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Constructeurs

L’automobile, un secteur en crise

Publié le 7 avril 2006

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
Entre 2004 et 2005, la rentabilité du secteur automobile s'est dégradée de 40 %, principalement à cause des constructeurs américains. Les européens s'en sortent encore, malgré des coûts de fabrication élevés et une demande qui stagne. En revanche, les sous-traitants français sont dans la tourmente. Réaliser...
Entre 2004 et 2005, la rentabilité du secteur automobile s'est dégradée de 40 %, principalement à cause des constructeurs américains. Les européens s'en sortent encore, malgré des coûts de fabrication élevés et une demande qui stagne. En revanche, les sous-traitants français sont dans la tourmente. Réaliser...

...6 % de marge à l'horizon 2009, voilà qui est ambitieux, Monsieur Ghosn. Car si ce ratio n'a rien d'exceptionnel pour un constructeur japonais, il semble en revanche inaccessible en Europe, "en particulier pour un constructeur généraliste", estiment les analystes d'Euler Hermes*. Depuis 5 ans, la marge opérationnelle des constructeurs européens stagne entre 2 et 4 % alors que celle des japonais dépasse les 7 % depuis 2003. Comment font-ils ? Tout simplement, ils ont bénéficié d'une dépréciation du yen de 40 % face à l'euro en 5 ans. "Cette parité favorable est une arme d'une efficacité redoutable quasiment impossible à contrer par des gains de productivité de la part des constructeurs européens", estime Hubert Lema, arbitre responsable de la branche métallurgie chez Euler Hermes. Les japonais bénéficient en outre d'une structure financière solide avec un endettement très maîtrisé : leurs dettes brutes représentent moins de 30 % de leur chiffre d'affaires, contre 57 % chez les européens et 120 % chez les américains !

Des constructeurs américains fragilisés

Ces derniers ont affiché des marges opérationnelles correctes jusqu'en 2004 tout en dégageant des résultats nets médiocres, "du fait de réorganisations permanentes et coûteuses". En 2005, leur marge opérationnelle s'effondre de 80 % à la suite de leur politique de ristournes massives venues se greffer sur un dumping sur le financement (taux zéro). Comme en 2001, GM et Ford perdent de l'argent et affichent des pertes nettes équivalant à 2,3 % de leur chiffre d'affaires. Naturellement, la crise s'étend à leurs équipementiers qui subissent une pression sur les prix de plus en plus forte, aggravée par la hausse du coût des matières premières. Delphi, Dana, Collin & Aikman et Tower Automotive n'ont pas supporté cette pression et ont déposé leur bilan. Les autres, Visteon, Lear, Johnson Controls et TRW, affichent des pertes depuis 2003 (- 0,9 % de leur CA en 2005). Néanmoins, rassurent les analystes d'Euler Hermes, "si Visteon devrait continuer de perdre de l'argent, les autres, dont Lear qui a annoncé des pertes exceptionnelles en 2005, sont structurellement rentables". Le consensus des analystes table d'ailleurs sur un retour à la rentabilité (1,2 % du CA en moyenne) en 2006, hors charges exceptionnelles. Mais les plus fragiles resteront sur le carreau : "En 2006, nous prévoyons au niveau mondial plus de 40 défaillances d'équipementiers contre 25 en 2005", prévient Yann Lacroix, responsable du secteur automobile chez Euler Hermes, qui rappelle qu'il existe une surcapacité mondiale de 2 millions de véhicules.

Des européens qui subissent un coût salarial élevé

Il n'est pas exclu que les équipementiers européens soient touchés. Comme les constructeurs, ils subissent cet euro fort qui pèse sur leurs coûts salariaux : identique à celui des Etats-Unis en 2000, le coût salarial horaire dans la zone euro s'est accru de 16 % en 5 ans, passant à 25,2 euros, quand il baissait de 12,6 % aux Etats-Unis, à 18,7 euros. En France, la situation est encore plus grave : le coût salarial a dépassé en 2005 celui de l'Allemagne (28,5 euros contre 27,6). La délocalisation dans des pays comme la Roumanie (2,1 euros) paraît incontournable, en particulier, si le transport est payé au même tarif.
Les constructeurs français ont "surperformé" jusqu'en 2004, grâce à leurs bons résultats commerciaux, mais aujourd'hui, alors que Volkswagen, DaimlerChrysler et Fiat ont bien entamé leur restructuration et reviennent en force, les français semblent dans le creux de la vague. Les équipementiers hexagonaux (Valeo, Faurecia et Plastic Omnium) voient leur chiffre d'affaires continuer à progresser mais ils n'ont pas gagné d'argent en 2005. "Heureusement, souligne Yann Lacroix, ils sont moins généralistes que les américains, ils peuvent donc négocier au juste prix leurs spécialités". Néanmoins, avec, d'un côté, PSA qui prévoit une baisse de ses coûts de 600 millions d'euros chaque année et de l'autre, Renault, qui vise une baisse de 14 % de ses coûts d'ici 2009, la situation n'est pas prête de s'arranger pour les fournisseurs qui subissent le surcoût des matières premières. Les premiers touchés sont les sous-traitants des équipementiers de rang 1. Pressurisé, le secteur de la sous-traitance, composé essentiellement de PME en France, devrait, selon les estimations d'Euler Hermes, voir sa marge d'exploitation devenir négative en 2006 (- 0,8 %), alors que le chiffre d'affaires du secteur, en baisse de 2 % en 2005, devrait continuer de se dégrader en 2006 (- 2,3 %), du fait de la baisse de production des constructeurs
(- 10,7 % sur le dernier trimestre 2005) et de la délocalisation rampante. Les plus touchés sont les décolleteurs avec, en 2005, une baisse de 6 % de leur activité et de 4 % de leur marge d'exploitation, baisse qui devrait se poursuivre à ce rythme en 2006.


Xavier Champagne


*Spécialiste de l'assurance-crédit et de la caution, Euler Hermes garantit plus de 600 milliards d'euros de transactions dans le monde dont 190 milliards en France. A ce titre, il dispose d'experts économiques (350 rien que pour la France) qui réalisent une veille permanente des secteurs où il intervient.


 

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