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Constructeurs

Jean-Pierre Ploue, Directeur du style Citroën

Publié le 28 mars 2008

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Fidèle à son style naturel et chaleureux, On constate assurément une tendance à la globalisation du design automobile...Jean-Pierre Ploué s'est plié au jeu du dialogue ouvert avec le jury de l'Homme de l'Année....

...Il évoque notamment la Chine et la possible émergence d'un style automobile asiatique ou encore l'hypothèse d'un revival d'une Citroën mythique. Spicilège.

Journal de l'Automobile. Les femmes ont une influence de plus en plus grande dans l'acte d'achat automobile, quelle est la part des femmes au sein de votre département de style ?
jean-pierre ploué. Il y en a, certes, mais pas autant que ce que nous souhaiterions. On en trouve beaucoup dans le département "couleurs&matières" en fait… On en trouve aussi de plus en plus au design intérieur, mais pas encore beaucoup pour le design extérieur, même si les choses ont tendance à évoluer un peu. On sent un frémissement. Mais rassurez-vous, les stylistes, même les hommes, apportent une attention particulière aux demandes et aux attentes des femmes, ça doit être la fameuse part de sensibilité féminine du créatif ! (rires)

JA. Les rapports d'influence entre le style, l'ingénierie et le marketing sont-ils plus équilibrés qu'auparavant au sein de la marque ?
j-PP. Oui. La part de l'ingénierie reste essentielle, mais il faut suivre l'évolution de la société et le soin apporté au client devient toujours plus central. Or, aux vitesses où nous roulons aujourd'hui, les budgets ne vont plus être automatiquement et exclusivement attribués aux trains roulants ou aux performances moteur par exemple, c'est clair. D'autres éléments gagnent en importance, ce qui explique que le style soit plus exposé et mis en avant depuis 4 ou 5 ans. Par ailleurs, il faut un peu de conflit entre l'ingénierie, le marketing et le style. C'est positif et constructif. Les projets que nous avons le mieux réussis sont ceux où il y avait débat, discussions, parfois brûlantes, mais si on travaille en osmose et en poursuivant un même but, le succès de la marque, cela devient bénéfique. Sur C5 tout a été l'objet de discussion ! Oui, c'était vraiment un combat de tous les instants, avec en toile de fond, la nécessité de regagner de la légitimité sur ce segment, ce qui engendrait naturellement différentes lectures. Par exemple, il a fallu lutter pour abandonner le hayon. Ce qui nous a permis de gagner trois centimètres en hauteur et trois centimètres, c'est énorme pour nous ! Je ne savais pas faire une belle voiture avec trois centimètres en plus ! Bref, on sait qu'à chaque nouveau programme, il va falloir se battre, surtout que les impératifs de rentabilité de l'entreprise vont en s'intensifiant. Mais c'est motivant, c'est aussi cela qui nous fait avancer et dans mon expérience personnelle, je n'ai jamais été vraiment frustré.

JA. La mondialisation des marchés ne risque-t-elle pas d'engendrer une globalisation du style, avec l'écueil du consensus ?
j-PP. Quand vous raisonnez à l'échelle mondiale, les réponses changent forcément. En outre, vous ne pouvez pas avoir les moyens de tout faire, donc des choix s'imposent. Si on pense à une clientèle qui a accès à l'automobile pour la première fois ou presque, alors il est impératif de respecter des codes. Prenez l'exemple de la Logan, en fait, je ne suis pas certain que Renault n'ait pas fait la voiture qu'il fallait faire. On peut dire ce qu'on veut, mais les codes sont respectés. Ensuite, il faut bien sûr évoluer et il n'est pas question de refaire la même chose. En somme, ce qui est sûr, c'est qu'il y a un style de plus en plus international. On le constate sur les salons : cette tendance à la globalisation du design. C'est aussi lié au raccourcissement des délais de développement, aux nouveaux outils numériques etc. Mais nous restons vigilants : Citroën a une histoire, ce n'est pas une marque qui fait des poupées gigognes. Nous devons donc travailler plus encore sur l'image de la marque. A ce titre, C5 représente d'ailleurs une rupture. Même si le style n'est pas révolutionnaire, nous positionnons le modèle sur un territoire de qualité, de haut de gamme, où les gens n'attendaient pas forcément la marque.

