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Constructeurs

Gildo Pastor Pallanca président-directeur général de Venturi Automobiles

Publié le 12 novembre 2004

Par Tanguy Merrien
10 min de lecture
Depuis qu'il est à la tête de Venturi Automobiles, Gildo Pastor a révolutionné l'offre de la marque au gerfaut en réussissant l'amalgame du véhicule écologique et de la voiture de sport. Gageure et aussi message très fort de la part d'un homme qui ne sait résister longtemps aux sirènes des nouvelles...

...technologies, surtout lorsque celles-ci n'appellent pas, d'emblée, au plébiscite. Portrait d'un passionné volontaire.


Né sur un rocher qu'il affectionne particulièrement, Gildo Pastor a fait de la principauté de Monaco à la fois son nid et son laboratoire, à moins qu'il ne confonde les deux, tant la passion technologique l'habite. Voyageur infatigable, aiguillonné sans cesse par une curiosité insatiable, c'est à Monaco, pourtant, qu'il revient toujours pour "entreprendre", au sens noble du terme. Au départ, la foi et la passion l'emportant parfois sur l'analyse, au final l'analyse donnant raison à sa passion. Ajoutons à cela une volonté tenace d'aller jusqu'au bout, un engagement personnel intense et ce zeste de non-conformité à peine suggérée mais quasi érigée en marque de fabrique, et l'on aura une première approche de Gildo Pastor. Non pas qu'il faille donner du rebelle à l'homme d'affaires, disons plutôt que sa personnalité fait fi du lieu commun et de la prédestination. Revenons un peu à l'origine. Gildo Pallanca Pastor, résident permanent de la Principauté depuis 37 ans, son âge, porte le nom de sa mère, Pallanca, et de son père, Pastor, alliant les ascendances italiennes et espagnoles dont témoigne son tempérament volontiers latin. Et un certain esprit d'indépendance qui se révèle très jeune. A 18 ans, alors qu'il s'entiche d'un Command Car dont l'achat ne fait évidemment pas la priorité de ses parents, il décide de monter une société afin de pouvoir se l'offrir. Qu'il ne soit pas majeur - la majorité était à 21 ans à Monaco - n'est qu'une difficulté du parcours qu'il doit suivre. Il le veut, il entreprend donc les démarches pour l'obtenir. Par passion de l'automobile ? Pas complètement et c'est là que commence à se dessiner ce que sera l'homme avant le chef d'entreprise. "Est-ce que je suis un obsédé de l'automobile ? C'est peut-être une question à se poser, mais je pense que toute passion est en rapport avec une spécialisation. J'ai toujours été fasciné par la mécanique en général. A l'époque, ce premier SUV n'était pas aussi ancien qu'aujourd'hui, il était riche de solutions empiriques, il utilisait des ponts débrayables etc. Je me suis rendu compte que j'avais une passion pour la compréhension des sujets qui, a priori, sont très techniques et complexes." Cette fascination guidera une grande partie de ses choix et continue de les présider. Même si ceux-ci s'inscrivent dans une démarche imposée. C'est ainsi que, jeune étudiant, Gildo Pastor hésite à se tourner vers une carrière d'avocat ou de notaire, et suit après son bac C des études de droit en France et de sciences économiques en Italie. Finalement, c'est la raison familiale qui l'emporte, l'emmenant sur le terrain de l'immobilier, une spécialité maison qu'il aménage un peu à sa façon. Il prend alors la gestion d'une partie du patrimoine familial, se spécialise parallèlement dans l'immobilier de bureau et s'octroie une belle performance : "J'ai aussi une spécialité, ce sont les projets vers lesquels personne n'a envie d'aller. Je ne dis pas que je suis un obsédé de la niche, mais dans un monde qui va aussi rapidement que le nôtre, j'essaie de revisiter les idées reçues pour essayer d'en faire des "success stories". La première fois, j'ai supervisé la construction d'un immeuble de bureau assez gigantesque, auquel personne ne croyait, et ça a marché. Donc, depuis, je suis à la recherche de frissons." Car investir dans des projets innovants, voilà son véritable métier, voire sa seconde nature, attisé qu'il est par ces "niches" dans lesquelles rechignent à s'engager les financiers traditionnels. C'est ainsi qu'à la folle époque de l'Internet, il se consacre à des sujets environnementaux, misant par-là même sur le long terme. Ce qui ne l'empêche nullement de parier sur des entreprises étonnantes comme lancer un nouveau concept de bière volontiers luxueux, à l'encontre de l'image traditionnelle de cette boisson, ou encore créer une radio qui n'émet qu'à Monaco ou sur le Net et diffuse des tons musicaux… hors normes ! Alors élitiste, Gildo Pastor ? Il s'en défend en revendiquant la finalité de l'opération tout en citant l'exemple de la Fétish, sa voiture de sport électrique. "Avant que je ne conduise ce véhicule, je considérais la voiture électrique comme