La reprise est cachée au coin de la rue
...sur le marché français.
"L'année 2004 sera l'année de l'emploi", ont déclaré, qui avec détermination qui avec gravité, le président de la République Jacques Chirac et le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Pour cette cause, nous accepterions bien volontiers de se laisser aller à croire à la fonction illocutoire du langage, mais trêve de vœux pieux mâtinés de chamanisme, cette affirmation semble pour l'heure en décalage avec la réalité. En effet, la plupart des indicateurs concernant le marché du travail sont au rouge. Dans son rapport annuel, le BIT (Bureau international du travail) dévoile que le chômage a atteint un triste niveau record en 2003, avec 158,9 millions de demandeurs d'emploi. Peu convaincu par la reprise économique entrevue lors du second semestre 2003, Juan Somavia, directeur général du BIT, affirme "qu'il est beaucoup trop tôt pour dire que le plus dur est passé". Au cœur de cette morosité ambiante, la France est loin de faire figure de bon élève. Ainsi, les statistiques publiées par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) révèlent que le taux de chômage standardisé en France s'est établi à 9,5 % fin 2003, contre 8,8 % fin 2002 et 8,5 % fin 2001. Mise en perspective avec la moyenne du taux de chômage standardisé de la zone OCDE, 7 % à fin 2003, cette donnée prend même une dimension inquiétante. Le secteur automobile n'échappe pas à la règle. D'autant qu'en représentant environ 11 % de la population active française avec un nombre d'emplois, directs ou indirects, de l'ordre de 2,5 millions, il est particulièrement sensible aux conjonctures macro comme micro-économique. En outre, le climat social, sans fondamentalement se détériorer, n'est guère favorable à la prise d'initiatives. Dans ce contexte, les constructeurs et leurs réseaux, références-témoins du secteur par excellence, n'ont pas conduit des politiques d'emploi très alertes. En 2003, le marché s'est donc caractérisé par son attentisme et les embauches effectuées étaient essentiellement des embauches dites de remplacement. Bref, des créations de postes assimilables à des brimborions, de la mobilité interne, mais peu de campagnes de recrutement massives.
Certains groupes étrangers, comme DaimlerChrysler ou Nissan, font preuve de dynamisme
Il y a bien entendu des exceptions. On pense à Toyota, qui a maintenu ses recrutements, mais dans le cadre d'une campagne programmée il y a trois ans qui ne reflète donc pas la réalité de 2003. En revanche, DaimlerChrysler a annoncé lors d'Equip'Auto un ambitieux plan d'embauche, portant sur 580 salariés (voir JA n° 859). Il s'agit principalement de mécaniciens et de techniciens pour le réseau, mais aussi pour les établissements DCF (200 postes). "Nous avons lancé ce plan sur 2004-2005, car nous sommes conscients de la difficulté de trouver les candidats idoines, mais si nous pouvons pourvoir l'intégralité de ces postes dès 2004, nous le ferons", indique Magali Aubry, responsable de la gestion des R.H. Parallèlement, le groupe a confirmé l'ouverture de la DaimlerChrysler Académy qui sera opérationnelle dès le printemps. "Notre potentiel de formation sera ainsi considérablement amélioré", affirme Magali Aubry. Enfin, DaimlerChrysler fait aussi montre de dynamisme pour le recrutement des cadres, avec une moyenne annuelle de 15 embauches, essentiellement des juniors. Toujours au chapitre des marques étrangères, Nissan sort aussi du lot en ayant notamment recruté 16 personnes pour ses activités "siège", ainsi que des mécaniciens pour son réseau. De surcroît, d'importants efforts ont été consentis pour la formation : + 70 % de stagiaires formés en 2003 par rapport à 2002 ! "En 2004, 60 postes sont à pourvoir pour le volet " vente " et 40 embauches de mécaniciens sont d'ores et déjà prévues", déclare Christophe Dalby, directeur des ressources humaines et formation de Nissan France. Par ailleurs, Nissan travaille sur la mise au point de plusieurs outils RH de soutien au réseau, sur l'éventualité d'ouvrir une école de vente et sur le développement de ses liens avec l'Education nationale et le réseau des CFA.
Ford fait valoir un certain sens de l'anticipation
En revanche, Ford n'a pas beaucoup recruté en 2003, faisant surtout appel à des intérimaires et aménageant ses plannings d'ateliers via un système de primes. "Pour comprendre la situation, il est nécessaire de remonter à 2002, année au cours de laquelle nous avions mené une vaste campagne de recrutement", explique Laurent Charpentier, directeur de Ford Service.
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Les constructeurs français ont pris prudemment un ris en 2003
PSA Peugeot-Citroën préfère d'ailleurs ne pas trop s'étendre sur la question. En 2003, le groupe a recruté 12 000 personnes dans le monde, dont 6 000 en France et 4 500 pour sa division automobile France. Mille cadres ont ainsi rejoint le groupe. Pour 2004, PSA table sur un volume d'embauches situé entre 800 et 900 ingénieurs et cadres, dont 65 % de profils scientifiques et 35 % de commerciaux et d'administratifs. Chez Renault, on se montre plus loquace. Au-delà de RFA (voir l'entretien avec Alain Lévy), le groupe a recruté, en France, 1 491 personnes en 2003, contre 1 309 en 2002. Pour 2004, l'entreprise a validé un plan de 1 673 embauches décliné comme suit : 500 cadres, 500 techniciens et plus de 500 opérateurs. Tous les métiers (conception, fabrication, vente et tertiaires) sont concernés. Au niveau des cadres, les trois catégories de métiers les plus porteuses sont : Etudes, méthodes et R&D (34 %), Production (20 %) et Commerciaux (10,5 %). Viennent ensuite Informatique & réseau (10 %), Finances (7,5 %), Achats (6,5 %) ou encore Logistique (4 %). Là encore, il ne s'agit pas essentiellement de créations de postes. Il y a beaucoup de "renouvellement", mais aussi des embauches d'ajustement par rapport au plan Casa. Un plan Casa qui, c'est à souligner, suit rigoureusement sa feuille de route (2 000 départs en 2003, 2 000 prévus en 2004, fin du plan en février 2005). Parmi les grandes tendances du recrutement de l'entreprise, on retrouve une volonté de diversification des profils, d'internationalisation (36 % de recrutements internationaux chez les cadres en 2002 et plus de 25 % en 2003 !), mais aussi de féminisation. Par ailleurs, les jeunes diplômés représentent 2/3 des embauches estampillées "cadres". Enfin, les échanges entre les deux partenaires de l'Alliance sont en progression, notamment par le biais des missions (plus de 600 en 2003). En somme, à la lumière de ces différents exemples, on perçoit que le marché du recrutement, sans être sinistré, n'a pas été très fécond en 2003. Et si un léger mieux est attendu pour 2004, c'est surtout l'adjectif qu'il faut prendre en compte... A moins que l'enthousiasme messianique de la déclaration "L'année 2004 sera l'année de l'emploi" ne se vérifie empiriquement. Mais Victor Hugo mettait déjà en garde contre ce type d'enthousiasme : "L'avenir, fantôme aux mains vides qui promet tout et qui n'a rien."
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