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Constructeurs

Leçon de multimarquisme

Publié le 28 avril 2006

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Quand une marque rouge doit faire place pour accueillir une marque bleue… ou comment la concentration aboutit au phénomène contraire à l'objectif, favoriser le multimarquisme. Pour changer, partons d'une situation "micro", concernant un concessionnaire opérant dans...

...une grande ville. Les faits sont authentiques et récents (mars/avril). Ils se sont déroulés dans une grande ville européenne. Les marques impliquées sont des généralistes européens de premier plan. Pour ne faire de tort à personne, nous utiliserons ici les termes "bleu" et "rouge" pour désigner les constructeurs concernés, comme le font les militaires pour désigner les antagonistes lors des manœuvres… ce qui ne veut pas dire que le bleu et le rouge sont les couleurs des marques concernées, ou même l'inverse.

Les faits

Le marché toutes marques de la ville est supérieur à 100 000 unités. La marque rouge est une marque importée très affirmée et ceci depuis des décennies. Au fil des ans, le constructeur rouge a pratiqué une politique de regroupement de ses concessions : il y en avait une dizaine sur la ville, il n'y en a plus que deux ou trois aujourd'hui. L'une d'entre elles s'est vu octroyer environ 40 % du territoire et dispose de plusieurs lieux de vente et ateliers disséminés sur sa zone, non exclusive, bien entendu. Le concessionnaire est un fidèle de la marque rouge depuis très longtemps : il a toujours refusé d'autres mandats, alors même que ses qualités professionnelles bien connues ont amené de nombreux constructeurs à lui proposer de les représenter. Mais la faiblesse du marché et la chute des volumes de la marque rouge l'ont amené à changer d'avis, lorsque la marque bleue est venue lui faire une proposition très intéressante. Disons tout d'abord que la marque bleue vend depuis toujours nettement plus de voitures que la rouge, et que son parc offre des perspectives inégalables pour l'après-vente. Surtout, la marque bleue a proposé que la vente et l'après-vente soient localisées dans des locaux où le concessionnaire représente déjà la marque rouge. C'est le constructeur bleu qui a proposé le multimarquisme le plus avantageux qui soit. Le concessionnaire a accepté et une de ses affaires rouges va devenir bicolore. Informé, le constructeur rouge n'a pas apprécié. On le comprend, mais il n'a pas le choix.

La leçon

Voyant la rentabilité et peut-être, même, la pérennité de son affaire menacées par la mévente, le concessionnaire a fait ce qu'il devait faire, au moment où une opportunité s'est présentée à lui. On ne saurait l'en blâmer : le bon sens et le sens des affaires soufflaient dans la même direction, il se devait de les suivre. Le constructeur bleu, dont on ignore les motivations, a sans doute, lui aussi, agi selon son intérêt. Cette convergence d'intérêt entre distributeur rouge et fournisseur bleu a, entre autres, l'avantage d'aller dans le sens du règlement européen, qui prône un surcroît de concurrence, au profit des consommateurs. Et le constructeur rouge, qui n'a rien vu venir ? Il aura sans aucun doute, si nous le connaissons bien, la sagesse de tirer profit de sa mésaventure en forme de boomerang. En voulant se prémunir contre la concurrence intra marque et en réduisant le nombre des concessionnaires, il a favorisé un concurrent plus lourd que lui, qui ne manquera pas d'étendre son influence sur l'ensemble des affaires du concessionnaire concerné. Celui-ci, connu sur la ville pour y représenter depuis toujours la marque rouge, est capable de répliquer à toute mesure de rétorsion grâce à son nouveau partenaire, capable de supplanter progressivement la marque précédente. En outre, en cas de difficulté avec son premier fournisseur le concessionnaire pourra s'adresser ailleurs, par exemple à un collègue voisin ou installé dans un autre pays. Il faut donc que le rouge accepte la cohabitation multimarque et apprenne à la gérer, aussi vite que possible, à son avantage. Telle est la vraie leçon que l'on peut tirer de ce cas. Mais il faut s'empresser d'ajouter qu'elle vaut pour tout le monde. Il est en effet certain que des cas de figure analogues, concernant d'autres constructeurs ou les mêmes, se multiplieront dans un avenir désormais proche. Le vieux système est en train de vivre des jours difficiles et il n'est pas loisible d'en attendre de meilleurs.


Ernest Ferrari, consultant


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sur le site ernestferrarifirst. com

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