quelque chose qui n'avançait pas. Avec la Fétish, nous avons prouvé au grand public qu'on pouvait rouler dans une voiture électrique puissante, confortable et esthétique. Bien sûr, la production en grande série n'est pas pour aujourd'hui : pour la Fétish, nous avons dû employer des technologies hors de prix, des matériaux coûteux comme le châssis en carbone, qui la rendent très chère et encore inaccessible au grand public. L'important pour nous était d'expliquer que nous vivions un changement culturel, qui exclut le moteur comme enjeu. L'enjeu réside dans les batteries. A l'extrême, pour moi, ce produit n'est pas une automobile, même s'il est extrêmement fonctionnel, c'est un produit culturel." Et pour prouver ce qu'il dit, Gildo Pastor n'hésite pas à rendre hommage aux compétences tout en se laissant aller à un cocorico de bon aloi : "Il y a des gens qui sont ingénieurs et d'autres qui sont ingénieux. Moi, je considère que je ne suis ni ingénieur ni forcément ingénieux. C'est pourquoi j'essaie de m'entourer de pros, et en ce moment nous avons beaucoup de chance parce que nous avons des gens extrêmement brillants. On se plaît trop souvent à dire que les Français sont mécréants en culture automobile par rapport aux Anglais. J'éprouve beaucoup de plaisir à travailler en France qui compte de grands spécialistes. Je vis, notamment sur ce projet, dans un monde merveilleux où, aujourd'hui, tout est réalisable techniquement, il suffit juste d'y ajouter une dose d'originalité, de liberté et de ne pas rester conforme aux règles préétablies." Et de revenir à l'objectif initial : "Nous présentons aujourd'hui un véhicule qui ne correspond à aucune règle et dont la spécificité est de donner une vision très positive du futur : accélération, performance, vitesse maîtrisée, absence de bruits… Très discrètement, il présente l'automobile du futur comme un outil ultra techno, mais très accessible dans son concept parce qu'il est dans son temps." Féru de technologie, passionné par la conception et la création, engagé dans la protection de l'environnement, soucieux d'entreprendre et de miser sur des projets sur lesquels ne s'engagent pas les grosses entreprises au nom d'une rentabilité "déclarée", déjà bien occupé dans la gestion immobilière… On pourrait se demander pourquoi et comment Gildo Pastor s'est retrouvé à la tête d'un constructeur automobile, certes de prestige, mais pas vraiment réputé pour ses résultats financiers et qui fête ses vingt ans d'âge. La réponse se construit autour d'une cascade d'événements qui ont mis le passionné d'automobiles au cœur de l'entreprise. Propriétaire d'une écurie de course au champ d'activités très large - on ne naît pas à Monaco sans être marqué par les stigmates de la compétition -, Gildo Pastor développe avec Bugatti une voiture de course avec laquelle il court aux Etats-Unis. La belle histoire prend fin puisque Bugatti se déclare en faillite. Le fond est alors mis en vente. A court de pièces, Gildo Pastor se présente au tribunal et se retrouve leader involontaire du rachat de l'ensemble qu'il acquiert pour résoudre son problème. Cela lui permet de finir d'assembler quelques Bugatti, "des véhicules assez extraordinaires". Cela ouvre aussi de nouvelles perspectives à une équipe complètement motivée et désireuse de continuer. A ce moment, tandis que la marque Bugatti est reprise par le groupe Volkswagen, c'est au tour de Venturi d'aller très mal, d'autant que les actionnaires thaïlandais, secoués par les troubles du marché asiatique, souhaitent s'en séparer. Gildo Pastor est donc tout désigné pour assurer cette reprise. Mais il n'est pas question pour lui de reprendre une telle activité. Ce qui l'intéresse, c'est de sauver la marque et de mener à bien des projets spécifiques. En 2000, la marque lui est cédée par le tribunal et, dès 2002, il présente sur le Salon de Genève un véhicule mis au point sur une plate-forme commune avec Renault Sport. En 2004, la Fétish s'invite au Mondial de l'Automobile avec les remontées que l'on connaît : "Nous ne voulions pas faire un coup médiatique. Nous voulions juste montrer que nous sommes capables d'inventer des process différents et de faire avancer les choses. Il existe aujourd'hui beaucoup de technologies disponibles, d'industriels français très en avance sur les batteries et les hybrides, et il faudra bien qu'on y vienne à grande échelle par des incitations fiscales par exemple. Ce n'est pas le rôle de Venturi de se lancer dans ce type de production, mais de montrer au grand public que c'est possible, que c'est l'avenir." Loin de se considérer comme un visionnaire, Gildo Pastor unit en ses affaires sa soif de découverte et son implication dans l'environnement. Et aussi, pour beaucoup, son plaisir. "Un vrai artisan technologique" comme il aime à se nommer.


