L’Automobile aux Champs-Elysées : du showroom au magasin conceptuel
...est présente à chaque coin de rue. Non, cet article ne concerne pas ces goujats qui stationnent sauvagement en double file. Il s'agit des vitrines offertes à la vue des passants aux Champs-Elysées. 330 000 personnes se baladent chaque jour sur l'avenue des Champs-Elysées qui n'est donc pas pour rien la plus chère d'Europe. Ce n'est peut-être pas la plus belle du monde, mais c'est sans aucun doute une des plus célèbres. Cinq marques automobiles y sont représentées : Citroën, Renault, Peugeot, Toyota et Mercedes.
Pour Benoist Degastine, responsable de Peugeot Avenue, "l'avenue des Champs-Elysées est mythique. Un provincial ou un étranger n'imagine pas venir à Paris sans y passer". Bruno Grimaldi, directeur de l'atelier Renault constate le prestige de l'endroit mais estime plus encore son attractivité populaire : "Quand la France a gagné la Coupe du monde en 98, c'est ici que les gens se sont rassemblés, spontanément".
Un endroit aussi magique et international est donc une vitrine idéale pour une marque automobile. Mais si les relations publiques sont bien une des missions de l'endroit, ne croyez pas que ce soit tous les jours cigarettes (prohibées dans les lieux publics), whiskies (à consommer avec modération) et petites pépés (encore que là…). D'ailleurs, tous ces sites sont très régulièrement soumis à des enquêtes de satisfaction et de fréquentation. Nos interlocuteurs sont formels : travailler pour les touristes n'implique pas se comporter en tant que tel.
Renault depuis 1910 aux Champs
Renault a été la première marque à s'installer aux Champs-Elysées en 1910. C'est Louis Renault lui-même, qui achète la première partie du site. En 1913, il acquiert le bâtiment attenant, ce qui lui permet de réaliser un site d'exposition et de vente très luxueux. A l'époque, il y a encore des jardins derrière les hôtels particuliers qui longent l'avenue, mais bientôt Renault y fera construire deux immeubles de bureaux. Sur le toit se trouve une villa de fonction du P-dg de Renault, essentiellement destinée aux réceptions, mais aussi une salle de conseil bis visant à protéger le conseil d'administration de trop d'agitation sociale. C'est dans les années 60, inspiré par la mode américaine que Renault commencera à proposer une formule avec restauration, sorte de drugstore exploité par Publicis. L'endroit devient populaire, tout le monde parle du pub Renault et finalement l'appellation reste pendant 35 ans. Sur place on continue à vendre des voitures. Douze vendeurs et quatre hôtesses commerciales y travaillent, la Diac est là pour répondre aux problèmes de financement. Chaque année, on y vend entre 1 500 à 2 000 voitures. En 1986, Renault perd - beaucoup - d'argent et vend les bâtiments. Renault n'est plus que locataire. Quelques rénovations auront bien lieu, mais globalement le concept restera le même jusqu'en 1999.
Un atelier tendance et conceptuel
A la fin des années 90, Renault commence à avoir d'autres envies. L'Atelier Renault est inauguré le 8 novembre 2000, il est intégré à la direction commerciale et Renault signe "créateur d'automobiles" à partir du 9 novembre. Pour Bruno Grimaldi, directeur très attentif de l'atelier depuis deux ans, la présence de Renault sur les Champs-Elysées est à la fois légitime et historique. "Elle cadre avec les ambitions du groupe. L'Atelier en est la vitrine et l'image pour des millions de personnes. Notre objectif, explique-t-il, est de travailler une relation chaleureuse et personnelle avec le visiteur". Les hôtesses reçoivent des formations sur les produits et deux vendeurs délégués par des sites commerciaux sont présents. Et si environ 150 ventes continuent d'être réalisées chaque année par les Champs-Elysées, c'est un peu par snobisme : le petit macaron apposé à l'arrière des voitures est très prisé. L'objectif de l'atelier est de favoriser les ventes, mais pas spécialement de les réaliser, c'est avant tout un levier d'image pour Renault. En moyenne, 7 500 personnes entrent chez Renault chaque jour, soit en une année, 2,6 millions de badauds (dont 25 % d'étrangers). 114 personnes travaillent sur le site qui est ouvert 15 heures par jour. Quatre à cinq expositions sont organisées tous les ans. Des bornes Internet donnant accès aux sites internationaux de Renault, et des journaux français ou étrangers sont mis à disposition des visiteurs. En été, 10 000 personnes passent quotidiennement dont 40 % d'étrangers. La carte du restaurant est alors présentée en cinq langues.
