...de rachat de Samsung et de Dacia.
Pour beaucoup, aussi bien en interne qu'en dehors de l'entreprise, Georges Douin est la personne qui incarne le mieux l'aventure internationale, ou plus exactement les aventures internationales, de Renault. Il est vrai que son arrivée en 1997 au poste de directeur Plan Produit opérations internationales coïncide assez précisément avec l'émergence d'une volonté forte d'expansion internationale de la part de l'état-major du constructeur de Boulogne-Billancourt. Paul Parnière, directeur de la stratégie à la direction des achats de Renault, qui connaît particulièrement bien Georges Douin
FOCUS
Dacia en chiffres
Production 2004 : 94 720 unités
Ventes 2004 : 95 296 unités
Ventes 2003 : 69 166 unités
76 distributeurs et 26 points de services en Roumanie
12 097 employés
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pour l'avoir côtoyé durant de nombreuses années, revient sur cette politique de croissance externe élaborée à la fin de la décennie 90.
"Dans les années 96-97, Renault, se redressant par rapport à la période plus difficile des deux années précédentes, a développé une stratégie de croissance ambitieuse dont l'une des finalités était qu'à l'horizon 2010, l'entreprise devait produire 4 millions de véhicules dont une petite moitié à l'international", explique-t-il. Il est apparu très rapidement aux dirigeants du constructeur au losange que la seule croissance interne ne permettrait pas d'atteindre l'objectif fixé pour 2010. Ils ont alors décidé que, si une opportunité de croissance externe se présentait, il fallait la saisir.
"Nous pouvons aujourd'hui dire que Renault atteindra son objectif de 4 millions de véhicules en 2010, ce qui aurait été beaucoup plus difficile sans la réalisation de ces opérations, poursuit le directeur de la stratégie. Il y a eu une volonté stratégique, une très grande attention aux opportunités, et une capacité à les saisir. Il s'agit des trois éléments clés du succès." Georges Douin a joué un rôle moteur dans les deux opérations évidemment majeures pour Renault que sont l'alliance avec Nissan et le rachat de Samsung.
"Georges a comme trait de caractère d'essayer de résoudre les difficultés le plus simplement et le plus gentiment possible. Face à des civilisations asiatiques qui ont horreur du conflit, sa personnalité était particulièrement bien adaptée", assure-t-il.
Des discussions difficiles
Paul Parnière explique que Renault s'est intéressé à Samsung en 1999 dans un contexte bien précis. Un an auparavant, la crise financière asiatique, qui a durement touché la Corée du Sud, avait engendré d'assez gros dégâts chez ses constructeurs. Le gouvernement coréen avait décidé, de manière très directive, de restructurer l'automobile coréenne autour de deux constructeurs : Hyundai devait reprendre Kia et Daewoo devait reprendre Ssangyong et Samsung Motors.
FOCUS
RSM en chiffres
Production 2004 : 80 906 unités
Ventes 2004 : 85 098 unités
Ventes 2003 : 117 630 unités
156 points de ventes au 31 décembre 2004
5 511 employés
Investissement industriel : 300 millions d'euros sur 3 ans (2003-2005)
Chiffre d'affaires 2004 : 0,948 milliard d'euros
Chiffre d'affaires 2003 : 1,2 milliard d'euros
Chiffre d'affaires 2002 : 1,5 milliard d'euros
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"Le chairman de Samsung, pour qui l'automobile était une passion et une activité minoritaire, a tout fait pour que l'opération ne se fasse pas", rappelle le directeur de la stratégie achat de Renault. Samsung a vu dans la signature de l'Alliance Renault-Nissan une opportunité car, rappelons-le, le constructeur coréen avait vu le jour grâce à un partenariat très fort avec Nissan qui a dessiné et construit l'usine de Pusan, défini et construit le centre technique dans la banlieue de Séoul, et fourni la première voiture Samsung, réalisée sur une base de Nissan Maxima. Dans la foulée de l'accord Renault-Nissan, le chairman de Samsung a pensé que sa marque pouvait intéresser la firme française.
"De notre côté, nous avons considéré que cela pouvait être une opportunité intéressante. Donc, nous avons constitué une équipe d'évaluation et de négociation qui était managée par Georges Douin. Ce travail a été assez difficile car, depuis plusieurs mois, Samsung Motors était arrêté", se souvient Paul Parnière. Il a fallu pour le staff de Renault s'assurer que les fournisseurs, eux aussi à l'arrêt, puissent redémarrer leur activité et fournir des pièces en bonne quantité et au bon niveau de qualité de façon à ce que, dans l'hypothèse où Renault rachète effectivement Samsung, les chaînes de production de l'usine puissent redémarrer dans les meilleurs délais. Paul Parnière reprend :
"Ces discussions ont été un peu difficiles, et Georges Douin s'y est beaucoup impliqué. Il a toujours été présent pour aider à résoudre les difficultés. Malgré le scepticisme de certains au sein de Renault, nous avons pu présenter un dossier satisfaisant à la direction générale qui a donné son feu vert. Je pense que cette opération s'est faite pour une grande partie à l'initiative de Georges. Il y a consacré beaucoup de temps. Il a mis en place l'équipe dirigeante et a très bien choisi les collaborateurs. Il est toujours le patron du conseil d'administration de Renault Samsung." Même si les ventes sur la période récente sont en déclin, cette opération majeure d'internationalisation de Renault a été couronnée de succès. L'activité a correctement redémarré et la profitabilité de Samsung a été obtenue deux ans avant ce qui était prévu par le business plan.
