Rétro auto 2018 : la valse des présidents
Incontestablement, l'arrestation de Carlos Ghosn le 19 novembre dernier sur le tarmac de l'aéroport de Haneda, au Japon, restera comme l'événement de l'année. Et on y reviendra. Mais ce ne fut pas le seul coup de tonnerre dans l'univers des constructeurs.
Dès le mois de mars, les suites du dieselgate frappaient encore chez Volkswagen avec le remplacement de Matthias Müller par Herbert Diess à la présidence du groupe, alors que ce dernier était à la direction de la marque VW. Matthias Muller, ancien patron de Porsche, avait lui-même pris la succession de Martin Winterkorn au cœur de la tempête. Depuis, le nouvel homme fort de VW, Herbert Diess, s'applique à poursuivre, voire à accélérer, la mutation du groupe de Wolfsburg ne voulant plus être un simple constructeur, mais un fournisseur de mobilité.
Dans le courant du mois de mai, c'était au tour de Smart d'annoncer le départ de son historique directrice Annette Winkler, à la tête de la jeune marque de Daimler depuis huit ans. Daimler annoncera le nom de sa remplaçante, Katrin Adt, en juin pour une prise de fonction en septembre. C'est maintenant à Katrin Adt d'accompagner Smart dans un moment charnière de son histoire puisque la marque est appelée à devenir une marque 100 % électrique d'ici 2020.
A l'approche de l'été, le calme semblait de mise, mais la période estivale fut finalement l'une des plus agitées depuis bien longtemps. Le 18 juin 2018, Rupert Stadler, le patron d'Audi, est placé en détention provisoire en Allemagne dans le cadre de l'enquête sur le dieselgate. Il restera en cellule jusqu'à la fin du mois d'octobre, soit quatre mois et demi. Après une direction par intérim assurée par le Néerlandais Bram Shot depuis le 19 juin, celui-ci vient, le 12 décembre, d'être confirmé au poste de CEO d'Audi à partir du 1er janvier prochain.
Mais le plus triste restait à venir. Alors que le 1er juin 2018, Sergio Marchionne présentait le plan stratégique 2018-2002 du groupe FCA, peu de monde se doutait d'une telle issue. Après une dernière apparition publique le 27 juin en Italie, les choses vont rapidement prendre une tournure dramatique. En effet, après une opération et des complications post-opératoires, l'emblématique patron de "la Fiat" s'éteint le 25 juillet à l'âge de 66 ans. "Malheureusement, ce que nous craignions est arrivé. Sergio Marchionne, l’homme et l’ami, s’en est allé. Je crois que le meilleur moyen d’honorer sa mémoire est de tirer parti de l’héritage qu’il nous a laissé, en continuant à développer les valeurs humaines de responsabilité et d’ouverture dont il était le champion le plus ardent. Ma famille et moi serons toujours reconnaissants pour ce qu’il a fait", a réagi dans un communiqué John Elkann, le petit-fils de Gianni Agnelli et PDG de FCA.
Toutefois, FCA avait du prendre des décisions avant même la disparition de son patron. En effet, dès le samedi 21 juillet le constructeur avait nommé en urgence Mike Manley, jusqu'ici patron de Jeep et Ram, à la tête des opérations. Louis Camilleri prenait quant à lui la tête de Ferrari. L'Italo-canadien qui avait sauvé Fiat d'une faillite certaine n'aura donc pas eu le temps de préparer réellement sa succession qui était d'ores et déjà annoncée pour le printemps 2019. Une situation qui a naturellement fait naître quelques tensions dans l'organigramme du groupe italo-américain. Par exemple, Alfredo Altavilla, directeur des opérations pour la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique), a présenté sa démission. Longtemps bras droit de Sergio Marchionne, il faisait partie des successeurs potentiels.
