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Constructeurs

L’aluminium à pas comptés

Publié le 6 février 2004

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Plus léger et tout aussi solide que l'acier, l'aluminium semble avoir toutes les qualités pour répondre à l'un des problèmes les plus sensibles auquel l'industrie automobile est confrontée : l'embonpoint croissant des véhicules. Pourtant, la plupart des constructeurs demeurent prudents face...
Plus léger et tout aussi solide que l'acier, l'aluminium semble avoir toutes les qualités pour répondre à l'un des problèmes les plus sensibles auquel l'industrie automobile est confrontée : l'embonpoint croissant des véhicules. Pourtant, la plupart des constructeurs demeurent prudents face...

...à ce matériau à cause de son principal défaut : son coût.


La deuxième édition du congrès Aluform, organisé par le Cetim et le Cetim-Certec, s'est tenue les 20 et 21 janvier derniers à Paris. Cette année, l'accent s'est spécialement porté sur le marché de l'automobile, secteur particulièrement en vue pour les industriels spécialisés dans l'aluminium. En effet, pendant longtemps, l'un des principaux débouchés pour ce matériau dans les transports se trouvait dans l'industrie aéronautique. Mais, selon les organisateurs de la manifestation, depuis une dizaine d'années, l'automobile est passée devant, de plus en plus de pièces de structure et de pièces mécaniques et électroniques étant réalisées en aluminium. En plus d'être l'un des plus importants débouchés pour ce matériau, l'automobile présente également l'avantage d'avoir encore un réel potentiel de développement dans ce secteur. "Nous devons vendre l'aluminium aux clients et aux fournisseurs plus que nous ne le faisons actuellement, car c'est un matériau encore jeune", lance Dieter Braun, président d'Hydro Aluminium Automotive qui, se faisant promoteur de l'aluminium, décline ensuite toutes les qualités de ce matériau : solide, léger, résistant à la corrosion, bonne conductivité, non inflammable, bonne capacité d'absorption de l'énergie, recyclable et facile à mettre en forme.





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Le Cetim
Le Cetim (Centre technique des industries mécaniques) est une association loi 1948 sous tutelle de l'Etat et fonctionnant grâce aux cotisations des quelque 7 000 entreprises de mécanique françaises. Fonctionnant comme un centre de recherche dans lequel ces entreprises mutualiseraient leur R&D, le Cetim réalise à la fois des travaux de recherche pour l'ensemble de la filière et des prestations plus ciblées pour des entreprises en faisant la requête. Enfin, le Cetim réalise des opérations de promotion des différentes technologies. Le Cetim-Certec est un centre spécialisé dans l'aluminium associé au Cetim.

Principal dilemme de l'industrie automobile : réduire le poids des véhicules tout en augmentant le nombre d'équipements

Autant de qualités que recherchent activement les concepteurs de véhicules dans les matériaux, à la fois chez les constructeurs et chez les équipementiers. Les producteurs d'aluminium lorgnent donc d'un œil avide ce marché qui, ils l'assurent, va forcément utiliser de plus en plus d'aluminium. Principal argument à cela : l'industrie automobile a besoin de réduire le poids des voitures. "Deux tendances coexistent dans l'automobile, fait ainsi remarquer Dieter Braun. On veut réduire le poids mais, en même temps, on veut ajouter de nouveaux équipements qui l'augmentent." Il prend ainsi l'exemple de la Golf de Volkswagen qui, depuis sa première génération dans les années 70, est passée de 780 kg à plus de 1 150 kg aujourd'hui. Plus généralement, le poids des voitures a, depuis 25 ans, augmenté en moyenne de 15 kg par an. Or, la masse influe directement sur la consommation de carburant et sur le niveau des émissions polluantes, deux sujets particulièrement sensibles dans l'industrie automobile. Beaucoup moins lourd que l'acier, mais pourtant aussi solide, l'aluminium semble alors être la solution idéale, même s'il ne constitue pas la seule alternative. "Le principal compétiteur de l'aluminium, c'est le matériau composite à matrice organique", estime ainsi Gérard Dequevauviller, directeur du Cetim-Certec. Très léger également, le composite peut pour certaines applications surpasser l'aluminium. "Mais sa mise en œuvre est très difficile et nécessite beaucoup de main-d'œuvre car elle est difficile à automatiser", nuance-t-il aussitôt avant de renchérir : "De plus, contrairement à l'aluminium, le composite n'est pas facile à recycler."
Les constructeurs ont bien vu les bénéfices qu'ils pouvaient retirer de ce métal et, depuis le début des années 90, la part d'aluminium ne cesse d'augmenter dans les voitures. De 50 kg d'aluminium par véhicule en moyenne en 1990, on est ainsi passé à près de 150 kg aujourd'hui et, selon les acteurs du marché, le niveau se situera entre 200 et 250 kg d'ici 2015, en fonction du type d'utilisation (pour la carrosserie ou simplement pour certaines pièces de châssis ou de moteur). Certains modèles font figure de "bons élèves", le constructeur ayant pris pour parti d'utiliser massivement de l'aluminium. C'est le cas d'Audi, par exemple, l'A8 se composant de pas moins de 546 kg d'aluminium et l'A2 d'environ 258 kg.





