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Constructeurs

Minivoitures : match à deux ?

Publié le 19 juillet 2013

Par Thierry Astier
12 min de lecture
Etrange situation que celle du marché du quadricycle ! Objet d’un intérêt pour le moins singulier de la part de nombreux constructeurs automobiles en mal de “green washing”, il voit de plus en plus la guerre commerciale se résumer à un bras de fer entre deux groupes se rendant coup pour coup…
Faute d’un positionnement bien défini, le curieux Renault Twizy connaît déjà des ventes en chute libre : seulement 156 quadricycles légers dans l’Hexagone, contre 322 en 2012.

C’est à n’y rien comprendre. On le sait, la minivoiture a toujours été une sorte de “cour des miracles”, attirant perpétuellement, outre des industriels sérieux, de nouveaux contingents de créateurs, persuadés de faire leur bonne fortune en réinventant l’échelon manquant entre deux-roues et automobile. Cela dit, jusqu’ici, tout était clair : ces aspirants-là faisaient en général d’excellents prétendants aux contre-allées du concours Lépine. Or, depuis deux ans, les doux fantaisistes en question se nomment Renault, BMW associé à Daimler, Honda ou encore Toyota ! Car, à chaque fois, ces poids lourds de l’automobile ont bel et bien présenté d’authentiques projets de quadricycles électriques, destinés à aboutir à une fabrication en série. Du jamais vu depuis les années folles et la courte vogue du cyclecar… Cela dit, il est juste de reconnaître que seul Renault a pour le moment abouti à une commercialisation, et réalise par ailleurs dans la douleur des scores bien inférieurs aux prévisions les plus pessimistes de ses services commerciaux.

Quadricycle, l’avenir de l’automobile !

Qu’on ne s’y trompe pas pourtant : à l’heure où, pression des radars et du budget carburant oblige, l’immense majorité des automobilistes occidentaux se déplacent avec un œuf sous le pied tout en résidant en milieu urbain, qui prétendrait encore avoir besoin de cinq places, 1 300 kg et 100 chevaux pour véhiculer ses enfants à l’école et se rendre sur son lieu de travail ? Bref, il n’est pas nécessaire d’avoir fait de longues études pour comprendre que la minivoiture, aujourd’hui plus encore qu’hier, jette les bases pour un moyen de transport de proximité, ultra-économique et rationnel, dont la législation donne avec obligeance les grandes lignes ! Au-delà du cas bien particulier du quadricycle léger – autrement dit la voiture sans permis, qui occupe habituellement cette rubrique ! –, son pendant “lourd” offre en effet un portrait-robot quasi idyllique pour le mobile minimaliste qui conviendrait à tant d’automobilistes pour la transhumance quotidienne : 20 chevaux maximum (15 kW pour être précis), 400 kg à vide, un petit 100 km/h encore bien suffisant pour finir à pied… Les tenants du deux-roues oubliant trop souvent que l’insécurité réelle ou supposée de leurs montures, sans oublier l’absence de protection aux intempéries, les relégueront perpétuellement dans les marges d’un marché potentiel considérable. Encore ne faut-il pas se tromper de cahier des charges… A dire vrai, c’est un peu l’impression que laisse pour le moment Renault, dont le Twizy apparaît aussi spontanément sympathique que peu réaliste. D’ailleurs, en dépit des dénégations de la direction commerciale, le spectre de l’échec se dessine avec un peu plus d’insistance chaque jour.

