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Constructeurs

Game over pour Rover ?

Publié le 23 janvier 2004

Par Tanguy Merrien
11 min de lecture
MG Rover est quasiment le seul constructeur d'envergure à avoir connu une érosion constante de ses ventes sur la dernière décennie. Au-delà de ce constat purement arithmétique, certains experts s'inquiètent pour la survie de la firme de Longbridge, notamment en raison de sa surface financière....
MG Rover est quasiment le seul constructeur d'envergure à avoir connu une érosion constante de ses ventes sur la dernière décennie. Au-delà de ce constat purement arithmétique, certains experts s'inquiètent pour la survie de la firme de Longbridge, notamment en raison de sa surface financière....

...Un vrai renouvellement de gamme se fait attendre. Pour sa part, le constructeur assure voir l'avenir avec sérénité et investit de nouveaux marchés.


MG Rover existera-t-il toujours d'ici trois ou quatre années ? Certes, la question peut paraître provocatrice, voire sans fondement. Pourtant, certains bons connaisseurs de la chose automobile se la posent sérieusement. S'ils n'apportent pas de réponse catégorique, ils s'interrogent toutefois. Une série de raisons explique l'émergence,




ZOOM

Les principales évolutions du groupe Rover

  • 1975 : Les difficultés de la maison mère de Rover, British Leyland, entraînent la nationalisation du constructeur.
  • Début des années 80 : Commencement d'un partenariat poussé avec Honda.
  • 1988 : Après un processus de privatisation, la firme est reprise par British Aerospace.
  • 1990 : Honda prend 20 % du capital de Rover.
  • 1994 : BMW rachète les parts de British Aerospace ainsi que la participation de Honda.
  • 16 mars 2000 : BMW vend Land Rover à Ford.
  • 9 mai 2000 : Le consortium Phoenix Venture rachète Rover à BMW pour 10 livres sterling symboliques. Ce dernier conserve la marque Mini.
  • depuis plusieurs mois, d'un tel questionnement. Volant désormais de ses propres ailes, la firme de Longbridge ne peut plus compter que sur elle-même pour faire face au défi financier. De 1994 à 2000, BMW l'avait maintenue sous perfusion financière avant de jeter l'éponge et de vendre le groupe pour 10 livres sterling symboliques au consortium Phœnix Venture. A tel point que la presse d'outre-Rhin n'avait pas tardé à accoler au constructeur britannique le surnom de "Patient anglais", titre du célèbre film d'Anthony Minghella. Certes, les premiers résultats de la nouvelle ère MG Rover paraissent encourageants. Arrivé aux commandes en mai 2000, Kevin Howe, le P-dg du constructeur, est parvenu à faire passer les pertes de près de 800 millions de livres (1,142 milliard d'euros) en 1999 à environ 100 millions de livres en 2002. Pour 2003, le résultat devrait être sensiblement similaire à celui de l'année précédente. "Ramenés à des années pleines, ces chiffres montrent que nos pertes ont diminué d'environ 50 % par an. Notre objectif est de maintenir ce rythme jusqu'à ce que nous parvenions à l'équilibre", a indiqué Kevin Howe. Pour arriver à cet assainissement des comptes, le patron de Rover n'avait pas hésité, à son arrivée, à tailler dans les effectifs - environ 300 salariés ont été remerciés - et à rassembler sur le site de Longbridge l'ensemble du personnel et de la production.

