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Constructeurs

Entretien avec Philippe Gamba, P-dg de RCI Banque : "La compétitivité n'a pas progressé assez vite, c'est encore un potentiel de progrès"

Publié le 28 mai 2004

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
Homme de marketing, Philippe Gamba, après avoir appris les règles de son nouveau métier de financier, a mis RCI Banque au service de la politique commerciale du constructeur. L'établissement financier affiche toujours un des meilleurs taux d'intervention. RCI, qui participe déjà à l'amélioration...
Homme de marketing, Philippe Gamba, après avoir appris les règles de son nouveau métier de financier, a mis RCI Banque au service de la politique commerciale du constructeur. L'établissement financier affiche toujours un des meilleurs taux d'intervention. RCI, qui participe déjà à l'amélioration...

...du résultat de Renault, souhaite encore accroître sa contribution dans les années qui viennent.


Le Journal de l'Automobile : Vous êtes arrivé en 1999 à la tête de RCI Banque, quel bilan faites-vous de ces quatre années et quels sont vos objectifs ?
Philippe Gamba : Début 2001, nous avions arrêté une stratégie globale pour l'entreprise avec pour cible 2005. Nous sommes en train de travailler à la définition de nos objectifs pour l'horizon 2008/2010. Pour la période 2001/2005, nous avions défini notre stratégie autour de deux mots clés : intégration et compétitivité. Nous voulions nous intégrer le plus possible à la politique commerciale du constructeur et au réseau de distribution des marques Renault et Nissan, ceci dans tous les pays où nous sommes présents (au Japon et aux Etats-Unis, Nissan a sa propre filiale financière). Notre mission est d'aider Renault et Nissan à vendre des véhicules en faisant plus de conquêtes et en améliorant leur taux de fidélité. Nous épaulons également les distributeurs dans l'amélioration de leur mix de vente et l'accélération du renouvellement. Au final, notre action contribue à l'augmentation de la rentabilité des concessions car les remises sont moins fortes quand le véhicule est vendu avec financement. Pour faire tout cela, il vaut mieux être lié au constructeur et intégré dans le marketing amont. Depuis quatre ans, par exemple, le poste vendeur est unique pour la vente du véhicule et du financement.


J.A. : Quelles sont les conséquences de cette intégration ?
P.G. : L'intégration totale de la financière de marque dans la politique du constructeur a pour corollaire l'abandon de tout ce qui n'est pas notre "core business". Si nous étions positionnés en tant que société financière, nous pourrions financer des biens autres que l'automobile. C'est ce que certaines sociétés financières font et ce que la Diac a fait dans le passé. Mais si l'objectif est "l'intégration", toutes les ressources et le savoir-faire sont orientés vers le financement des véhicules. En conséquence, l'année dernière, nous avons vendu à Axa la société Delta qui gère nos prestations d'assistance. La cession de Transparc, société de vente aux enchères de véhicules d'occasion, à BCA s'inscrit dans cette logique. La première phase de la cession s'est faite il y a deux ans et nous venons de céder les 40 % qui nous restaient en mars dernier. Auparavant, nous avions arrêté Sygma Finance qui faisait du financement multimarque et ne répondait pas à ces critères.


J.A. : C'est ce qui explique l'abandon de votre stratégie de location toutes marques avec Overlease ?
P.G. : Nous avons réorienté notre activité de LLD sur les marques Renault et Nissan. Nous avons conservé le nom d'Overlease uniquement en Hollande ainsi que pour le joint-venture que nous avons en Italie avec Europcar. La France, où nous répondons à des appels d'offres de prestations de "fleet management" pur (sans vente de véhicules) est un cas particulier. Par exemple, nous avons remporté l'appel d'offres pour la gestion du parc automobile de La Poste. Nous le faisons sous le nom d'Overlease.


J.A. : Le "fleet management" ne semble pourtant pas répondre au critère "intégration" ?
P.G. : Sur notre marché domestique, il est important pour nous de démontrer notre savoir-faire. C'est une utilisation rentable d'Overlease. Nous faisons quelques ventes multimarques en France dans le cadre d'appels d'offres. Nous préférons les faire avec Overlease plutôt qu'avec Diac Location. A fin 2003, nous avions à peine 6 000 véhicules d'autres marques sur les 430 000 véhicules que nous détenons en parc, dont 1 000 en France sur 150 000 véhicules.


