Matra Automobile n’est plus qu’un souvenir
...négligeable des quelque 4 300 lots n'ayant pas trouvé preneur, ils feront l'objet d'un appel d'offre dans les semaines qui viennent.
Afin d'acquérir une table de convoyage motorisée à galets avec retaquage, un générateur de soudure de goujons avec trieur, un filtre gravitaire inox avec séparateur magnétique, un trancheur à jambons inox, un palan pneumatique à chaîne avec chemin de roulement ou bien encore un lot de huit postes de travail avec ses meubles, il fallait se rendre les 3 et 4 décembre à Romorantin, dans le Loir-et-Cher. Au sein de la salle polyvalente de la ville s'est tenue la vente aux enchères du matériel de production des usines de Matra Automobile. Dernier et poignant acte d'une bien belle aventure industrielle. Assis sur les chaises de plastique orange de la municipalité, se trouvaient beaucoup d'ex-salariés, licenciés il y a quelques mois, et peu d'acheteurs. Une nostalgie mâtinée de tristesse mais aussi de colère se lisait sur les visages des anciens "matraciens", comme ils se dénomment eux-mêmes. Sous leurs yeux et sous les coups de marteau du commissaire-priseur s'envolaient les machines qui ont forgé leur quotidien durant des années.
A l'extérieur de la salle, le temps d'une cigarette, quelques ex-salariés se sont épanchés. "Le matériel est bradé. Une machine d'une valeur de 40 000 euros est partie à moins de 6 000 euros. C'est une issue bien triste", a lancé l'un d'eux. Leur amertume s'explique surtout par l'injustice dont ils s'estiment être les victimes. "La fin de Matra Automobile est un véritable sabotage économique. Si des efforts avaient été faits, l'Avantime aurait pu bien se vendre et nos emplois auraient été sauvés. Dans la région, le marché de l'emploi est en crise. Sur les plus de 2 000 matraciens licenciés, seuls quelques-uns ont retrouvé un poste", a lâché, dans un soupir, Jean-Luc Couard qui a passé 31 années de sa vie sur les chaînes d'assemblage de Matra.
Deux millions d'euros
Le groupe Lagardère, toujours propriétaire de Matra Automobile, espérait récolter près de 5 millions d'euros de cette opération. Selon la société Roux Troostwijk, organisatrice de la vente, cette dernière aura rapporté moins de deux millions d'euros. Certes, beaucoup des quelque 4 300 lots n'ont pas trouvé preneur et devraient faire l'objet d'appels d'offres dans un délai d'un mois. Les acheteurs présents dans la salle venaient de secteurs industriels divers, certains robots étant en effet génériques et pas exclusivement dédiés à l'industrie automobile. Via Internet, des acheteurs étrangers, notamment turques et indiens, ont également participé aux enchères.
Deux groupes chinois, qui auraient en projet l'assemblage en Chine d'un monospace à bas prix, avaient fait une offre de 4,5 millions d'euros pour le rachat de l'ensemble des process et des lignes de production. Mais ils n'ont pas fourni dans les temps de garanties bancaires. Les enchères provisoires se sont donc vues confirmées. "Les différents éléments ont été vendus séparément. Si des process dans leur ensemble avaient trouvé preneur, la vente aurait rapporté bien plus", analyse Michel Mousset, ingénieur d'affaires de la société Roux Troostwijk.
La fin de la production chez Matra Automobile, intervenue en mai dernier, a entraîné la suppression, par vagues successives, de quelque 2 000 emplois, sans compter la sous-traitance. Le groupe Lagardère avait alors expliqué sa décision de se retirer de l'industrie automobile par l'échec commercial de l'Avantime.
Cyril André
FOCUSUn site en partie vendu A Romorantin, la production de Matra Automobile s'effectuait sur deux sites principaux : Romo 1 et Romo 3. Les cinq hectares de ce dernier site viennent d'être achetés par le groupe Univers Noz qui devrait y implanter une base de logistique avant l'été prochain et y créer 150 emplois. Selon Dominique Malleville, directeur de l'établissement de Romorantin, il ne subsiste qu'un mince espoir que le site de Romo 1, enclavé en centre-ville, soit vendu à un industriel. Il est plus probable que la mairie acquière ces bâtiments, mais l'opération serait alors moins intéressante, d'un point de vue financier, pour Matra. "Une centaine de salariés vont continuer de travailler au département pièces de rechange. Leur avenir n'est pas menacé. Quelques dizaines d'autres, affectés à la maintenance ou aux ressources humaines, resteront en poste jusqu'à l'été 2004", précise Dominique Malleville. "Concernant le projet M 72, nous prendrons une décision dans les mois qui viennent. L'Allemand Weber, qui fabrique les moteurs du M 72, et certains industriels français sont intéressés. Mais l'espoir de vendre l'ensemble du projet est minime", assure-t-il. "Cette vente aux enchères est un déchirement pour tout le monde. Mais il n'était pas possible de vendre un bâtiment avec des process à l'intérieur. Avec un peu de recul, nous pouvons dire qu'avec une production d'une vingtaine d'Avantime par jour, l'entreprise ne pouvait pas vivre. La situation était impossible", conclut-il. |
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