Le 24 décembre 2004, 31 000 passants étaient venus découvrir l'ambiance de Noël chez Renault. C'est ce thème qui est le plus générateur de trafic. Bruno Grimaldi n'hésite d'ailleurs pas à dire qu'il souhaite être la vitrine de Noël de référence de l'avenue. Il constate que ses voisins Häagen-Dazs et la Maison de l'Alsace lui ont cette année emboîté le pas. Le succès précédent a renforcé les ambitions de Renault qui a décuplé ses moyens. La nouvelle exposition organisée sur le rêve de Noël a démarré le 12 novembre 2005 et durera jusqu'au 22 janvier (contre le 3 janvier en 2005). 25 000 ballons à l'hélium représentant le Kangoo du père Noël et 115 000 cartes postales vont être distribuées. Pendant les vacances scolaires, trois pères Noël (à belle barbe !) se sont relayés pour être pris en photo avec les enfants.
Une vitrine à l'impact très surveillé
La qualité de prestation de l'Atelier Renault est très suivie. Tous les mois, des visiteurs mystères viennent contrôler la qualité de l'accueil, la propreté et le niveau du restaurant. Chaque exposition est notée au moyen de 160 interviews de 15 à 20 minutes. Les résultats sont présentés dans une synthèse de 50 pages lues avec une très grande attention.
Combien coûte l'Atelier Renault ? Pas de réponse à cette question mais une indication : un an de fonctionnement coûte moins cher que la présence du constructeur au Mondial. L'endroit est apprécié par la direction de la communication et les concessionnaires pour recevoir. Des séminaires peuvent être organisés sur place comme une grande soirée privée. Des soirées "people" sont évidemment parfois organisées. Le personnel du groupe aime aussi venir déjeuner ou dîner en famille et obtient une réduction de 10 % en présentant son badge. La carte, très tendance, est revue deux fois par an. Elle est visée, mais, chut, c'est un secret, par un - très - grand chef. Le restaurant, comme un vrai, connaît d'ailleurs ses habitués.
Plus sérieux : la Logan exposée en avant-première en 2004 s'est révélée tout de suite comme une énorme source d'attraction. Les gens attendaient sur le trottoir avant l'ouverture des portes. Cela a même été le cas du ministre des Affaires Etrangères roumain et de son ambassadeur en France. Fier de savoir la Logan, considérée par les Roumains comme un produit national, sur les Champs-Elysées, le ministre souhaitait la voir de ses propres yeux et est arrivé sans plus de tralala. Les journalistes roumains ont réclamé des photos et l'Atelier Renault a encore amélioré sa notoriété.
Cette année, une nouvelle zone présentant les nuances de couleur de carrosserie et des échantillons de garnissage intérieur des voitures va être créée. En mars prochain, une vraie boutique verra également le jour. Au départ, le merchandising ne faisait pas partie du concept de l'Atelier Renault mais la demande existe. Quatre thèmes d'exposition vont se succéder : 28 ans de présence en F1, harmonie des sens (avec une voiture qui se mange !), la collection d'art moderne de Renault et pour Noël la petite voiture et l'enfant. Dans cinq ans seulement, Renault fêtera ses 100 ans sur l'Avenue.
Renouveau de Citroën
En face, au 42 des Champs-Elysées, Citroën transforme son site. Le bâtiment avait été acheté en 1928 par André Citroën pour en faire une vitrine de prestige et revu par l'architecte maison nommé Ravazé. Après avoir suivi quelques transformations, c'est le restaurant Hippopotamus qui s'était installé pendant 20 ans, de 1984 à 2004, avec des véhicules Citroën restant au rez-de-chaussée. L'endroit avait vieilli et l'accord arrivant à son terme, Citroën a décidé de réinvestir pleinement l'endroit. Spectaculaire, la façade est composée de verre et d'acier. Dans la nuit du 29 au 30 novembre, les chevrons du logo Citroën ont été posés. Chaque bloc de verre pèse 5 tonnes pour 11 mètres de haut et 8,5 m de large. Ils sont légèrement teintés de bleu de façon à être visibles de jour comme de nuit. Manuella Gautrand, architecte, a remporté le concours parmi six autres prestigieux confrères. Etroit et peu profond, (sa capacité est de 300 personnes) le bâtiment se prête bien à l'idée de la colonne de voitures. Huit modèles différents placés sur plateau tournant seront présentés, retraçant l'évolution des modèles Citroën de la traction à la C6 en passant par la DS, la XM, jusqu'au dernier concept-car. A l'intérieur, un atrium en spirale permettra de faire le tour. Plus de restauration cette fois, mais plutôt un magnifique showroom et un lieu de culture autour de la marque et de son histoire. Au programme : des informations commerciales, des livres sur la marque et des produits dérivés. Au sous-sol, un écran vidéo géant et d'autres, plus petits diffuseront des films sur la marque. La fin des travaux est prévue pour octobre 2006. En attendant, une grande banderole rouge marquée Citroën et des panneaux explicatifs s'avançant sur le trottoir signalent l'endroit.