JA. Peut-on attendre des courants de style émergents dans les pays émergents, comme la Chine par exemple, ou la culture de la copie est-elle inévitable ?
j-PP. Je ne pense pas. Quand vous voyez ce qu'ont réalisé les chinois dans d'autres domaines, ils ont toujours été très vite très bons. Certes, il y a sans doute quelque chose de culturel à prendre en compte et qui explique certains plagiats. Mais moi, je ne suis pas très rassuré, car très rapidement, ils sauront imposer un style chinois et c'est à prendre en considération car l'enjeu correspond à des millions de voitures. D'ailleurs, nous n'ouvrons pas un bureau de style en Chine par hasard. Nous y allons pour suivre cette évolution. Actuellement, c'est difficile de recruter des stylistes chinois bien formés, mais les choses vont évoluer très rapidement. Nous voulons être acteurs de ce processus, même s'il y a toujours cette réticence à former des gens susceptibles de partir à la concurrence dès qu'ils sont formés…

JA. Pourquoi avoir choisi d'ouvrir ce bureau de style à Shanghai plutôt qu'à Pékin ?
j-PP. Nous avons hésité entre Pékin et Shanghai, mais au final, on s'est rendu compte qu'il y avait plus de choses à Shanghai pour le moment : la proximité des fournisseurs, la présence, certes réduite, d'entreprises de maquettage, la modernité, le cosmopolitisme…

JA. Que deviennent les valeurs de la marque qui vous sont si chères dans les modèles issus de coopération avec d'autres constructeurs ?
j-PP. Il faut négocier très dur dès le début pour avoir le maximum de périmètres de différenciation. Par exemple, pour C-Crosser, on ne se voyait pas travailler simplement sur des phares, mais nous voulions plus d'éléments de carrosserie pour nous différencier. Sans oublier l'habitacle où nous pouvons toujours apporter des touches très personnelles et créer des ambiances de marque. D'une manière générale, cette difficulté est aussi intéressante en elle-même ! Cependant, il y a sans doute des segments où il ne faut pas le faire, des véhicules phares pour la marque qu'il faut développer par nous-mêmes. Mais pour occuper des niches sur lesquelles nous ne pourrions pas aller pour cause de moyens, c'est un bon système. Et sous l'angle de la compétition, c'est très intéressant, car finalement entre deux ou trois marques, c'est celui qui a fait le plus beau style qui rafle la mise.

JA. Peut-on attendre un revival de la 2CV sur le modèle de la Mini ou de la Fiat 500 ?
j-PP. Nous y avons pensé et nous y réfléchissons encore, bien entendu. Mais je ne sais pas si la 2CV est le meilleur modèle de la marque pour cela… Par ailleurs, on ne ferait une réplique de l'ancien modèle, comme Fiat 500 ou Mini, car nous avons des choses à raconter. D'une certaine manière, notre revival serait plus proche de C-Cactus que d'un clone modernisé. En fait, je me demande s'il n'y aurait pas une DS du futur à réaliser. Une voiture symbole par excellence et véritablement porteuse de valeurs indépendantes d'une époque.

JA. Avec les normes de sécurité qui se durcissent, des modèles de type Méhari sont-ils encore tout simplement possibles ?
j-PP. Sous une forme différente, tous ces concepts vont revenir ! Même avec les normes de sécurité. Car avec les enjeux environnementaux, nous allons aussi réaliser des véhicules plus simples, plus sympas. Et nous ne sommes pas obligés d'avoir 5 étoiles à chaque fois. Les gens peuvent l'accepter, certains l'acceptent déjà. Ces concepts vont donc revenir à deux niveaux différents, pour des modèles de masse, étant entendu que le marché se scinde de plus en plus nettement entre Premium et entrée de gamme, et pour des modèles de niche, proches des demandes clients et de la notion de plaisir.

Photo : Au sein du Cercle Interallié et devant le jury de l'Homme de l'Année presque au complet pour l'occasion, Jean-Pierre Ploué se prête au jeu de l'entretien.

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