J.A. : Comment cet engagement d'intégration se traduit-il ?
P.G. : Nous avons développé un certain nombre de produits fidélisants avec engagement de reprise, dans le but d'exploiter une relance de contact avec le client avant la fin de son contrat. Notre objectif est d'accroître la fidélité et d'accélérer le renouvellement avec des outils comme New Deal en France et Selection en Grande-Bretagne, développés en fonction des caractéristiques propres des marchés. Avec ce type de produits, vous pouvez accélérer le renouvellement dans des pays tels que la Grande-Bretagne, mais pas en Espagne où le taux de renouvellement moyen à 7 ans est encore beaucoup trop long.


J.A. : Quels sont les résultats ?
P.G. : En France seulement, notre objectif était de faire 15 % de nos financements avec Renault New Deal : sur la fin de 2003, nous sommes à 22,9 %. En 2003, le total des produits fidélisants de RCI Banque a représenté 28 % des financements Renault et Nissan.


J.A. : Comment mesurez-vous l'accélération des ventes ?
P.G. : Nous comparons le taux de fidélité avec celui d'un échantillon de clients ayant souscrit ces produits. Nous avons largement démontré que la fidélité progresse au minimum de 10 points et ce serait plutôt entre 15 et 20 points. Par ailleurs, avec un produit New Deal, le taux de remise fait au client est moins élevé, ce qui améliore la rentabilité de nos distributeurs. La conquête est plus difficile à mesurer, mais les enquêtes que nous faisons montrent qu'une des raisons de "non-achat" est l'absence de présentation d'une offre de financement. Pour cela, nous devons développer des produits fidélisants et encourager le "one stop shopping" avec une offre au niveau bancaire. Dans la plupart des pays, cela impose une contribution du constructeur, mais la baisse du taux d'intérêt participe à plus de ventes.


J.A. : Où en est la vente d'assurance automobile ?
P.G. : Nous vendons depuis longtemps de l'assurance en tant que courtier, ceci dans beaucoup de pays. Pour deux raisons : l'assurance augmente la fidélisation au réseau pour les opérations de carrosserie et le fait de disposer d'un produit d'assurance est un élément de plus dans notre offre marketing. Mais ce n'est pas pour nous un élément de rentabilité.


J.A. : Vous ne gagnez pas d'argent sur cette activité ?
P.G. : Les marges sont beaucoup trop tirées pour rémunérer l'assureur, le courtier et le distributeur. Nous avons donc renoncé à notre rémunération sur ce produit. En 2003, nous avions un portefeuille de 270 000 contrats d'assurance sur RCI Banque en Allemagne, Pologne, Brésil et Italie. En France, nous n'avons pratiquement rien. Nous détenons 3 000 dossiers en portefeuille, essentiellement des flottes, du personnel et quelques particuliers.


J.A. : Allez-vous relancer un projet sur la France dans le domaine de l'assurance automobile ?
P.G. : L'assurance est un élément de la chaîne de valeur automobile, ce dont Renault est aujourd'hui convaincu. Depuis plusieurs années, nous avons essayé de lancer ce produit en France, mais la polarisation du marché entre les mutuelles et les assureurs traditionnels complique la situation. Les agréments des carrossiers conditionnent une partie de leur chiffre d'affaires et vendre de l'assurance peut leur faire prendre un risque. Nous avions imaginé dans un premier temps de créer notre propre société puis nous y avons renoncé. Après cela, nous avons travaillé avec une mutuelle et cela n'a pas donné de résultats. Depuis, nous nous sommes tournés vers une structure qui existait déjà, Altima, avec laquelle nous avons défini un produit Renault Assurance que nous avons personnalisé. Ainsi, la remise sur facture à l'assureur est inférieure à celle exigée par d'autres et le client, en cas de renouvellement, n'a pas de franchise. Nous avons mis en place des programmes de formation pour les vendeurs car nous savons que c'est un point bloquant et nous avons défini avec soin les conditions de fonctionnement. Depuis le début de l'année, nous avons lancé cette offre de façon organisée par région. Les premiers résultats sont très encourageants avec plus de 500 contrats à fin avril, soit plus que pendant l'ensemble de l'année 2002. Et nous avons un bon taux de concrétisation.


J.A. : Pourquoi la première expérience pour les flottes que vous avez menée avec Gras Savoye n'a-t-elle pas fonctionné ?
P.G. : L'objectif était alors d'attaquer les grosses flottes mais nous nous sommes trompés de cible. Nous avons donc, d'un commun accord, dissous la filiale RGS que nous avions créée. Il faut savoir tourner la page.