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Les principaux marchés de l'aluminium

  • 19 % : le bâtiment
  • 18 % : l'emballage
  • 15 % : l'automobile
  • 15 % : les autres types de transports (avions, camions, trains, bus…)
  • 9 % : les équipements électriques
  • 8 % : l'outillage
  • 8 % : les biens de consommation
  • 8 % : autres
  • Un gain de poids potentiel de l'ordre de 36 % grâce à l'aluminium

    "Nous envisageons une augmentation de l'aluminium dans l'automobile pour le futur", confirme Karl-Heinzvon Zengen, directeur automobile de l'EAA (European Aluminium Association) qui présente par ailleurs une étude démontrant les gains envisageables en termes de poids sur une automobile en fonction de l'utilisation d'aluminium dans sa conception. L'étude a pris en compte les pièces automobiles existantes en aluminium et déterminé le gain de poids réalisé par rapport aux mêmes pièces fabriquées dans d'autres matériaux, le tout sur un véhicule de référence de 1 229 kg. En utilisant de l'aluminium à la place de l'acier sur les grandes fonctions du véhicule (carrosserie, moteur, châssis…) et ce, avec les technologies utilisées actuellement en production de grande série, l'étude montre qu'un gain de poids de l'ordre de 18 % par rapport au poids initial de la voiture est possible. En allant plus loin, c'est-à-dire en utilisant les toutes dernières technologies de mise en forme de l'aluminium, les chercheurs totalisent un gain de poids de 24 % par rapport au poids initial, portant la masse du véhicule à 928 kg. Enfin, en associant des technologies permettant des gains de poids indirects sur le véhicule, mais lui conservant toutes ses performances initiales, tels que des moteurs plus petits, l'étude arrive à 36 % de poids en moins (785 kg).
    Face à des résultats aussi probants, on est alors en droit de se demander pourquoi les constructeurs n'utilisent pas plus d'aluminium. La réponse est assez simple : le coût. Si la réduction de la consommation de carburant et son corollaire, la réduction des émissions polluantes, sont des enjeux vitaux pour l'industrie automobile actuelle, ils sont constamment contrebalancés par un impératif tout aussi vital pour un constructeur : la réduction des coûts. Or, l'aluminium n'est pas un métal particulièrement bon marché et son cours a même plutôt tendance à grimper. La tonne d'aluminium s'emporte ainsi aujourd'hui à environ 1 640 dollars américains, soit 17 % plus chers qu'au mois de janvier 2003. Pour 2004, la tendance devrait rester la même, du fait de la hausse de la demande. Les analystes estiment en effet que la demande mondiale d'aluminium devrait augmenter de 5 % cette année.





    Exemple du poids de la Golf

    1975
    Golf S 1,6 l : 780 kg


    1983
    Golf C 1,6 l : 870 kg


    1992
    Golf III 1,6 l : 1 015 kg


    1998
    Golf IV 1,4 l 16 V : 1 090 kg


    2003
    Golf V 1,4 l 16 V : 1 154 kg

    Le prix, un obstacle de taille au développement de l'aluminium

    Le prix constitue donc la principale raison pour laquelle l'industrie automobile demeure encore quelque peu frileuse vis-à-vis de ce métal et ne l'utilise, en dehors de certains cas particuliers, qu'avec parcimonie. Malgré ses indéniables qualités, des solutions plus compétitives continuent d'attirer les faveurs des constructeurs. Ainsi, à la question : "L'aluminium peut-il remplacer
    l'acier ?",
    Laurent Chappuis, responsable de l'emboutissage chez Ford Vehicle Operations aux Etats-Unis, répond tout simplement que cela n'est pas possible. "L'aluminium reste un matériau premium et ne peut pas remplacer complètement l'acier pour les caisses en blanc", estime-t-il. Selon lui, remplacer l'acier par l'aluminium sur la caisse reviendrait près de trois fois plus cher pour le constructeur.
    Pour étayer son affirmation, Laurent Chappuis prend l'exemple du constructeur pour lequel il travaille et qui a fabriqué des pièces en aluminium à de nombreuses reprises. Selon lui, le succès de ce matériau chez un constructeur se mesure en fonction de trois facteurs : s'il entre en production de masse, si le nombre d'applications augmente et si les applications en aluminium ne sont pas remplacées par un autre matériau au moment du changement de modèle. La production de série est acquise depuis longtemps chez Ford. En revanche, le nombre d'applications demeure assez stable et reste, en ce qui concerne les capots, aux alentours de 20 % de pénétration. Même constat en ce qui concerne la pérennité du matériau d'un modèle à l'autre. Ainsi, sur 22 applications en aluminium dans sa gamme lancée cette année, Laurent Chappuis estime que 9 ne seront plus produites après la première génération du véhicule et seront, en général, remplacées par de l'acier ou du composite. Le succès de l'aluminium est donc plutôt mitigé et le moins que l'on puisse dire est que le constructeur demeure extrêmement prudent quant à son utilisation sur des véhicules classiques. Les modèles utilisant massivement de l'aluminium risquent donc de demeurer pendant encore quelques années des modèles haut de gamme.  


    Arnaud Dumas

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