Méfions-nous des imitations !
...a décidé de réagir en informant et, le cas échéant, en sanctionnant.
Les montres Rolex, les sacs Vuitton ou encore les chemisettes Lacoste sont très souvent copiés pour être revendus à la sauvette à des prix défiant toute concurrence. C'est en tout cas ainsi que l'on a souvent tendance à imaginer le phénomène de la contrefaçon. Pourtant, il en va tout autrement. Des secteurs divers et variés de l'industrie sont aujourd'hui touchés par la contrefaçon, allant des produits numériques aux jouets, des pièces détachées automobiles ou aéronautiques aux médicaments et aux produits alimentaires. C'est un véritable marché parallèle qui s'est instauré au niveau international, parasitant une partie de l'économie. Le Cnac (Comité national anti-contrefaçon) estime ainsi qu'il représente aujourd'hui de 5 à 9 % du commerce mondial, soit un chiffre compris entre 200 et 300 milliards d'euros. Partant de ce constat, Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, a décidé de faire de la lutte contre la contrefaçon l'un de ses chevaux de bataille et a confié au Cnac le soin de préparer un plan d'action allant dans ce sens. "Il y va non seulement de nos emplois, de la compétitivité des marques françaises, du respect de la propriété industrielle, mais aussi - et c'est malheureusement moins connu - de la sécurité et de la santé des consommateurs", souligne-t-elle avant d'ajouter : "Une véritable prise de conscience doit se produire chez nos compatriotes." Cette prise de conscience, le Cnac a décidé de l'orchestrer en lançant, du 26 au 31 janvier, une semaine de sensibilisation contre les dangers de la contrefaçon.
"Contrefaçon : danger !", le mot d'ordre est lancé
Campagne d'affichage dans les grandes villes et dans les administrations telles que les commissariats, les préfectures et les sous-préfectures, émissions de radios locales et nationales ciblées notamment vers un public jeune, distribution de dépliants, création du site Internet d'information www.contrefaçon-danger.com, ou encore journées portes ouvertes au musée de la contrefaçon à Paris, sont autant de dispositifs mis en place par le Cnac et cofinancés par des entreprises privées, afin de montrer le vrai visage de la contrefaçon.
La contrefaçon en France19 % des produits contrefaits saisis par les douanes françaises étaient destinés au marché français. 30 000 emplois environ sont détruits tous les ans en France à cause de la contrefaçon. 6 milliards d'euros est la perte estimée par an en France du fait de la contrefaçon. |
ZoomDéfinition de la contrefaçon |
Une perte de 6 milliards d'euros pour l'économie française
Toutefois, outre la menace potentielle qu'elle fait peser sur les consommateurs, la contrefaçon s'avère également être un véritable fléau économique pour les pays et les entreprises en étant la cible. Le Cnac cite l'exemple d'un constructeur automobile français qui estime que le manque à gagner dû à la contrefaçon lui coûte entre 90 et 130 millions d'euros par an. D'un point de vue plus général, selon Nicole Fontaine, la France est particulièrement touchée puisque, chaque année, la contrefaçon représente non seulement un manque à gagner de l'ordre de 6 milliards d'euros, mais engendre également la perte de quelque 30 000 emplois dans l'Hexagone. Au niveau européen, ce serait pas moins de 100 000 emplois qui seraient supprimés tous les ans à cause de la contrefaçon et 200 000 au plan mondial. Des chiffres qui conduisent Nicole Fontaine à qualifier la contrefaçon "d'immense vol de la collectivité", mais aussi de "crime économique et social, au cœur de l'activité criminelle internationale". En effet, selon le Cnac, le marché de la contrefaçon emprunte les mêmes voies que les organisations criminelles, trafiquant de drogue ou d'armes, et se révèle même, dans certains cas, être une activité encore plus rémunératrice ! L'information des consommateurs, pour leur éviter de se rendre complices d'une filière occulte, et des industriels, pour les aider à se protéger des contrefacteurs, ne représente donc que l'un des aspects du plan de lutte engagé par le gouvernement.
