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Constructeurs

Intégration, du virtuel au réel

Publié le 7 décembre 2007

Par Clotilde Chenevoy
9 min de lecture
La présence de l'électronique dans les voitures ne cesse de s'étendre. L'intégration des composants et des logiciels se révèle être un véritable casse-tête pour les constructeurs, des programmes d'analyse de dysfonctionnements sont mis en place pour garantir la fiabilité...
La présence de l'électronique dans les voitures ne cesse de s'étendre. L'intégration des composants et des logiciels se révèle être un véritable casse-tête pour les constructeurs, des programmes d'analyse de dysfonctionnements sont mis en place pour garantir la fiabilité...

...de l'architecture électronique.

Vous démarrez tout en mettant le chauffage, tandis que l'autoradio s'allume automatiquement. Si ces actions simultanées semblent simples à mettre en route mécaniquement, au niveau de l'électronique, la chose se complique. Rien qu'en tournant la clé, l'antidémarrage se déconnecte, la pompe de gavage de carburant se lance et toute l'architecture électronique réalise une auto-vérification de ses calculateurs, branchements et logiciels. Pour prendre toute la mesure du dispositif, sachez qu'une Peugeot 407 cache environ 40 calculateurs et pour une BMW Série 7, on passe à 80. Autre exemple, la Renault Laguna III, dans ses versions les plus évoluées, compte 48 calculateurs, 24 moteurs électriques, 88 fusibles pour une trentaine de relais et 150 références de câblage ! Ainsi, vous l'aurez compris, plus une voiture possède d'options, plus elle embarque de composants électroniques.
Avant d'arriver à un produit fini, dotés de multiples fonctions améliorant la sécurité ou le confort, les constructeurs réalisent, en amont, un long travail d'intégration soit en interne, soit en sous-traitant.
Chez Renault, il existe un service dédié, la DIESE, Direction de l'ingénierie électronique et des systèmes électroniques. Pour le groupe Volkswagen, autre que Audi, cette gestion est assurée par le département recherche et développement. Quant à BMW, il externalise l'intégration de l'électronique en faisant appel aux compétences de la société ESG. L'objectif de ces services consiste à concevoir et à intégrer l'électronique, en éradiquant les hypothétiques problèmes d'interactions entre les différentes fonctions et logiciels. Le mode opératoire est assez similaire. Tous suivent ce que l'on appelle le système en V pour fiabiliser leurs systèmes.

La première phase consiste à définir les spécifications du véhicule. La voiture doit avoir les vitres électriques à l'avant et à l'arrière, rouler à telle vitesse, posséder la direction assistée… "Lors de la conception de la Laguna III, cinq ans avant sa commercialisation, nous avons étudié les différentes architectures possibles, détaille Marc Soulas, responsable de la DIESE chez Renault. On s'est posé la question de rester sur une alimentation classique de 14V ou de passer en 42 V. Est-ce nécessaire par rapport à la puissance embarquée ? Finalement, on est resté sur du 14V, comme toutes les voitures actuelles." Une fois ces grands choix fixés, le constructeur affine encore davantage sa demande : le taux de rejet de CO2 ne dépasse pas 180 g/km, le moteur doit être HDI, etc.

Du système au sous-système, le constructeur passe ensuite aux composants et aux fournisseurs. Ainsi, pour les optiques, la voiture recevra du Valeo, du Bosch pour les bougies, ou encore du Tenneco pour les amortisseurs.

Construction d'une électro-voiture

En parallèle de ces décisions, les éléments sont assemblés et les ingénieurs testent le système, notamment les interactions entre chaque composant, et appairent les calculateurs avec leurs fonctions. "On tente le plus tôt possible d'avoir une représentation de ce que sera l'équipement ou encore la fonction, explique Thierry Seynaeve, directeur technique d'ESG France. "Les éléments arrivent les uns après les autres, selon une planification, mais on peut contourner ce souci grâce à l'intégration virtuelle. Ainsi, on peut simuler le logiciel comme le matériel. On parle alors de hardware in the loop ou de software in the loop. Nous n'avons pas besoin de disposer physiquement du composant ou du matériel pour effectuer nos tests. On peut envoyer un message au système pour lui indiquer les données moteur par exemple, ce qui revient à simuler la présence d'un capteur." Ainsi, les ingénieurs recréent à l'échelle 1 l'architecture de la voiture avec tous les éléments, une sorte d'électro-voiture. Imaginez une immense table où s'étale l'ensemble des calculateurs présents dans le véhicule, les câblages, les connecteurs. A partir de cette schématique, les ingénieurs effectuent de multiples tests à l'aide d'ordinateurs, pour vérifier leur fonctionnement nominal mais aussi en interaction, pour savoir si l'ensemble réagit, et s'il y a bien détection des défauts. Ils peuvent également éprouver le dispositif en simulant différentes situations, et même pronostiquer l'usure du véhicule. "Nous sommes capables de faire des tests sur le système électronique à plus de 200 000 kilomètres, mais aussi dans des conditions extrêmes, hivernale ou de forte chaleur, assure Gabriel Roux, attaché presse technique et service pour le groupe Volkswagen. Grâce à ces simulations, nous pouvons faire remonter les anomalies et prévoir comment va réagir le véhicule sur le long terme."
Chez Renault, la Laguna III symbolise la volonté du constructeur d'améliorer la qualité de ses produits. Il est vrai que la version II a connu quelques déboires, notamment d'un point de vue électronique. Pour ce nouveau modèle, les équipes de la DIESE sont reparties de la feuille blanche. L'architecture électronique a été intégralement repensée et particulièrement étudiée. "Dans le cadre du projet Laguna, nous avons travaillé avec trois plates-formes d'intégration en parallèle, développe Marc Soulas. Il s'agit d'un véhicule assez complexe, avec beaucoup de diversité. Entre les multiples motorisations et les montées en gamme, les ingénieurs utilisent différents calculateurs, tableaux de bord, ou encore systèmes multimédia… Nous devons vérifier tous les modes combinatoires et avec une seule plate-forme, ce n'était pas possible. Au total, pour chaque plate-forme, on comptabilise 375 jours de tests." En moyenne, il faut compter, de la conception à la mise en série, 2 à 4 ans de développement, pour une phase de tests de 12 à 6 mois.