    Une dot conséquente

    L'objectif principal des dirigeants de MG Rover est celui du retour aux profits en 2005. La priorité est clairement donnée aux performances financières au détriment des volumes. "Nous aurions pu continuer à commercialiser d'importants volumes, bien plus que ce que nous avons vendu au cours des derniers mois, mais cela n'aurait fait qu'accroître nos pertes. Nous avons donc décidé de réduire notre offre", a pu expliquer l'an passé Kevin Howe. Est-ce cette politique volontariste de réduction de l'offre ou le désintérêt de la clientèle qui peut expliquer l'effritement constant des ventes de MG Rover ? Quelle que soit l'hypothèse retenue, le constat est amer : les ventes mondiales sont passées de plus de 200 000 unités en 1999 à environ 145 000 l'an passé (voir chiffres en encadrés). En dépit de l'apurement partiel de sa dette, la principale faiblesse du dernier constructeur indépendant d'outre Manche, d'après certains spécialistes, demeure sa trésorerie. Selon Nick Matthews, du département industrie manufacturière de l'université de Warwick, la trésorerie de MG Rover constituée notamment de la dot consentie par BMW n'est pas suffisante pour mener à bien un projet de développement d'un nouveau modèle, généralement évalué à plusieurs centaines de millions d'euros. Lors de la vente au consortium Phœnix, BMW avait accordé une dot d'un montant de 714 millions d'euros sur trois ans. Ce prêt sur 49 ans est bien particulier. MG Rover n'a à rembourser les traites que lorsqu'il se trouve dans un exercice bénéficiaire. Nick Matthews explique que ce matelas financier dont jouit actuellement l'entreprise de Longbridge va lui permettre de se transformer doucement en construisant plus petit et de se spécialiser sur une niche qui pourrait bien être les voitures de sport par le biais de sa marque MG. "Le problème pour Rover, ce n'est pas de fabriquer des voitures. Il en a la capacité et ses voitures ne sont pas mal. Son problème est l'absence de nouveaux produits", souligne Nick Matthews. Sa vision de l'avenir est pour le moins pessimiste : "Au lieu d'un effondrement catastrophique" comme cela aurait pu se produire il y a trois ans, "cela va se faire très graduellement", assure-t-il. Cette analyse est balayée d'un revers de main chez MG Rover. "Les analystes voient la fin de Rover proche car on ne sort pas un nouveau modèle tous les six mois, rétorque Humbert-Emmanuel Carcel, directeur de la communication de MG Rover France. Quand BMW s'est retiré, nous avons reçu un énorme chèque. Alors dire que nous n'avons pas d'argent est faux. Il est vrai que notre stratégie est de ne pas jeter l'argent par les fenêtres."

    Un problème d'image de marque

    Patrick Chiron, responsable du secteur automobile au sein du cabinet d'études Eurostaf, prédit également un avenir guère reluisant pour le constructeur anglais, notamment du fait d'un positionnement incertain. "Il s'agit d'une entreprise qui a été ballottée au niveau de son image de marque entre le haut de gamme, le bas de gamme puis à nouveau le haut de gamme, analyse-t-il. Ce qui a eu pour effet de déstabiliser le client ainsi que le réseau de distribution. Sa nouveauté est fabriquée par un constructeur indien et sera ornée d'une calandre Rover. Une fois encore, cela va fragiliser l'image de la marque." L'analyste évoque la CityRover, positionnée sur le segment des Twingo et future 107, qui est une nouvelle déclinaison de l'Indica, un modèle commercialisé par l'Indien Tata. Elle devrait être sur le marché à partir d'avril 2004. Ce à quoi le constructeur répond que le design intérieur de la CityRover sera typiquement britannique, notamment au niveau des matériaux. "Depuis avril 2003, 88 ingénieurs de chez nous sont en Inde pour surveiller la fabrication. La CityRover sera par ailleurs beaucoup plus basse que l'Indica, dotée de suspensions différentes", précise le directeur de la communication de MG Rover France. Patrick Chiron pointe aussi les problèmes de trésorerie de la firme : "Ils ont vécu jusqu'à aujourd'hui sur l'indemnité que leur avait versée BMW au moment de la vente. Mais dès cette année, ils n'auront plus de ressources issue du constructeur germanique. Ils vont alors devoir vivre sur les banques." L'analyste constate que Rover doit alors se contenter "d'expédients" et tente de saisir des opportunités plus ou moins solides, comme le partenariat avorté avec le Chinois Brilliance ou la coopération industrielle avec l'Indien Tata. L'expert d'Eurostaf estime par ailleurs que l'outil industriel de MG Rover, le site de production de Longbridge, est surdimensionné. Selon lui, le constructeur devrait pouvoir produire plus de 200 000 unités par an pour rentabiliser son usine. "Je leur donne deux ou trois ans dans cette configuration. L'un des écueils est qu'ils ne sont pas dimensionnés pour devenir un constructeur de niche et aujourd'hui plus personne ne semble s'intéresser à eux parmi les grands constructeurs", poursuit Patrick Chiron. Pour couronner le tout, il souligne que Rover souffre d'une livre forte, ce qui ne peut que pénaliser ses exportations. Quelques éléments positifs viennent toutefois éclairer un tableau, il est vrai, assez sombre. Raphaël de Boisgrollier, consultant secteur automobile du cabinet Charles Riley Consultants, estime que la spécificité toute britannique du constructeur est à même de séduire un certain nombre d'adeptes. Il fait le parallèle avec le groupe Fiat qui a partiellement réussi à relever Alfa Romeo en mettant en exergue la touche italienne de ses modèles. Par ailleurs, MG Rover bénéficie d'un marché domestique qui se situe parmi les plus importants, quantitativement parlant, d'Europe. Enfin, il note que la force du groupe est de posséder deux marques qui bénéficient d'un bon capital de sympathie.

