, lors du rallye de Grande-Bretagne, Michaël Park trouve la mort à la suite d'un terrible accident. Sébastien Loeb a toutes les cartes en main pour être sacré Champion du monde à l'issue de l'épreuve. Mais il refuse de l'être dans ces conditions et persuade Citroën de le laisser prendre une pénalité qui retarde son sacre. Ce geste a fortement marqué le jury. D'autant que Sébastien Loeb n'a pas donné de leçons, n'a pas fait jouer la corde du pathos dans les chaumières. "Pas comme ça", c'est tout. Une affaire d'homme, d'intégrité, d'élégance. Dès 2003, il avait déjà fait montre de sa droiture en se pliant aux consignes de Citroën lui intimant d'assurer le titre Constructeurs au détriment du titre Pilote. Ce genre de situation est cruel pour un grand champion, mais Sébastien Loeb avait accepté, sans commentaires sibyllins, sans se répandre ensuite dans quelque média avide. D'ailleurs, Sébastien Loeb est fidèle. Il l'a encore démontré cette année en renonçant aux offres de Ford, alors que l'avenir de Citroën Sport était drapé d'un flou très artistique.
Un itinéraire de comète
Enfin, le fait que Sébastien Loeb reste accessible et disponible en toutes circonstances a fini de conquérir le jury. Sa gentillesse, sa timidité même, sont parfois déconcertantes par rapport à son statut naissant de légende du sport automobile. Dans un milieu où les paillettes sont souvent reines, où les atours de la gloire peuvent - légitimement - griser un jeune trentenaire, Sébastien Loeb se situe aux antipodes de la diva. Jamais show-man de pacotille, jamais arrogant, jamais hautain. Mais toujours authentique. De ces authenticités intenses, qui ne manquent ni de cachet ni de couleurs. Car attention, l'homme n'a rien de fade ou de lisse. De l'avis de nombreuses personnes qui le côtoient, c'est même un monstre de détermination et de concentration. Et ça se voit, sur les podiums, dans le regard, dans le pilotage. Et ça se partage naturellement. Avec tout le monde. Plus fortement encore avec tous ceux qui dessinent son itinéraire de comète depuis 1995. Dominique Heintz, Rémi Mammosser, Didier Auriol, Jean-Pierre Champeau, Frédéric Schmitt, Bernard Piallat, Didier Clément et Guy Fréquelin. Guy Fréquelin justement qui affirmait sans hésitation dès 2002 à l'issue de la victoire de Loeb au rallye du Var en Xsara Kit Car : "Une étoile est née". Une étoile aujourd'hui Homme de l'Année. Un homme de l'année qu'on ne saurait tout fait dissocier, si l'on fait fi des diktats individualistes du monde contemporain et que l'on tient à respecter l'esprit de Sébastien Loeb, de Daniel Elena, son copilote et ami depuis 1997.
Alexandre Guillet
FOCUSLe jury de l'Homme de l'Année Quels sont les membres d'un jury ? Comment sont-ils choisis ? Quel est leur rôle ? Autant de questions qui se posent au lecteur lorsqu'il découvre les résultats d'une élection. Pour l'Homme de l'Année du Journal de l'Automobile, les réponses s'énoncent simplement tant la régularité impose ses traditions.
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