Plate-forme et composants réutilisés

Les constructeurs ne partent pas systématiquement d'une feuille blanche. Ainsi, pour le Tiguan, Volkswagen a repris l'architecture de la Golf V. Il arrive aussi que la deuxième génération d'un modèle hérite de l'architecture du modèle supérieur. Par exemple, la nouvelle Citroën C5 récupérant le dispositif de la C6. Il s'agit alors de réutiliser des calculateurs et des systèmes. En effet, redévelopper augmente le coût de la conception du véhicule. Mais des améliorations sont parfois nécessaires à cause des exigences réglementaires, parce que la demande des clients évolue ou bien encore à cause de l'obsolescence des composants. Innover représente aussi un fort attrait économique et marketing. Toutefois, sortir un modèle doté d'une multitude d'innovations peut être aussi à double tranchant. En effet, commercialiser en premier une technologie est un avantage incontestable, mais en termes d'expérience du système, c'est aussi la grande inconnue. Malgré tous les tests, il n'y a pas de risque zéro et des bugs inattendus peuvent survenir.

Une fois que l'ensemble de l'architecture est vérifié, les équipes lancent la construction de prototypes. Des pilotes expérimentés évaluent ensuite si le véhicule est conforme aux attentes de départ : vitesse maximale, sensations globales de conduite, fonctionnement de la climatisation, etc. Si la voiture correspond aux exigences, elle part en production. Mais, même à ce stade, les équipes d'ingénieurs restent présentes. Garantir l'intégrité totale du système reste difficile. Des modifications peuvent se révéler nécessaires pendant la production, voire même après la vente. "Nous avons rencontré un problème lors du lancement de la Passat, en mars 2005, avec le filtre à particules à régénération, révèle Gabriel Roux. Il se régénère tout seul lorsqu'il monte en température. Or, nous nous sommes aperçus que les utilisateurs urbains effectuaient beaucoup de démarrages à froid et le système ne chauffait pas assez pour régénérer le filtre. Résultat : les automobilistes devaient se rendre en concession pour effectuer l'opération manuellement. Nous avons donc revu et corrigé le dispositif grâce à une mise à jour du logiciel de la gestion de régénération. L'ensemble de notre réseau a alors reçu un CD contenant les modifications pour corriger les véhicules déjà en circulation."

Jusqu'à 25-30 % des coûts de développement

Depuis dix ans, l'électronique embarquée a fortement évolué et représente aujourd'hui 90 % de l'innovation dans un véhicule et jusqu'à 25-30 % des coûts de développement. Dans les années à venir, la tendance va se poursuivre mais dans des proportions moindres. Les moteurs devraient bénéficier de toutes les attentions des ingénieurs, notamment pour réduire les émissions de CO2. Les nouveaux modèles répondent à peine aux normes Euro 5, prévues pour 2009, que l'Euro 6 se profile déjà à l'horizon 2014. De plus, avec l'apparition des moteurs hybrides ou électriques, les architectures électroniques vont devoir s'adapter.

L'autre grand domaine d'innovation portera sur la sécurité active et passive, améliorant par là même le confort. Les aides à la conduite, comme l'assistant de changement de voie ou les feux directionnels, vont se démocratiser. La communication entre véhicules, car to car, devrait, elle aussi, connaître un certain essor, l'idée étant d'améliorer la sécurité en jouant sur la prévention.

ZOOM

  • A la Recherche d'une Certification
    Avec le développement de l'électronique embarquée, les constructeurs ressentent un besoin de garantir leurs processus et leurs méthodes. "Le monde de l'automobile cherche une certaine certification, comme il en existe dans l'aéronautique, commente Thierry Seynaeve, pour arriver à cerner le niveau et le degré de sécurisation, par exemple d'un système, au travers des normes émergentes comme la 26/26/2. Elle n'est pas encore finalisée en termes de norme ISO mais c'est un travail des constructeurs et des équipementiers autour de la sûreté de fonctionnement des systèmes, inspiré d'une norme similaire en aéronautique, la DO178B." Cette norme n'est pas encore obligatoire, mais, en l'imposant, comme c'est le cas en aéronautique, elle présente l'avantage pour un constructeur de le couvrir en cas de problème. Il pourrait ainsi avoir une vue sur le niveau de maturité du système proposé, par rapport à cette norme et par rapport à l'utilisation de standard, qui arrive de plus en plus. On peut ainsi citer le projet Autosar, créé à l'automne 2003, dont l'objectif consiste à réaliser un standard international pour l'architecture électrique et électronique des véhicules, commun à tous les membres du consortium. Initié par les constructeurs allemands, PSA Peugeot Citroën s'est également rallié au projet. A terme, les fabricants souhaiteraient pouvoir acheter hardware et software indépendamment. Actuellement, ils ne peuvent acheter que des systèmes globaux, fournis par les équipementiers.
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