Twizy, l’impasse…

Qu’on en juge : durant les cinq premiers mois de l’année, seulement 250 Twizy ont été écoulées en France (-80,4%) et 1267 en Europe (-72,1%) ! Encore une fois, en dépit d’un réel agrément de conduite, comment imaginer faire mieux avec un engin dépourvu de fermetures dignes de ce nom, de chauffage, de désembuage, de convivialité (deux places en tandem), de coffre et même… d’espaces de rangement ? A l’impossible nul n’est tenu ! La coupe est pleine ? Pas tout à fait, puisque ces handicaps, pour le moins pesants, sont, à notre sens, fortement renforcés par une absence de politique favorisant le stationnement de ce genre de véhicules, sans oublier bien sûr la carence criante d’infrastructures adaptées aux véhicules électriques. On notera au passage que l’ensemble des projets concurrents, qu’ils émanent du Japon ou de l’Allemagne, n’envisagent pas autre chose en termes de motorisation. Quoique a priori très sérieux, ces industriels marcheraient-ils tous sur la tête ? Rien n’est moins sûr, si on considère que ces véhicules font à la fois d’excellents ambassadeurs d’une certaine image écologique, tout en permettant une appréciable réduction de la moyenne d’émission de dioxyde de carbone par gamme. Puisque celle-ci est grossièrement proportionnelle à la cylindrée pour un moteur thermique, on mesure tout l’intérêt d’offrir quelques engins urbains quand une gamme compte pléthore de “gros cubes” ! Chacun s’en défend vigoureusement, mais difficile de ne pas voir à travers le Twizy, le Visio-M (BMW/Daimler), le Micro Commuter (Honda) ou encore l’i-Road vu à Genève (Toyota) des créations de circonstance plus que de conviction…

Electrique, éternelle chimère…

Toujours à propos du choix univoque d’énergie électrique, il est également permis de rester perplexe à plus d’un titre. Car l’option retenue présente en effet à peu près autant d’inconvénients que d’avantages. En effet, s’il faut porter au crédit l’excellente adéquation entre les capacités énergétiques des batteries les plus basiques et les besoins d’un véhicule dédié aux micro-déplacements – des éléments gel/plomb étant capables d’offrir la centaine de kilomètres suffisants à bien des quadricycles ! –, le passif pèse lourd, même au sens figuré. Peu ou prou d’infrastructures, une économie à la recharge sujette à caution (en cas de développement du marché, le coût de chaque plein serait à coup sûr nettement renchéri), sans parler de la question de la propreté des procédés de fabrication et de recyclage des batteries, qui reste ouverte ! Et, au fait, vaut-il mieux un puits de pétrole ou une centrale nucléaire pour faire le plein ? Tout bien réfléchi, l’option du quadricycle lourd à moteur thermique nous semble parfaitement défendable, d’autant que les tenants des carburants liquides ont effleuré des solutions pour le moins séduisantes, notamment avec les biocarburants de deuxième génération issus de la biomasse. A condition que l’on veuille bien leur accorder les moyens que les autorités publiques semblent délivrer avec prodigalité à tout projet de véhicule électrique. Y compris les moins réalistes. Et qui n’émanent d’ailleurs pas toujours de professeurs Tournesol abonnés au concours Lépine ! En attendant, à l’heure où nombre de constructeurs généralistes connaissent une crise sans précédent, à commencer par PSA, qui saura inventer la 2CV urbaine moderne ? Voilà en effet une clé que personne ne semble vouloir utiliser : proposer un produit répondant à nouveau à un besoin réel plutôt qu’à des envies fugaces.

VSP : l’envie plus que le besoin ?

Répondre à un besoin avant toute chose, c’est bien le credo originel du cœur du marché du quadricycle, la voiture sans permis ! Pour autant, au fil du temps, les marques bien établies tentent de plus en plus le jeu de la séduction, histoire, a contrario, de substituer le besoin à l’envie… Car, si la clientèle du “sans permis” est captive, elle se laisse de plus en plus difficilement convaincre de renouveler son véhicule avec la même assiduité qu’hier. C’est un peu la rançon du progrès : voilà encore vingt ans, chaque année amenait son lot d’évolutions et de perfectionnements sur ce qu’on nommait encore “voiturette”. En 2013, les produits sont mâtures depuis belle lurette, et les approximations d’hier ont disparu sans laisser trop de traces. De fait, comme toujours, les dernières marottes du marché reposent sur l’éternel complexe d’infériorité automobile de ces véhicules. Qui leur impose perpétuellement le mimétisme avec leurs grandes sœurs, sans doute plus sous la pression des clients que par vocation des constructeurs. L’heure des excentricités semble bel et bien finie, les utilisateurs de quadricycles veulent plus que jamais être perçus comme des automobilistes à part entière. Et n’allez pas leur dire que leur véhicule reste, encore et toujours, l’équivalent administratif et partiellement technique d’un cyclomoteur, vous les vexeriez…

Coup(é) pour coup(é) !