Manager les équipes transversales
"Avec Nissan, la logique n'est pas du tout la même, reprend Paul Parnière. Nissan, en difficulté, cherchait un appui, alors que Samsung était à l'arrêt et ne pouvait pas repartir sans la reprise par un autre constructeur. Le management est très différent. Renault Nissan est une alliance entre deux sociétés juridiquement indépendantes, mais très liées car Renault est un actionnaire très important et a une présence significative dans le management. Alors que pour Samsung, il s'agit d'une intégration au sein de Renault." Georges Douin a tenu un rôle central dans la "sélection"
FOCUS
Dacia : les dates clés
1991 : Etude d'un projet industriel commun entre Renault et Automobile Dacia.
1999 : Renault prend le contrôle de 51 % du capital de Dacia.
2000 : Renault porte sa participation à 81,4 % du capital. Lancement de la SuperNova intégrant un moteur Renault.
2001 : Renault augmente sa participation à 92,72 % du capital.
2002 : Lancement de la gamme Pick-up Diesel intégrant un moteur Renault.
2003 : Renault porte sa participation à 99,3 % du capital.
2004 : Révélation au grand public de la Logan
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de Nissan.
"Nous avons donc cherché un partenaire, d'abord chez les Coréens. Puis, compte tenu des difficultés que rencontraient les constructeurs japonais, il nous a paru envisageable de faire directement affaire avec l'un d'entre eux, expliquait, en 2002, Georges Douin,
qui s'est rapidement rendu compte des complémentarités entre les deux groupes. Au niveau des produits, Renault "est essentiellement un constructeur de voitures moyennes, la Mégane représentant son centre de gravité", alors que Nissan a davantage développé le segment des grosses voitures.
"Cette complémentarité s'observait également sur le plan de l'organisation et des savoir-faire : maîtrise des coûts, stratégie globale de gestion des plates-formes et des achats, produits et style innovant chez Renault ; études et technologies avancées, productivité des usines et maîtrise de la qualité chez Nissan", précise Georges Douin. Paul Parnière souligne que Georges Douin a joué un rôle important après l'accord avec Nissan puisqu'un bureau de coordination a été mis en place entre les deux entreprises implantées à Paris et à Tokyo, et que la branche française a été placée sous son autorité.
"Sur le plan opérationnel, il a été le chef d'orchestre du développement de l'Alliance, ce qu'il est toujours aujourd'hui, jusqu'à la date de son départ", précise- t-il. Il avait le rôle de manager les équipes transversales mises en place pour le développement de l'Alliance, de préparer les réunions des directions générales et d'animer le travail au sein de Renault.
Cyril André
ZOOM
Renault Samsung Motors : Les dates clés
1994 : Accord avec Nissan sur un transfert de technologie et une licence de fabrication d'un véhicule.
1995-1997 : Création de Samsung Motors et construction de l'usine de Busan, en Corée du Sud, selon la technologie de Nissan.
1998 : Echec des négociations avec Ford puis échec de la prise de contrôle par Kia.
1999 : Ouverture d'une négociation exclusive avec Renault.
2000 : Création de Renault Samsung Motors (RSM).
2002 : Lancement de la SM3.
2003 : 300 000e SM5 produite à Busan.
2004 : Lancement de la SM7.
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ZOOM
La future Logan, première motivation pour le rachat de Dacia
Du fait de sa fonction, Georges Douin a également eu sous sa responsabilité l'opération de rachat de Dacia, conclue en septembre 1999 mais entamée dès 1998, même si son rôle sur le plan opérationnel s'est révélé sans doute moins prégnant dans ce dossier du constructeur roumain que sur les opérations Nissan et Samsung. L'aventure Dacia n'a pas été de tout repos pour les instances dirigeantes de Renault, loin s'en faut. "La Roumanie, c'est du sang et des larmes", s'exclamait même, quelques mois après le rachat, Manuel Gomez, alors directeur des opérations internationales. Après que Renault eut investi pas loin de 500 millions d'euros pour la rénovation industrielle du site de production de Pitesti et le redressement de la marque roumaine opéré, le constructeur était prêt pour l'assemblage de l'ambitieuse, sur le plan commercial, Logan. Ce qui fut annoncé, dès 2000, comme le projet de voiture à 5 000 euros a représenté la motivation essentielle pour la reprise de Dacia. |
ZOOM
Alliance Renault-Nissan : les dates clés
27 mars 1999 : Signature par Louis Schweitzer et Yoshikazu Hanawa, à Tokyo, de l'accord entre Renault et Nissan.
28 mai 1999 : Renault prend 36,8 % du capital de Nissan Motor.
18 octobre 1999 : Carlos Ghosn annonce à Tokyo le Nissan Revival Plan (RNP).
17 février 2001 : Démarrage des travaux pour la première plate-forme commune de l'Alliance, dédiée au segment C.
2 avril 2001 : Mise en place d'une organisation commune d'achat, Renault-Nissan Purchasing Organisation (RNPO).
1er mars 2002 : Renault porte sa participation à 44,4 % du capital de Nissan pour un montant de 1,85 milliard d'euros.
5 mars 2002 : Nissan lance la nouvelle March au Japon, premier véhicule développé sur la plate-forme B.
Décembre 2002 : Lancement de la plate-forme C par Renault, deuxième plate-forme commune de l'Alliance, avec la Mégane II.
Janvier 2004 : Le montant des achats réalisés par RNPO passe de 21,5 à 33 milliards de dollars par an, soit de 43 à 70 % des achats de l'Alliance.
Septembre 2004 : Lancement de la Modus, premier véhicule Renault construit sur la plate-forme B commune.
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Voir aussi :