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Constructeurs

Les critères sélectifs : comment les fixer et les faire évoluer ?

Publié le 12 mai 2006

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Depuis l'entrée en vigueur du règlement 1400/2002, les constructeurs encadrent l'organisation et le fonctionnement de leurs réseaux par des critères qui conditionnent l'agrément et l'accès à une part substantielle de la rémunération. Christian Bourgeon, avocat du CNPA, répond à deux questions...
Depuis l'entrée en vigueur du règlement 1400/2002, les constructeurs encadrent l'organisation et le fonctionnement de leurs réseaux par des critères qui conditionnent l'agrément et l'accès à une part substantielle de la rémunération. Christian Bourgeon, avocat du CNPA, répond à deux questions...

...: les constructeurs sont-ils totalement libres dans la définition de ces critères de sélection et peuvent-ils les faire évoluer comme bon leur semblent ?


Les constructeurs disposent-ils d'une liberté totale pour déterminer les critères qualitatifs ? Les critères font partie de la politique commerciale d'une marque, puisqu'ils sont déterminants pour l'image et la qualité de service qu'elle entend offrir à sa clientèle. De ce fait, les constructeurs disposent d'une grande liberté dans leur définition. Cette liberté reconnaît néanmoins deux limites.

Ne pas fixer de critères trop élevés constituant des barrières à l'entrée injustifiées

La première tient au fait que, sur un plan général au regard du droit de la concurrence, les critères qualitatifs requis dans le cadre d'un système sélectif doivent être "nécessaires" à une bonne distribution des produits concernés. Pas question donc pour le fournisseur de fixer des critères excessivement élevés constituant des barrières à l'entrée injustifiées. Dans le secteur automobile, cette première exigence est particulièrement perceptible dans le domaine de l'après-vente. Le bénéfice de l'exemption supposant l'adoption de systèmes de distribution purement qualitatifs, la Commission veille à ce que les critères requis des réparateurs agréés ne soient pas disproportionnés et n'aboutissent pas, en fait, à une limitation quantitative des opérateurs. Ceci l'a notamment récemment conduite à demander à GM et BMW de limiter leurs exigences quant à l'importance des effectifs ou au nombre des stations de travail requis pour accéder au réseau après-vente de leur marque.

Ne pas créer de freins au multimarquisme

La deuxième limite qui s'impose spécifiquement aux constructeurs automobiles, découle de la volonté de la Commission d'ouvrir la vente comme la réparation au multimarquisme. A titre d'exemple, le nombre de véhicules d'exposition exigés par BMW de ses distributeurs n'a été validé que parce que ce nombre est apparu, d'une part limité par rapport à l'ampleur de la gamme et que les vérifications faites sur le terrain ont montré, d'autre part, que les surfaces requises pour respecter ce critère laissaient des mètres carrés disponibles pour l'exposition de véhicules neufs d'autres marques chez la majorité des distributeurs composant le réseau BMW au plan européen.

Comment les critères de sélection peuvent-ils évoluer ?

Il faut en la matière concilier des préoccupations contradictoires : celle du fournisseur qui peut légitimement avoir besoin de faire évoluer les critères qualitatifs dans le temps, en parallèle de sa politique commerciale ; celle du distributeur qui entend, tout aussi légitimement, qu'une telle évolution ne se fasse pas à son désavantage et en lui imposant des charges nouvelles modifiant l'équilibre économique initial du contrat. Dans la majorité des réseaux où une négociation a pu avoir lieu sur les contrats-type 1400/2002, deux mécanismes propres à concilier les intérêts en cause ont été définis :
- l'évolution des critères n'est possible que si elle est objectivement justifiée (lancement d'un nouveau modèle par exemple)
- un préavis, proportionnel à l'importance de l'investissement requis pour s'adapter aux nouveaux critères, doit être respecté ; d'une manière générale, ce préavis varie de 6 mois (pour les investissements les plus légers) à 2 ans (pour les investissements plus lourds).
Si aucune clause contractuelle ne prévoit la modification des critères, le constructeur ne peut les modifier qu'en obtenant l'accord de ses distributeurs ou réparateurs. Les critères sont en effet un élément essentiel des contrats puisque leur respect conditionne l'appartenance au réseau. Le distributeur ne peut donc les modifier à sa guise. S'il ne parvient pas à obtenir l'accord de son réseau, la seule solution qui lui soit ouverte est de résilier tous les contrats avec préavis de 2 ans. Le recours à un préavis d'un an ne paraît pas possible en pareil cas, puisqu'il ne s'agit pas de modifier la structure même du réseau, mais seulement un aspect de son fonctionnement.
Si, à l'inverse, le contrat comporte une clause autorisant le constructeur à modifier discrétionnairement les critères, ceci n'exclut pas la possibilité de recourir au tiers expert ou éventuellement au Juge pour qu'il soit statué sur la légitimité de la modification envisagée. En effet, si le fournisseur est en droit, de manière générale, de faire évoluer ses critères qualitatifs, ceci n'exclut pas le contrôle de modifications présentant un caractère anticoncurrentiel (aboutissant par exemple à une exigence disproportionnée bloquant le multimarquisme) ou constituant un abus de puissance de vente, déséquilibrant le contrat, réprimé à l'article L-442-1-6 du Nouveau Code de Commerce.


Christian Bourgeon


 






ZOOM

Que faut-il penser de l'ISC ?


L'amélioration de la satisfaction de la clientèle est un impératif pour toutes les marques comme pour les réseaux. Il est donc parfaitement logique de s'attacher à mesurer cette satisfaction et d'en faire un critère qualitatif. Cependant, trois conditions minimales doivent être respectées pour éviter de tomber dans un mécanisme qui ménagerait aux constructeurs un pouvoir plus ou moins discrétionnaire de contrôler une partie de la rémunération de leurs réseaux.


  • L'échantillon des clients interrogés doit être représentatif au sens statistique du terme ; aussi bien donc en nombre qu'en type de client.

  • Le distributeur doit avoir accès aux questionnaires sur la base desquels il est noté. Cette transparence est d'ailleurs conforme à la logique même du système. On ne peut s'améliorer sans savoir précisément pourquoi on n'a pas donné satisfaction.

  • La satisfaction clientèle doit être rémunérée en fonction d'une note en valeur absolue et non en fonction d'un classement. Un tel système ne se conçoit en effet que si l'objectif est d'amener le plus grand nombre possible de distributeurs ou de réparateurs à un niveau déterminé de satisfaction de la clientèle. Il n'a pas de sens s'il s'agit de répartir un élément de la rémunération dans la limite d'une enveloppe prédéterminée par le constructeur.
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