Nul ne s’étonnera donc des développements visuels les plus marquants des douze derniers mois : l’heure est au coupé ! Du moins pour Aixam et le tandem Ligier-Microcar (groupe DrivePlanet), les deux conglomérats continuant inlassablement une guerre de tranchées sans fin. Chacun jugera comme il lui plaît les résultats esthétiques de ces conversions inattendues – greffe d’un pavillon façon Coupé Mini chez le premier, profil tricorps taillé façon 206 CC pour les seconds –, mais il n’échappera à personne que les gammes des trois grandes marques sont plus complètes que jamais : trois lignes de voitures particulières chez Microcar comme chez Ligier, et même quatre pour Aixam. Autre phénomène récent, la multiplication des labels. Aixam avait tiré le premier dès 2003, réemployant la marque Mega déjà utilisée pour des automobiles de loisirs ou sportives, cette fois au profit d’une ligne de micro-utilitaires, devenue en très peu de temps le leader du petit, mais solide, segment du mini-camion. Puis le deuxième front est venu d’Europe du Sud, avec la création dans les années 2008 et 2009 de marques “low price”, originellement réservées aux marchés italien, espagnol et portugais : Minauto pour Aixam, et Dué pour Ligier. A compter de janvier 2011, c’est l’ensemble des réseaux Ligier et Microcar qui héritent d’une Dué véritablement spécifique, VSP moderne mais basique pour 8500€. Après s’être défendu vigoureusement de vouloir suivre les traces de la Dué First, Aixam a créé la surprise en ajoutant à sa gamme française la Minauto depuis février dernier, pour… 8499€. Un moyen comme un autre de “verrouiller” son réseau en lui donnant une palette exhaustive de produits à vendre… C’est également ce qui a conduit DrivePlanet à lancer Ligier Professional, label dédié aux utilitaires ultra-légers, et blason un rien maladroit puisque distribué indifféremment par Ligier… ou Microcar ! Autant dire qu’un tel feu nourri de nouveautés et de sous-segmentations est bien difficile à suivre pour les autres marques, faute de moyens financiers comparables.

Pas de quoi pavoiser…

Pour les tenants de la diversité, les chiffres du marché français sur le premier semestre sont hélas éloquents. En globalité, l’heure n’est certes pas à la fête : avec une baisse atteignant 5,7% entre janvier et juin, la VSP accuse une morosité persistante. Conjoncture aux abois, clientèle frileuse, moral des ménages en berne, météo désastreuse, les explications ne manquent pas pour expliquer des chiffres franchement médiocres, à l’exception d’un trop court sursis en avril (1215 unités, +7,5%), qui n’a pas suffi à sauver le semestre. Par ailleurs, les 6426 unités enregistrées au cumul toutes marques correspondent à un effritement de 387 immatriculations toutes marques confondues, 166 représentant la perte sèche de Renault, sans oublier la disparition de Grecav, autre épiphénomène pesant 44 unités dans la balance. Malgré cela, le détail des chiffres n’est guère encourageant, marque par marque. Au jeu des groupes, en revanche, on est frappé par le poids croissant des deux groupes leaders. Par rapport au premier semestre 2012, les trois grandes marques et leurs labels additionnels sont passés de 77,6 à 83,3% des ventes ! Dans le détail, DrivePlanet tient toujours la corde, avec 43,5% de part de marché, bien aidé par la percée remarquable de Ligier Professional, devenu en quelques mois le leader du micro-utilitaire, pesant presque 300 immatriculations, soit 50 par mois. Du jamais vu sur le segment, la marque étant en outre portée par les appels d’offres de La Poste, mais pas seulement. A contrario, Dué traîne la patte (-14,4%), son volume correct (125 véhicules) étant déjà dépassé par le Minauto concurrent… à une unité près ! Ce dernier offrant au groupe savoyard une vraie compensation au tassement des ventes d’Aixam (-3%) et surtout de Mega (-17,3%). Pour autant, compte tenu de la contraction du marché, Aixam reste le label numéro un de la “sans permis”, avec pas moins de 35% du marché.

