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Constructeurs

Radioscopie d’une révolution trop lente

Publié le 2 octobre 2009

Par Gredy Raffin
7 min de lecture
La radio est le dernier média à ne pas s'être modernisé en cédant aux sirènes de la numérisation, une révolution nécessaire qui tarde. Les fabricants y voient un marché de renouvellement à hauteur de 100 % du parc, les équipementiers...
...se pressent pour pouvoir occuper l'espace chez des constructeurs automobiles toujours en quête de valeur ajoutée et d'innovation. La liste des intéressés est longue mais le développement traîne. Ou en est-on ?

A y réfléchir, la radio numérique terrestre (RNT) est l'alter ego de la TNT. A ceci près qu'elle aura mis plus de temps à se mettre en place. Plus de quinze ans. Et la route qui mène à son implémentation en France semble encore longue. Une perspective qui a le don d'agacer les acteurs concernés par ce marché. Tous s'impatientent. Tous lorgnent sur cet énorme gâteau dont chacun veut bien évidemment une part. Car il ne faut pas s'y tromper, le marché de la radio numérique sera sans conteste l'un des plus importants de l'histoire de l'électronique embarquée. En somme, il s'agit potentiellement de renouveler l'intégralité du parc. Nous nous trouvons dans la même situation qu'à l'époque où il a fallu remplacer les autoradios à cassettes contre les produits supportant le CD.

Les fabricants sont évidemment les premiers à se frotter les mains. Lors de notre étude de marché, il y a de cela un an, les grands se disaient déjà opérationnels. Ils s'impatientent désormais. Ce délai offre néanmoins un avantage : il laisse le temps aux négociations. Ainsi des marques comme Alpine, qui réalise 60 % de son activité auprès des constructeurs tente de placer ses pions sur ce nouvel échiquier. Le but est de continuer d'assurer sa présence sur les chaîne de montage en usine.

On s'intéresse à sa qualité

Les équipementiers aussi se positionnent. Continental et Magneti Marelli, en tête. Les deux spécialistes se sont engagés au sein du programme Ranuter aux côtés des constructeurs automobiles ou des prestataires de service. "Nous avons un développement en cours, confirme une source proche de l'équipementier italien. Mais la décision appartient toujours aux constructeurs d'intégrer ou non la technologie à leur véhicule."

Les constructeurs justement, se livrent à une course non médiatique. Qui de Renault, de Nissan, de PSA, ou encore de BMW sera le premier à proposer une solution ? La marque à l'hélice s'est livrée à une batterie de tests, il y a quelques mois. "Les résultats étaient relativement concluants", rapporte des sources proches du dossier. Pourtant à la communication France, personne ne peut nous renseigner sur l'avancée du projet. Chez Renault, les ingénieurs ont équipé un SUV Koleos. Ils profitent de l'expérience engrangée en Corée, l'un des pays les plus matures en matière de RNT. "La radio numérique nous intéresse pour sa qualité", confie Bruno Moreau, porte-parole de Renault sur la question.

PSA Peugeot Citroën, moins communicatif sur le sujet, ne serait pas en reste. Et à en croire son équipementier, Continental, des productions de série sont à venir au cours de l'année prochaine (voir encadré ci-dessous). Le groupe de Philippe Varin aurait également d'autres projets avec Magneti Marelli, selon une source proche du dossier.

Les normes, ce casse-tête

Il ne faut cependant pas ignorer que la radio numérique est un pari risqué. Les industriels s'aventurent sur un marché encore flou, presque spéculatif. Ni Bruno Moreau, ni Nicolas Mougenot, directeur général d'Alpine France, ni aucun autre intervenant n'est capable de chiffrer le potentiel de ce marché et encore moins en mesure de garantir l'intérêt du consommateur. L'argumentaire, quant aux bénéfices apportés par la RNT, est simple : "Vous écoutez la radio en qualité numérique, sans perturbations", résume le fabricant d'autoradios. "Mais encore faut-il justifier l'achat", nuance-t-il. Car il convient de rappeler que le marché finit à peine de s'équiper de produits ayant la capacité d'offrir une nouvelle consommation (clé USB, carte SD, iPod…). En face de cela, les stations de radio se cherchent encore. Les canaux de diffusion ne sont pas définis clairement et la couverture reste minime. Seules les villes de Paris, Marseille et Nice débuteront l'expérience cette année. Le choix du DMB, la norme de diffusion, ne fait même pas l'unanimité à en croire Jamil Shalak, président de l'association pour la Radio numérique DR France. "Ce choix coûte plus cher aux diffuseurs et laisse moins de place aux flux vidéos que nous voudrions adjoindre à nos programmes", explique-t-il. Les limites techniques sont notamment dues au fait que cette norme est initialement prévue pour la vidéo mobile et n'est donc pas adaptée à la radio, contrairement au DAB+. "Le DMB va éliminer les diffuseurs par le manque de place sur la bande sinon par le prix. La qualité en pâtira donc pour l'auditeur", poursuit-il.