    De nouveaux pays réinvestis

    Toutefois, l'analyste ne peut que pointer les faiblesses du constructeur. "Le point clé, estime-t-il, est que MG Rover a un besoin d'argent extrêmement fort pour réamorcer la pompe et pouvoir lancer de nouveaux modèles car, aujourd'hui, MG Rover doit faire face à un problème de renouvellement de gamme n'ayant pas de réelles nouveautés, mais il manque de moyens." Cet impératif de renouvellement de gamme, inhérent au métier de constructeur, et alors que la trésorerie du groupe semble montrer ses limites, peut expliquer la sortie de modèles peu gourmands en investissements, pour la phase de développement, et qui risquent de brouiller encore un peu plus l'image du constructeur. Ainsi, la Street Wise, en concession depuis octobre 2003, s'apparente davantage à une Rover 25 reliftée qu'à un réel nouveau modèle. De même, il semble bien que le choix de l'Indien Tata comme partenaire pour le développement et la production de la CityRover réponde avant tout à des impératifs de réduction des coûts. Selon Raphaël de Boisgrollier, le constructeur souffre également d'une image d'entreprise livrée aux mains des financiers. "Le problème des fonds de retraite qui a été démultiplié est à cet égard révélateur", souligne-t-il. Enfin, l'analyste estime "qu'une autre des faiblesses de MG Rover tient à sa position de généraliste avec une aussi petite surface, ce qui est un cas unique sur le marché". "Rien ne semble montrer une sortie de l'impasse dans laquelle il se trouve d'ores et déjà. Le temps joue en sa défaveur", conclut-il. Humbert-Emmanuel Carcel, directeur de la communication de MG Rover France, livre deux séries de faits susceptibles de donner quelques espoirs aux plus pessimistes : "D'une part, le groupe est retourné très récemment au Mexique, où 23 concessions ont été ouvertes, en Afrique du Sud, au Japon et dans les pays scandinaves. Nous étions absents de ces territoires jusqu'alors. Est-ce que nous ouvririons ces nouveaux marchés si nous n'étions pas confiants dans l'avenir ?", clame-t-il. Il évoque aussi ces "concessionnaires qui investissent actuellement dans de très belles affaires en France et qui ont confiance dans l'avenir de la marque". Quoi qu'en dise Kevin Howe, il n'est pas, économiquement parlant, irraisonnable d'estimer que l'avenir de MG Rover se jouera avant tout sur le volume de ses ventes. Le marché sera le juge de paix.


    Cyril André





    FOCUS

    Une actualité difficile pour MG Rover

    L'actualité immédiate n'est guère favorable au constructeur britannique. Ses dirigeants sont aujourd'hui dans le collimateur des syndicats pour avoir récemment procédé à la création d'un fonds de retraite de 18,6 millions d'euros destiné aux cinq principaux directeurs du groupe. Cette décision a été prise alors que, selon les syndicats, le fonds de retraite des quelque 6 000 salariés demeure pour sa part sous-alimenté. A sa décharge, Rover souligne que ces cinq directeurs en question ne bénéficiaient jusqu'alors d'aucun fonds de retraite. Justifiée ou non, cette mesure intervient dans un contexte délicat pour l'entreprise, ce qui peut expliquer les grincements de dents de la base. Le manque de vigueur des ventes du groupe a contraint la direction à suspendre la production de leur unique usine de Longbridge durant une semaine à la fin du mois de novembre. Officiellement, cette fermeture s'explique par le besoin pour les concessionnaires de "réguler leurs stocks". L'effondrement des ventes subi par le groupe au mois de novembre semble bien être une explication plus crédible. Sur ce même mois, MG Rover a souffert d'une chute de 31,7 % de ses ventes sur son marché domestique. Les chaînes du site de production ont été stoppées deux jours de plus que les deux semaines prévues en fin d'année dernière. Explication du constructeur : inventaire des stocks. L'actualité récente de MG Rover a également été ternie par l'échec des négociations pour un partenariat, présenté comme poussé, avec le groupe chinois Brilliance. Dans le cadre de ce partenariat, MG Rover expliquait en 2002 que "des plans, des programmes ont été élaborés pour un développement conjoint d'une nouvelle petite voiture et des opportunités sont étudiées pour de nouveaux modèles complémentaires. Les deux sociétés coopéreront dans la fourniture et la construction de moteurs et le développement de toute une nouvelle gamme de moteurs". Ce rapprochement entre les deux groupes pouvait surtout ouvrir au constructeur britannique les portes d'un marché chinois au très fort potentiel. Environ un an et demi après ces annonces, l'échec de ce partenariat sino-britannique est consommé. Outre les investissements qui ont du être engagés en pure perte dans ce projet, c'est encore une fois l'image de marque de MG Rover qui pâtit de ces vicissitudes asiatiques.

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