En revanche, il y aura au moins une succession qui devrait se dérouler dans les règles de l'art. Elle se passera chez Daimler. En septembre dernier, le groupe a annoncé qu'elle se déroulerait au printemps 2019 à l'issue de l'assemblée générale des actionnaires. Dieter Zetsche, qui a réellement relancé Mercedes, va laisser son fauteuil de président à Ola Källenius, membre du directoire de Daimler depuis 2015, et responsable de la R&D du groupe et du développement de Mercedes depuis 2017.
La succession suivante n'en est pas vraiment une, mais elle a fait grand bruit. En effet, Elon Musk, qui a été contraint de laisser la présidence de Tesla, le 9 novembre dernier, à Robyn Denholm, déjà membre du CA du constructeur californien depuis quatre ans. Mais Elon Musk reste le maître à bord car il demeure directeur général, mais surtout premier actionnaire de la marque qu'il a créée.
Ce changement était voulu par la SEC, le gendarme boursier américain, suite à l'épisode estival où Elon Musk a twitté vouloir et avoir les moyens de sortir Tesla de Wall Street. Cela restera sûrement le tweet le plus cher de l'histoire puisque le patron a dû payer une amende de 20 millions de dollars à la SEC.
Plus généralement, cette crise de gouvernance chez Tesla s'est doublée d'une crise de production avec l'impossible montée en cadence de la Model3. Ce qui conduira Elon Musk à nommer, le 10 septembre, le Français Jérôme Guillen, travaillant chez Tesla depuis 2010, à la tête de la division automobile.
Mais le plus improbable s'est donc passé le 19 novembre 2018 sur le tarmac de l'aéroport japonais d'Haneda. Avant même qu'il descende de son jet, Carlos Ghosn est arrêté par la justice japonaise qui enquête sur la non-déclaration de la totalité de ses salaires chez Nissan, sur la période 2010-2015. Cela lui vaudra une première garde à vue (de vingt-trois jours !). Rappelons que cette enquête de la justice nippone fait suite à une enquête interne de Nissan, laissant ainsi planer des doutes quant aux causes réelles de la disgrâce du patron français.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, Carlos Ghosn est toujours en prison dans le cadre d'une deuxième accusation, toujours sur ses émoluments, mais concernant la période 2015-2018, et le restera sans doute jusqu'au 30 décembre. Viendra ensuite le temps de la mise en examen ou d'une troisième accusation qui pourrait encore relancer une garde à vue de vingt-trois jours. Mais avec cette deuxième accusation, Nissan est aussi inquiété car, de fait, le constructeur aurait transmis de fausses informations aux marchés.
Toujours est-il qu'après ce coup de tonnerre, Renault, Nissan, Mitsubishi et l'Alliance ont perdu un rouage essentiel au bon fonctionnement de l'ensemble. Quasiment dans la foulée de son arrestation, Nissan l'a révoqué (22 novembre) comme Mitsubishi (26 novembre). Renault ne fera pas ce choix lors du conseil d'administration le 21 novembre. Le Français a plutôt choisi de mettre en place une gouvernance par intérim dont la partie opérationnelle a été confiée à Thierry Bolloré, le numéro 2 de Renault. Le constructeur mais aussi l'Etat, premier actionnaire de Renault avec 15 %, se pencheraient sur la succession de Carlos Ghosn. Selon le Figaro, Jean-Dominique Sénard, qui va bientôt quitter Michelin, tiendrait la corde.
La direction de l'Alliance est également en jeu. Après une rencontre virtuelle, Thierry Bolloré, Hiroto Saikawa (Nissan) et Osamu Masuko (Mitsubishi) semblent avoir choisi, pour l'heure, une certaine collégialité en attendant la définition d'une nouvelle gouvernance. Ce sera sans doute un long feuilleton durant toute l'année 2019.
Enfin, petit clin d'œil franco-français, même s'il ne s'agit pas d'un grand patron. Le 17 octobre dernier, Franck Riester, président du groupe Riester, historique distributeur des marques Peugeot dans l'Est parisien, est devenu ministre de la Culture du gouvernement d'Edouard Phillipe.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.