Magna en eaux roubles…
Magna : un nouveau statut presque intenable
Suite aux mises en garde appuyées émises par la direction du groupe Volkswagen, Donald Walker, co-CEO de Magna, a cherché à calmer le jeu et propose de rencontrer son partenaire pour le rassurer. En filigrane, on trouve la volonté de sauver des contrats avec les constructeurs, notamment Audi, BMW, Daimler, Chrysler ou Ford au-delà de GM. Selon José-Maria Alapont, CEO de Federal Mogul, rencontré sur le Salon IAA de Francfort, la situation de Magna est très clairement difficile à tenir en tant qu'équipementier : "Le problème n'est pas financier, mais il touche au respect du schéma concurrentiel. Or sous l'angle de la concurrence, les risques sont énormes ! La direction de Magna va devoir faire attention, plus encore, elle va devoir faire un effort extraordinaire pour garantir son intégrité et son indépendance d'équipementier…". José-Maria Alapont sait d'autant mieux de quoi il retourne qu'il a œuvré chez de grands constructeurs (GM, Ford, Fiat…) et de grands équipementiers (Valeo, Delphi, Federal Mogul).
Intrigues russe et chinoise
Dans ce contexte opaque, la direction de Magna doit encore faire face à deux dossiers problématiques. Primo, l'épineux volet russe qui met en scène des élus allemands par rapport à l'utilisation des aides d'Etat (600 millions des 4,5 milliards d'aides profiteraient directement à la Russie) et bien sûr, GM. Un compromis doit être trouvé entre GM et Opel sur la question du business en Russie et sur l'éventuel partage de la distribution. Rappelons que GM possède des parts dans trois usines russes et que la marque Chevrolet est 2e sur ce marché, après Lada, avec 235 466 ventes en 2008. Ajouté aux 98 800 Opel et Vauxhall immatriculées en 2008, cela portait la part de marché de GM à 11,2 %. Or le marché russe, en dépit de ses grandes difficultés actuelles, est capital pour l'avenir d'Opel. Le rôle de Sberbank sera névralgique car comme l'indiquait Ferdinand Dudenhöffer, directeur du centre d'études automobiles de l'Université de Duisbourg-Essen, sur le site du New-York Times, il va falloir composer : "La Russie est un marché encore très protectionniste avec un Etat omniprésent. Et c'est toujours une très bonne chose de ne pas prendre les russes par surprise…". Avant d'ajouter qu'Opel pouvait tabler, en estimation haute, sur 750 000 ventes en Russie en 2015, soit environ 15 % de parts de marché. Mais alors que la transaction n'est pas encore effective, Sberbank annonce qu'elle pourrait revendre sa participation dans Opel à une autre banque, contrôlée par l'Etat russe, si elle ne parvenait pas à nouer un partenariat industriel avec un constructeur local. Nombreux sont ceux à voir en Sberbank, l'opportunité pour la Russie, de s'approprier des technologies occidentales dans le but de rendre ses propres constructeurs plus compétitifs. "Si nous avions des difficultés à trouver un partenaire industriel, l'une des solutions envisagées serait de vendre nos parts à la banque VEB" a en effet confié German Gref, le pdg de Sberbank, dans une interview à Reuters, précisant au passage que rien, dans l'accord avec Magna, ne lui interdisait de céder ses parts. VEB est précisément connue en Russie comme une banque de développement finançant les projets économiques clés du gouvernement.
Par ailleurs, la rumeur sur l'arrivée d'un partenaire chinois ne cesse d'enfler. Dernière hypothèse en date : Geely. Donald Walker fait mine de ne rien savoir et laisse le poker menteur se poursuivre. Pour information, Goldman Sachs vient d'investir 334 millions de $US dans Geely, ce qui, au-delà d'Opel, relance aussi la piste Volvo ! Au final, selon l'avis de plusieurs dirigeants rencontrés à Francfort, le feuilleton Magna-Opel va encore se poursuivre : "On a dit que c'était la fin, alors que ce n'est sans doute que le début…"
Photo : L'incertitude sur l'identité du repreneur levée, c'est désormais sur le dessein de l'équipementier et de la banque russe qu'apparaissent les doutes.
Alexandre Guillet, David Paques
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