Hervé Daigueperce


 





Curriculum vitae

Nom : Pastor Pallanca
Prénom : Gildo


  • 1er avril 1967 : naissance à Monaco.
  • 1986 : à 19 ans, crée sa première entreprise.
  • De 1986 à 1999 : pilote automobile, recordman de vitesse sur glace.
  • 1988 : à 21 ans, dirige la construction du plus grand immeuble de bureaux monégasque (90 000 m2).
  • Depuis 1990 : gère le patrimoine immobilier familial.
  • 1996 : fonde le "Techno-Pôle" de Monaco.
  • 2001 : crée la Monaco Investor's Week.
  • Depuis 2000 : propriétaire de la marque Venturi Automobiles et initiateur de la Fétish avec Gérard Ducarouge, ingénieur en chef du projet, et Sacha Lakic, designer.


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    ZOOM

    Gildo Pastor en 6 points

    En dehors de l'automobile, quels sont vos hobbies ?
    Le temps me manque pour pratiquer mes hobbies, mais j'en ai gardé quelques-uns. Je suis un passionné de mer…

    Bateau à voile ou à moteur ?
    Les deux me passionnent. J'ai un bateau à moteur avec lequel je n'hésite pas à aller au bout du monde. J'ai traversé l'Atlantique il y a un an et demi avec. Mais c'est un petit bateau. Autrement, je dois vous avouer que je me passionne pour beaucoup de choses…


    Est-ce que vous avez de nouveaux projets ?
    Je m'interdis de le faire. Je me force à ne plus en avoir parce que je suis désormais trop pris.


    Vos relations avec la Principauté ?
    Je suis un grand amoureux de la Principauté qui, à mon sens, est un pays que les gens connaissent très superficiellement. C'est un endroit qui me fascine et j'ai énormément d'estime pour la famille princière. Ce sont des gens qui ont une vision d'entreprise pour la Principauté qui montre qu'ils sont capables de gérer dans le long terme. Par ailleurs, je me suis toujours efforcé de faire savoir à l'extérieur qu'à Monaco, d'une manière peut-être surprenante, on travaille beaucoup. J'y organise notamment une semaine de l'investissement qui fait venir beaucoup de gros investisseurs, où nombre d'enjeux sont discutés.


    Quelle est votre conception du luxe ?
    La conception du luxe à Monaco, c'est avant tout la liberté et la sécurité. Sur le plan de l'automobile, je suis convaincu que le luxe n'est plus dans l'épaisseur de la moquette ou l'agressivité des calandres, il est dans les mains d'artisans technologiques. Le luxe, c'est le travail de l'homme, et je me considère comme un artisan technologique, c'est-à-dire que je suis capable de dessiner une technologie extrêmement pointue, mais qui reste l'objet du travail de l'homme. Et je revendique cela, cette constante de la maîtrise des technologies par l'homme lorsqu'il faut réaliser un produit.


    Quel est le portait que vous aimeriez lire dans le JA ?
    Alors, je vais être banal, mais plus qu'un portait, j'aimerais bien connaître Carlos Ghosn. Je pense que j'ai tout à apprendre dans l'automobile et que c'est le chef d'entreprise pour lequel je pourrais même travailler !

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