jose maria alapont, Chairman, President and Chief Executive Officer de Federal-Mogul Corporation : A chaque nouvelle étape de technologie industrielle,
...en perspective.
Journal de l'Automobile. Est-ce que l'automobile a encore un avenir devant elle eu égard à toutes les attaques qu'elle subit actuellement ?
Jose Maria Alapont. Depuis plus d'un siècle, cette industrie a été capable de faire face avec succès à tous les défis qui lui ont été lancés, qu'ils soient technologiques, financiers, administratifs, sécuritaires ou encore environnementaux. Nous allons encore répondre à ce challenge. L'environnement est, certes, devenu une préoccupation majeure mais en même temps une opportunité pour l'entreprise parce que nous allons mettre sur le marché des technologies et des énergies alternatives de façon à résoudre positivement les problèmes qui nous sont posés.
Naturellement, je ne crois pas que nous pourrons répondre par une seule solution. Ce ne sera pas une solution unique mais une combinaison de solutions alternatives prenant en compte d'un côté les réductions et les gains au niveau du groupe motopropulseur, d'un autre côté la filtration des systèmes d'échappement et bien sûr les propositions en énergies alternatives.
JA. Est-ce que cela signifie que certains acteurs de l'industrie automobile ne pourront pas se plier aux contraintes liées aux nouveaux enjeux ? Assistera-t-on à une mutation de certains acteurs ?
jma. Le défi est à la fois pour les constructeurs et les fournisseurs. Du côté constructeurs, je suis évidemment convaincu sur ce point que tous les constructeurs des véhicules particuliers comme des véhicules commerciaux, ont investi en profondeur, pour réussir le passage. En revanche, il est vrai qu'à chaque nouvelle étape de technologie industrielle, la base des fournisseurs se restreint. Nous allons voir des fournisseurs de première ligne faire face, d'un côté, à toutes les demandes en termes d'innovations technologiques qui représentent des coûts considérables et, d'un autre côté, à la nécessaire performance économique et financière. Parce que d'un côté, les marchés sont beaucoup plus demandeurs en innovations technologiques et de l'autre la profitabilité est plus difficile à atteindre. Donc, je crois que l'on va continuer à assister à une restructuration inévitable des fournisseurs de premier rang.
JA. Les équipementiers font de gros efforts pour réduire les coûts et il semblerait que les résultats financiers ne soient pas à la hauteur, comment l'explique-t-on ?
jma. Dans le cas de Federal-Mogul, nous atteignons un chiffre d'affaires de six milliards et demi de dollars, nous sommes leaders dans tous les produits que nous produisons et fournissons pour la première monte et nous disposons de marques reconnues pour l'aftermarket. Notre performance économique et financière est non seulement très solide et est aussi en croissance permanente. Il faut bien distinguer l'activité économique du groupe, ses résultats et la mise sous protection du Chapter 11, ce qui peut paraître contradictoire. Le Chapter 11 ne concerne que les sujets reliés à l'amiante et les négociations nécessaires pour résoudre cette situation, nous sommes confiants de pouvoir conclure ces procédures très bientôt. L'activité en elle-même de Federal-Mogul n'est pas touchée par cette démarche. Nous voyons effectivement certains fournisseurs automobiles éprouver des difficultés et afficher des baisses de résultats significatives. Cela n'est pas notre cas puisque nous poursuivons notre politique de croissance globale et d'investissements pour rester leader sur le plan de l'innovation technologique tout en préservant notre rentabilité.
JA. Comment lutte-t-on contre la main-d'œuvre pas chère des pays low cost ?
jma. Le défi de la globalisation, c'est de faire de la vraie globalisation. Nous parlons très souvent de globalisation mais celle-ci n'est bien souvent que superficielle. La stratégie de beaucoup de sociétés dans ce domaine, c'est de se rendre dans des pays à meilleurs coûts comme la Chine, l'Inde, la Thaïlande, l'Europe de l'Est, la Russie, l'Afrique ou encore l'Amérique du Sud. La stratégie que nous avons mise en place pour Federal-Mogul consiste entre autre à identifier le partenaire qui puisse entrer dans la stratégie globale du groupe et d'assurer nous-mêmes le management quel que soit le pays dans lequel nous souhaitons nous implanter. Cela signifie devenir majoritaire dans l'entreprise partenaire - ou prendre la responsabilité totale du management produits. Donc, clairement faire face à la concurrence asiatique en Asie, à la concurrence de l'Europe de l'Est en travaillant en Europe de l'Est, par exemple.