Shopping tendance chez Peugeot Avenue
Un peu plus haut, sur l'Avenue cette fois, c'est Peugeot qui s'est installé en 1967 sur les Champs-Elysées. Mais ce n'est qu'en 1984 que Peugeot arrive au numéro 136, dans l'ancien siège de Chrysler. En 2000, le showroom disparaît au profit d'un lieu d'image. Un autre centre a été créé en Allemagne, à Berlin, à l'angle de l'Unter den Linden et la Friedrich Strasse. Mais Peugeot projette d'en créer 10 de par le monde. Sur les Champs-Elysées, Peugeot est maintenant locataire de ses 299 m2 et 50 personnes y travaillent. Benoist Degastine, responsable de Peugeot Avenue, explique l'endroit comme un magazine consacré à Peugeot. Le visiteur en feuillette les pages : historique de la marque, aventure industrielle, passé, présent et futur de l'automobile au travers des véhicules exposés, culture avec les livres, sites Internet du groupe et pour terminer… shopping. En 2004 et 2005, Peugeot Avenue aura accueilli 3,5 millions de personnes entre 9 à 11 minutes soit environ 10 000 par jour. Les badauds sont pour moitié étrangers, issus à 55 % d'Europe, à 22 % d'Amérique, à 17 % d'Asie (dont 50 % de Japonais), le reste provenant d'Afrique et d'Australie. "Dans les français, explique Benoist Degastine, 60 % des visiteurs viennent d'Ile-de-France. Certains viennent en touristes, d'autres davantage pour se renseigner sur un modèle, pour l'achat nous les dirigeons toujours vers le réseau". Un samedi de décembre, période très chargée de l'année, Peugeot Avenue peut accueillir jusqu'à 21 500 personnes… Les voitures sont volontairement accessibles, aucune barrière ne les entoure. Des agents de sécurité sont là pour les défendre gentiment et faire en sorte que le Musée de Sochaux les récupère en bon état. Peugeot Avenue dépend de la direction commerciale France. Des événements y sont régulièrement organisés avec par exemple, la Fédération française de rugby ou le comité Miss France. En février prochain, la nouvelle Miss recevra sa 307 CC. L'équivalent japonais de l'Ecole des Mines y a fait un tour récemment. L'endroit est très animé ! Cinq expositions sont organisées par an en cherchant toujours à mettre en avant une valeur de la marque. Cette année pour "Noël Omatic", des calicots représentant un père Noël robot décorent l'espace. La Tulip, l'e-doll, la 1007, la Proxima et Taxi 3 sont présentées jusqu'au 22 janvier. La X-Box 360 a été présentée en avant-première ici.
Au fond du magasin, se trouve une boutique très bien approvisionnée et très courue. "Pour 100 visiteurs, cinq objets sont en moyenne vendus", constate Benoist Degastine. Très éclectique, l'offre de Peugeot Avenue tourne autour du thème en cours, du patrimoine de la marque et d'objets design chassés par les acheteurs du Conran Shop. De la voiture miniature à 2 euros, en passant par le tee-shirt de l'exposition, le guide Peugeot, les boutons de manchettes, la mini-tablette de chocolat, les jeux de voyage, les beaux livres, les compilations musicales et une lampe de Philippe Starck, c'est un inventaire presque à la Prévert mais toujours très design. Le célèbre et historique moulin à poivre, au mécanisme garanti à vie, y est également vendu sous toutes ses formes et dans toutes les tailles. Selon le baromètre en cours, 95 % des visiteurs se disent satisfaits de leur visite dont 50 % très satisfaits. Pour définir cet indice, 300 visiteurs sont interrogés dont la moitié d'étrangers. "Le lieu a acquis une notoriété, dit Benoist Degastine. Nous sommes impressionnés, parce que 50 % des touristes japonais avaient entendu parler de l'endroit avant de venir. Il arrive aussi que des gens viennent après avoir reçu deux cadeaux de Noël identiques et demandent à les échanger". La prochaine exposition portera sur le thème de la manufacture et mettra en valeur des notions comme la robustesse par exemple.