J.A. : Dans le domaine du refinancement, qui est un levier important de votre compétitivité, vous bénéficiez actuellement de prix d'achat historiquement bas. A quel taux achetez-vous ?
P.G. : Chaque société emprunte en fonction du "rating" qui lui est donné par les grandes agences de notation après analyse de sa stratégie. Dans le système de notation Standard & Poor's, les meilleurs ont une note de type 3A. RCI Banque est noté 3B+, ce qui est une bonne note, meilleure d'ailleurs que celle de Renault. Le spred de RCI Banque - la différence entre le taux auquel vous pouvez emprunter sur le marché et le prix du marché qui correspond à un risque zéro - est plus faible que celui de Renault.


J.A. : Peut-on faire mieux ?
P.G. : Oui et c'est le but des opérations de titrisation que nous avons menées récemment. Nous en avons déjà réalisé deux et nous sommes en train d'en constituer une troisième. Avec les deux premières, nous avons fait 2,5 milliards d'euros et nous irons jusqu'à 6 milliards d'euros.


J.A. : Comment fonctionnent ces opérations ?
P.G. : Pour schématiser, une partie de nos créances qui remplissent un cahier des charges très précis (les meilleures en quelque sorte) sont isolées dans le cadre d'une ingénierie financière assez complexe. En contrepartie, nous empruntons 90 % de ces sommes titrisées sur la base d'une note 3A (au lieu de 3B+). Evidemment, cette ingénierie financière nous coûte et cette opération n'est intéressante que pour une souche d'un montant d'un milliard d'euros. Pour nous, cette stratégie est récente, notre première opération de titrisation a été faite en 2002 en France, la deuxième en 2003 en Italie, et la troisième sera faite cette année en France. C'est une opération très lourde, mais dont nous retirons un bénéfice.


J.A. : Quel est actuellement le coût du risque de RCI Banque et pouvez-vous l'améliorer ?
P.G. : Notre coût du risque final, tel qu'il apparaît au compte d'exploitation, est de 0,68 % des encours. La mesure du coût du risque est très pointue. Il dépend pour RCI Banque du mix géographique (la France est un peu au-dessus de la moyenne), du type de produit (le VO est plus risqué que le VN), du produit financier (un crédit classique est plus risqué sans apport qu'avec 50 % d'apport, la LOA est moins risquée qu'un crédit classique), du type de clientèle (le réseau est moins risqué que les entreprises ou les particuliers). Le risque final est lié au risque de départ et à la performance de la chaîne de risque. Je pense que notre chaîne de traitement est un domaine de progrès pour RCI Banque. Ainsi, nous venons de créer une direction des risques, toutes activités confondues. L'objectif est de définir le cadre de la stratégie avec une approche de l'ensemble de la chaîne. L'enjeu est, après optimisation de la chaîne de risque, d'ouvrir la grille de scores pour accepter plus de risques, donc plus de ventes de financement et de véhicules sans compromettre le résultat. La compétitivité n'a pas progressé assez vite, c'est encore un potentiel de progrès pour nous.


J.A. : Quelles ont été pour vous les conséquences de l'évolution du règlement européen ?
P.G. : La concentration des réseaux a mis en face de nous des groupes automobiles importants sur le plan financier. Nous sommes donc exposés à un risque moins dispersé, mais plus important. Pour le financement des réseaux, la lecture des groupes financiers est plus complexe que celle des groupes familiaux monosites.


J.A. : Quels sont vos objectifs pour 2004 ?
P.G. : Nous avons pris l'engagement de faire mieux en 2004 qu'en 2003. Nous avons fait 36,4 % de pénétration sur les ventes de Renault et Nissan en Europe avec 30,7 % sur Nissan et 37,7 % sur Renault. Nous aurons du mal à dépasser ces taux de pénétration, mais nous voulons nous maintenir. Nous comptons sur une baisse de nos coûts de fonctionnement, une amélioration de notre performance sur le refinancement, une meilleure gestion du coût du risque. Cela devrait nous permettre d'améliorer notre résultat en valeur absolue. Nous avons prix l'engagement de faire mieux que 373 millions d'euros de résultat avant impôts.


Propos recueillis par Florence Lagarde


 





Curriculum vitae

Nom Gamba
Prénom Philippe
Age 57 ans

Président-directeur général de RCI Banque. Titulaire d'une licence de sciences économiques, diplômé de l'IAE de Paris. Philippe Gamba rejoint Renault en 1971 en tant que contrôleur de gestion à la direction des exportations Europe, directeur du marketing Renault UK (1975), directeur de la succursale de Londres (1979), directeur de la succursale de Stockholm (1980), secrétaire exécutif de la direction commerciale (1981), adjoint au directeur exportation Europe avec la responsabilité du marketing Europe (1983), directeur général de Renault Italie (1985), directeur du marketing de Renault (1989), directeur commercial Europe (1994), entre au comité de direction de Renault (1996), président-directeur général de RCI Banque et de la Diac (1999).

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