Ernest Ferrari, consultant : Lettre ouverte à Neelie Kroes
...secteur est qu'il y a, effectivement, trop de concurrence et qu'il faudrait soit revenir en arrière, par exemple en réalisant un hybride des règlements 1400/02 (sur la distribution automobile) et 2790/99 (sur les accords verticaux), soit en rester là, en prorogeant le règlement actuel. Je n'ai, quant à moi, aucunement la prétention d'influer sur votre décision à venir, mais j'espère apporter quelques éléments utiles à votre réflexion, en prenant le contre-pied de l'opinion la plus courante. En effet, les problèmes de la distribution automobile naissent essentiellement de son inadéquation structurelle au marché. Il s'y ajoute une faiblesse du règlement 1400/02. Et l'excès de concurrence n'a rien à faire ici.
La demande, les prix, les marges, et un système de distribution inadéquat
Le système de distribution automobile, surdimensionné dans ses investissements, hyper-capillaire dans sa dissémination territoriale, et obstinément monomarque dans son offre au consommateur, a toujours été inefficace ; mais une demande en croissance continue de 1945 à 1992 (sauf chocs pétroliers vite absorbés) a simplement occulté l'inadéquation du système, alors que les autres secteurs évoluaient rapidement, allant parfois trop loin, comme dans le cas de l'électroménager. Entre le moment où la demande s'est écroulée (1992/93) et celui où elle a retrouvé ses volumes (1997 jusqu'à aujourd'hui), qu'a-t-on fait ? Au lieu de repenser la distribution dans une optique orientée vers le business, laissant plus de liberté d'action aux distributeurs, on a tenté d'améliorer le système existant, en réduisant la concurrence intra-marque au moyen d'une concentration des affaires, laquelle aurait en outre dû permettre des économies d'échelle consistantes et un meilleur service aux consommateurs. Le résultat de cette politique est, au bout du compte, la diffusion de méga-concessions ayant requis des investissements considérables, plus inadaptées que les précédentes à un marché de plus en plus compétitif. C'est ici qu'intervient le règlement 1400/02. Celui-ci a joué son rôle, au moins partiellement : la concurrence inter-marque s'est développée ; le multimarquisme a commencé à exister ; la concurrence intra-marque se réinstalle sur le marché. Faut-il, à présent, arrêter le mouvement pour protéger un système de distribution suranné ? Ce serait un mauvais service pour notre secteur, parce que l'automobile européenne a surtout besoin d'un réseau compétitif, en mesure de faire baisser les coûts de distribution et de contribuer à la baisse des prix à la clientèle.
Une faiblesse à corriger
S'il y a une faille dans le règlement 1400/02, elle réside dans le fait que la vente des véhicules neufs n'est pas suffisamment libéralisée. D'une part, en effet, les constructeurs peuvent appliquer non seulement la sélectivité qualitative, mais aussi la sélectivité quantitative. D'autre part, les mêmes fournisseurs ont pleine liberté de définir et de modifier les critères qualitatifs à leur gré. Ceci a plusieurs conséquences :
La concentration des concessions par effet du supplément de concurrence introduit par le règlement a bien lieu, mais une barrière se dresse devant de possibles nouveaux entrants, dont le secteur aurait pourtant un besoin vital.
Le rééquilibrage du rapport de forces entre constructeur et concessionnaire est une chimère, d'où une évidente homologation des concessionnaires, se traduisant par l'absence de formes nouvelles de distribution et d'entreprises de distribution d'un type nouveau.
La croissance des groupes de distribution pourrait conduire à un oligopole.
Que faire ?
Je n'en sais rien, Madame. Mais il me semble qu'un coup d'arrêt porté au processus de libéralisation du marché serait la pire des solutions : elle ne réglerait aucun problème et donnerait un avantage certain aux constructeurs de la nouvelle Asie, pour peu que ceux-ci utilisent mieux que les européens l'arme de la distribution. A tout prendre, ne vaudrait-il pas mieux aider à la reconversion des entreprises de distribution inadaptées à un marché compétitif ? Et continuer à libéraliser le marché automobile européen, par exemple en supprimant la sélectivité quantitative et en plafonnant le ticket d'entrée (critères qualitatifs) des nouveaux candidats au statut de concessionnaire ?
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