L'Etoile aux Champs
Sur le même trottoir, pair, celui qui draine 75 % de la fréquentation des Champs-Elysées, quelques numéros plus haut au 118 se trouve la boutique Mercedes-Benz. La présence du constructeur y est très ancienne puisqu'elle date de 1913. Elle aura aussi connu les vicissitudes de l'histoire. Après la Première Guerre mondiale, le magasin s'est installé au numéro 138 pendant quinze ans puis a fermé ses portes. C'est ensuite le 30 décembre 1980 que Mercedes retrouve les Champs-Elysées. "C'est une vitrine internationale pour la marque, principalement dédiée à un public étranger et qui dépasse la vocation de DaimlerChrysler France", explique-t-on chez Mercedes France qui estime à 80 % la proportion de touristes, essentiellement étrangers, chez les visiteurs.
"L'espace de l'avenue des Champs-Elysées a pour objectif principal de faire connaître la marque. C'est un vecteur essentiel dans Paris intra muros de l'image de la marque. Outre ce rôle, cet établissement a également une vocation commerciale au travers des ventes de véhicules, ainsi que par la vente d'objets dérivés (Boutique Mercedes-Benz)". Le constructeur allemand dénombre en moyenne 5 000 visiteurs les jours de semaine et 10 000 pour le week-end. Les curieux s'intéressent en premier lieu aux informations sur les nouveautés produit et la marque. Viennent ensuite les achats à la boutique Mercedes-Benz, puis l'achat de véhicules. 80 % des ventes effectuées sur le site sont des ventes diplomates et à l'export. L'endroit a connu ses derniers aménagements en novembre dernier.
Toyota expose son avenir et sa technologie
Dernier arrivé aux Champs-Elysées, au numéro 79, Toyota s'explique : "Paris est une des villes les plus touristiques au monde avec les Champs-Elysées. Elle s'impose naturellement pour y construire son showroom. Avec 180 millions de visiteurs par an sur la plus célèbre des avenues, l'assurance d'une visibilité maximale est acquise et contribue à la notoriété de la marque. Par ailleurs, l'environnement du lieu s'inscrit parfaitement dans la stratégie de "qualité supérieure" de la marque." En 2004, 2 500 promeneurs avaient franchi les portes du rendez-vous Toyota. Ce dernier a révisé son showroom selon les prescriptions du designer Ora-Ïto, selon un concept de transparence et de ligne maîtrisée en filiation avec l'art japonais de la calligraphie. Pour le nouveau Rendez-Vous Toyota, réouvert fin octobre 2005, l'objectif était d'atteindre les 3 000 visiteurs par jour. La moyenne atteint actuellement les 4 585.
Cinq zones ont été définies : "Tomorrow", dès l'accueil, se dédie aux concept-cars et à la vision design et technologique de la marque, "today" désigne le lieu d'exposition des modèles actuels de la gamme, "Innovation" se consacre davantage à la technologie, "relax & shop" comme son nom l'indique puis Formule 1 pour les amoureux des sports mécaniques avec la possibilité d'essayer un simulateur F1. Là encore, le showroom s'avère un lieu de communication et de relations publiques. Certains événements clés de la marque sont organisés dans le showroom.
Au printemps et en été, le rendez-vous Toyota est ouvert tous les jours de 10h30 à 24 h, c'est également le cas du vendredi au dimanche en automne et en hiver (sinon la fermeture est à 20 h). De fait, Toyota constate que "la "nouvelle transparence" de l'endroit attire beaucoup de visiteurs la nuit. Beaucoup de photos des véhicules exposés sont prises de l'extérieur du showroom. Peut-être devrait-on considérer d'être ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, pour vraiment satisfaire tous les visiteurs."
A midi ou à minuit, il y a tout ce que vous voulez aux Champs-Elysées…
Nathalie Grangé
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