Dur, dur d’être un “petit”…

Dans le camp rival, les satisfactions ne sont pas sans partage. Ligier peut en effet se targuer de maintenir un score plutôt élevé, à 1293 exemplaires sur le semestre. Malgré tout, cela ne représente qu’une hausse infime (7 unités !), en dépit du lancement d’une JS50 compacte au style rajeuni et nantie de quelques intéressants progrès techniques (embrayage automatique, nouveau moteur plus performant…). Une relative apathie qui trahit les difficultés d’un secteur ou, plus que jamais, les parts de marché sont bien difficiles à grappiller… et si simples à perdre ! Il suffit d’observer le parcours de Microcar pour s’en convaincre : après un cru 2011 difficile, 2012 avait permis au Vendéen de se refaire une santé, bien aidé par le lancement avant Ligier de son modèle à vocation plus jeune et urbaine, la M8. L’état de grâce semble déjà fini, les scores rappelant ceux enregistrés voilà deux ans (1083 véhicules, -11,7%), en dépit d’une gamme bien charpentée et encore étoffée d’un coupé F8C lancé légèrement en avance par rapport à son pendant Ligier, le JS RC. Pour autant, mieux vaut sans doute ne pas être plus royaliste que le roi, compte tenu des déconvenues essuyées par d’autres. A dire vrai, la situation est simple : chez les “petits”, pas un seul ne termine son semestre en hausse ! Le héros du jour s’appelle Casalini, ultime constructeur italien encore en activité et doyen européen. Avec 119 véhicules écoulés entre janvier et juin, soit tout juste deux de moins que sur le premier semestre 2012, la marque a réussi un petit exploit, en dépit d’un cœur de gamme M12 vieillissant. L’apport récent d’un pick-up restylé semble donc maintenir correctement les volumes, en attendant des nouveautés au potentiel plus vaste. On relativisera également les 6,4% en moins enregistrés par JDM, pratiquement équivalents à la baisse globale du marché. D’autant que Cerizay aura fait un premier trimestre au ralenti forcé, étant alors en plein démarrage de la nouvelle Xheos. Il est encore trop tôt pour parler d’échec ou de succès, mais le retour de JDM au plus haut niveau sera à coup sûr un travail de longue haleine, d’autant que la gamme paraît courte, avec un seul modèle. Sur ce plan, n’y aurait-il pas mieux fallu garder la vieille, mais appréciée, Abaca pour conserver une entrée de gamme à prix attractif ? Dans le cas de Chatenet, les chiffres sont pour le moins décevants : la décrue atteint la bagatelle de 27,8% sur six mois (399 voitures contre 519) ! D’évidence, le restylage, visiblement trop discret, n’a pas suffi à redonner suffisamment d’éclat aux CH26 et 32. L’ajout, tout dernièrement, de séries spéciales suffira-t-il à redonner au Limousin un second souffle ? A contrario, Bellier reste à un niveau faible (108 immats, -13,6%), mais fourmille de projets, au premier rang desquels on retrouve un nouveau – mais tardif ! – camion Docker et le Kimsi, un fort intéressant véhicule pour handicapés. Sans parler d’une véritable nouvelle berline, qui est déjà dans l’antichambre… Une chose est sûre, toutefois : quelle que soit la marque considérée, le marché de la voiture sans permis est devenu un coupe-gorge, ou les faux pas sont de plus en plus sévèrement sanctionnés !

 

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