Un avenir brouillé

"L'autoradio va scanner, trouver les radios et les enregistrer par ordre alphabétique pour plus de simplicité", expose Jérôme Hirigoyen, directeur de projet radio numérique chez TDF. "Elle n'a de radio que le nom, nous sommes en présence d'un nouveau produit qu'il faut aborder d'une autre manière", ajoute-t-il.

Se pose donc la question du matériel. Entre la solution du décodeur intégré et celle du module annexe, entre un bi-tuner et un tri-tuner, et être capable de faire la passerelle entre la RNT et la FM, sont autant de choix que doivent faire les fabricants qui ont un cahier des charges international, comme le répète Nicolas Mougenot. "Nous avons des contraintes en émission et réception, souligne pour sa part Bruno Moreau, de Renault. Nous adopterons donc la double antenne". Rien n'est fait et l'échéance du 1er septembre 2013, date à laquelle toutes les nouvelles voitures seront obligatoirement équipées, approchera à grand pas.

Reste encore à clarifier certains points cruciaux : Des services sont prévus, mais le modèle économique n'est pas arrêté. Quel coût pour le consommateur final ? Quel type d'informations visuelles peut-on envoyer au conducteur sans risquer de la mettre en danger ? Et plus étrange encore, comment une nouvelle technologie peut-elle s'installer et s'affirmer, si la fin de l'ancienne n'est pas programmée ? Autant de questions auxquelles personne n'est pour l'heure capable de répondre. La route est encore longue…

QUESTIONS À

Gilles Mabire, Responsable pôle Infotainment & Connectivity.

"Une production de série dès 2010 chez Peugeot et Citroën"

Journal de l'Automobile. Comment un équipementier tel que Continental se positionne-t-il sur une telle technologie ?
Gilles Mabire. Par nature, nous ne sommes pas acteurs de l'implémentation de la radio numérique, mais nous participons à la spécification de la technologie. A ce titre, nous sommes membres du DMB Forum qui travaille à déployer la RNT en France.

JA. Il n'y a pas de calendrier, mais d'ici à 2013, l'automobile doit être équipée, où en êtes-vous de votre développement ?
GM. Une question reste en suspens : A l'échéance 2013, devra-t-on équiper toutes les nouvelles créations ou toutes les voitures sortant des lignes d'assemblage ? En attendant la réponse, on se prépare à commercialiser des produits et cela débutera dès 2010 avec une production de série chez PSA, sur les remplaçantes des 407 et C4. D'autres discussions préliminaires sont en cours avec des constructeurs européens, français et allemands notamment.

JA. Vous est-il possible de fournir un produit multistandard à un moindre coût ?
GM. La solution à moindre coût existe déjà. Les constructeurs nous l'achètent pour moins de 10 euros. Vulgairement, il s'agit d'ajouter un système de décodage du signal.

JA. Quelles sont les autres contraintes auxquelles vous faites face ?
GM. Le premier concerne le standard, du fait que les normes ne soient pas internationales. Il faut être capable de fabriquer un produit adapté à tous les marchés. La deuxième contrainte réside dans la difficulté à pouvoir faire la passerelle entre le numérique et l'analogique, soit entre le DMB et la FM. Nous avons quelques solutions, mais elles nécessitent des améliorations avant commercialisation.

Photo : Au dernier Mondial de l'Automobile, en 2008, Renault et RTL exposait un Koleos équipé de la radio numérique. Une première étape pour les constructeurs, en attendant une concrétisation l'an prochain.

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