JA. Comment cela se traduit-il concrètement sur le terrain ?
jma. La croissance soutenue et rentable via la globalisation suppose que l'on développe de nouveaux sites ou que l'on prenne la majorité, le contrôle d'une société dans le monde et que l'on développe la même technologie avec la même efficacité de lean manufacturing acquise aux Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest. Nous allons donc en Chine, en Inde, en Europe de l'Est ou en Russie avec le même concept de lean manufacturing que nous avons mis en place dans des pays à coûts de main-d'œuvre et de production élevés. Naturellement, une part de flexibilité s'applique à l'automatisation qui est plus forte dans les pays à coûts de main-d'œuvre élevés et moins importante dans les pays à bas coûts. Par ailleurs, nous faisons de gros efforts de localisation des achats, d'approvisionnements en matériaux et matières premières sur place. Nous établissons ainsi notre propre base de fournisseurs locaux. Finalement, nous sommes compétitifs comme les locaux en termes de main-d'œuvre et d'achats mais nous avons l'avantage d'avoir des technologies de pointe et toute l'expérience de lean manufacturing que n'a pas l'Asie pour ne citer que ce continent. La stratégie gagnante, à mon sens, c'est allier les coûts bas de production et de main-d'œuvre à la flexibilité de la lean manufacturing. L'objectif n'est pas seulement de faire face à la concurrence des pays à bas coûts mais d'être des concurrents aux pays à bas coûts chez eux.
JA. Comment conciliez-vous qualité et véhicules low cost ? Comment voyez-vous ce nouveau marché ?
jma. La stratégie qui consiste, pour les constructeurs d'automobiles, d'aller vers des véhicules plus compétitifs est essentielle. En ce sens que cela permet un accès très important à des parts de marché nouvelles. Cela correspond pour eux à une grande opportunité d'élargir leur base de clientèle spécialement dans tous les pays émergents où les pouvoirs d'achat sont plus bas que dans nos pays.
Pour les fournisseurs comme nous le sommes, cela signifie être très engagés et anticiper dans la conception de systèmes et de composants capables de rendre concurrentiels ces véhicules low cost et naturellement en assurant notre rentabilité !
JA. Comment faites-vous ?
jma. La recette cohérente est celle que j'évoquais, d'être une société globale compétitive donc commencer par des designs, des projets et des conceptions de produits bien adaptés à cette stratégie-là. Nous avons une équipe dédiée dont le travail consiste à saisir les attentes des constructeurs et d'adapter les produits, les moyens de production et les process ainsi que les sites de production. Cela fonctionne uniquement s'il y a une bonne compréhension entre les demandes des constructeurs de véhicules à prix bas et leurs exigences en termes de technologies.
JA. Le risque ne réside-t-il pas pour vous en une augmentation de chiffre d'affaires mais une baisse des marges ?
jma. Il est très important que la stratégie des constructeurs d'automobiles s'appuie sur une cohérence entre leurs exigences en termes de technologie, de coûts et de prix de vente. Je ne crois pas aux stratégies d'accroissement des volumes sans marge. Le volume est important pour composer le socle des ventes, le matelas nécessaire. La croissance n'est possible que si elle est en permanence envisagée sous l'angle de la profitabilité de l'entreprise. Le volume doit apporter sa contribution en termes de profit à l'entreprise.
JA. Est-ce que vous pensez que l'on tende vers une baisse de l'électronique dans les véhicules, et est-ce que vous allez pouvoir maintenir partout dans le monde du personnel qualifié pour suivre vos innovations technologiques ?
jma. Le développement de l'électronique est irréversible parce qu'il donne beaucoup plus de flexibilité technologique dans un véhicule. C'est pourquoi, aussi bien dans la conception que dans l'élaboration des produits et dans la fabrication des produits eux-mêmes, dans les process, nous aurons de plus en plus d'électronique. Ce n'est pas simplement dans les composants qui seront dans la voiture, c'est dans les moyens de développement et dans les process de fabrication que l'électronique va jouer un rôle de plus en plus important. Et dans ce changement générationnel technologique, la formation est fondamentale. Donc aujourd'hui, quand on parle de globalisation, il faut intégrer la globalisation de la formation de manière efficace en fournissant des équipes de premier rang, de premier niveau partout dans le monde dans notre structure globale. C'est naturellement à nous de les former, de développer leurs compétences pour la réussite de l'ensemble. Et cela entre dans nos fondamentaux.
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