Un durcissement des sanctions en vue de dissuader
Qu'est-ce que le Cnac ? Créé en 1995 à la suite de la loi Longuet, le Comité national anti-contrefaçon est une organisation regroupant à la fois des représentants des pouvoirs publics (ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ministères de l'Intérieur, de la Défense, de la Culture, de la Justice, de l'Agriculture) et des représentants privés (fédérations professionnelles, industriels, notamment PSA et Renault, et représentants du droit d'auteur). Il a pour mission de coordonner les actions des différents services publics, de sensibiliser industriels et consommateurs, de favoriser les actions internationales. En novembre 2002, Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, a nommé à sa tête François D'Aubert, député de la Mayenne et ancien ministre, et a demandé au Cnac d'élaborer un plan d'action pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon. |
Celui-ci s'accompagne également d'une volonté de plus grande sévérité des sanctions pénales existantes afin, selon la ministre déléguée à l'Industrie, d'encourager "la répression et la dissuasion des contrefacteurs". Ainsi, le projet de loi "portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité", actuellement en cours d'examen par le Parlement, vise à doubler les peines encourues. Pour le moment, le Code de la propriété industrielle prévoit des sanctions pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende ; le projet de loi entend porter ces peines à 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende, 600 000 euros en cas de récidive. En cas de circonstances aggravantes (organisateurs de trafic, importateurs, grossistes, infractions commises en bandes organisées), les peines seront portées à 5 ans de prison et 500 000 euros d'amende. Par ailleurs, la lutte contre la contrefaçon s'accompagne d'un développement de la coopération internationale ; le Cnac et l'Inpi (Institut national de la propriété industrielle) travaillent ainsi en collaboration avec plusieurs nations afin de mettre en place des mesures communes. La contrefaçon n'épargne en effet aucun pays, tous les continents sont concernés, et des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne, le Portugal ou l'Italie sont ainsi considérés comme de gros producteurs de pièces de contrefaçon (tous secteurs confondus). La mondialisation de l'économie et de l'industrie a néanmoins favorisé le développement du phénomène dans les pays émergents, qui peuvent profiter des délocalisations pour acquérir des savoir-faire et recopier des produits. Selon la Dree, certains pays émergents vont même jusqu'à tolérer les réseaux parallèles de contrefaçon parce qu'ils participent au soutien de l'économie locale. La lutte contre la contrefaçon a donc encore de beaux jours devant elle…
Arnaud Dumas
3 questions à Denis Le Vot : directeur stratégie et marketing de la division pièces et accessoires de Renault.
Le Journal de l'Automobile : De quelle manière êtes-vous confrontés à la contrefaçon ?
Denis Le Vot : Tout d'abord, la contrefaçon sévit dans les marchés où une marque est importante, et Renault, tout particulièrement en France, est une marque importante. Nous avons donc ce problème partout en Europe, mais surtout en France où nos parts de marché sont plus élevées. Nous avons connaissance de l'existence de pièces de contrefaçon par le travail de nos équipes commerciales sur le terrain, mais aussi par des remontées d'informations de la part de nos réseaux. En général, on retrouve la contrefaçon à deux niveaux : soit en B2C, dans la grande distribution automobile, et là, contrairement au consommateur qui peut ne pas être suffisamment informé, il est difficile de croire à la naïveté du distributeur ; soit les distributeurs de pièces de contrefaçon viennent directement dans nos réseaux pour faire des offres.
J.A. : Comment réagissez-vous ?
D. Le V. : En premier lieu, il faut être vigilant, avoir les yeux grands ouverts et ce dans l'intérêt du système en général car il s'agit d'une véritable concurrence déloyale. Nous n'agissons donc pas uniquement dans notre propre intérêt, mais aussi dans celui de toute la filière automobile et dans celui du consommateur. Lorsque nous avons connaissance de l'existence de pièces de contrefaçon, nous envoyons un huissier, nous faisons saisir les stocks et nous poursuivons le distributeur. Cela arrive plusieurs fois par an, et plus souvent qu'on ne le pense. Les actions en justice sont souvent très longues, mais lorsque le dossier est bien monté, elles aboutissent à la condamnation du distributeur.
J.A. : Que pensez-vous de la campagne d'information lancée par le gouvernement ?
D. Le V. : C'est une bonne chose car, dans le business comme dans le privé, on peut parfois se laisser tenter de bonne foi par une pièce de contrefaçon en pensant que cela ne fera pas grand mal. Cette campagne de sensibilisation est donc importante. D'autant plus que, dans l'air du temps du nouveau règlement européen d'exemption, certains acteurs s'imaginent qu'un grand vent de liberté a soufflé sur la pièce de rechange. C'est vrai, néanmoins certains fondamentaux demeurent. Il est important de rappeler que la lutte contre la contrefaçon est complètement indépendante du règlement d'exemption, cette campagne est donc de bon ton dans ce contexte.
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