Entretien avec Alain Martinez, président de Peugeot Italie
Journal de l'Automobile.
Au-delà du ralentissement de l'effet "prime à la casse", comment analysez-vous la sévère récession qui caractérise cette année le marché italien, récession qui était a priori moins prévisible, et prévue, qu'en Espagne et au Royaume-Uni ?am. Effectivement. Nous finissons l'année avec un recul de l'ordre de 12 %, mais si vous intégrez le début d'année artificiellement élevé, vous réalisez que nous sommes en fait sur un trend réel plutôt à - 15 ou - 16 %. Et nous prévoyons que le marché 2009 sera encore plus bas. Les ventes vont continuer à diminuer car d'une part il n'y aura plus l'effet artificiel de portefeuille que j'évoquais à l'instant et d'autre part parce que le contexte économique global demeure très délicat. Le 1er semestre sera forcément problématique et si on peut miser sur une légère relance ensuite, rien n'est certain, surtout que nous n'avons pas encore connaissance d'éventuelles aides de l'Etat. Nous estimons donc le marché 2009 aux alentours de 1 900 000 unités. Bref, 1,9 million et plus si affinités…
JA. Une aide de l'Etat est vivement réclamée par Sergio Marchionne. Quelles aides vous sembleraient opportunes pour assainir le parc, pourquoi pas une extension de la prime à la casse au-delà d'Euro 0 et 1, et soutenir les ventes ?
am. Il y a plusieurs pistes envisageables. Toutefois, la plus simple serait, en effet, d'élargir la base éligible à la prime à la casse, au moins aux véhicules Euro 2, surtout que l'aspect environnemental de la question n'est pas neutre.
JA. Au final, le recul de Peugeot, de l'ordre de 17 %, est supérieur à celui du marché : comment l'expliquez-vous ?
am. Sur le VP, nous reculons plus que le marché, c'est un fait. Sur le VU, c'est différent, nos résultats sont meilleurs que ceux du marché. A propos du VP, il faut prendre en compte le fait que le mix a beaucoup changé, en étant tiré vers le bas, sous l'effet de la prime. Or le segment B1, avec les Cinquecento et smart, tend à progresser, mais nous n'avons pas d'offre adaptée à cela. Un autre phénomène ne jouait pas en notre faveur : le mix entre essence et Diesel a fortement évolué et nous avons, nous, une position forte sur le Diesel, ce qui nous a fait perdre des parts de marché. On peut dire que ça ne joue que sur le B2, mais le B2 représente 40 % du marché italien. Ceci étant, sur le marché à gros enjeux des compactes, à savoir celui de la 308, nous avons des résultats en ligne avec nos objectifs et d'ailleurs, sur le M1, nous gagnons quasiment 1 point en parts de marché, soit 25 % de mieux en performances pures. Alors même que le M1 est en recul, les petits modèles essence gagnant du terrain sur des modèles plus grands et Diesel. Bref, voilà ce qui a perturbé notre année. C'est vrai aussi que nous avons lancé la 308 SW en mai, avec des premières livraisons en juin, donc son effet a été limité à une moitié de l'année.
JA. Sujet anxiogène actuellement, quel est l'état de vos stocks et de ceux de vos distributeurs ?
am. Nous avons cette problématique face à nous actuellement, c'est clair, surtout dans un contexte de marché en baisse plus importante que prévu. Mais nous avons dans les deux cas que vous évoquez des situations de stocks saines. Tendues, mais saines. Il faut reconnaître que nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier durant l'année.
JA. Parallèlement, quel est le poids du VO pour Peugeot en Italie ?
am. C'est une activité significative car nous avons un parc important. Nous jouissons d'une très bonne image, fondée par 205 et 206, et sur un marché qui s'est plutôt bien tenu cette année, même s'il commence aussi à être affecté, les performances du réseau ont été bonnes. Il faut reconnaître que nous partons de loin, mais aujourd'hui, c'est une nécessité de développer cette activité, pour accompagner le VN comme pour mieux pérenniser les équilibres des entreprises. Nous mettons donc des moyens sur le VO, notamment sur la marque "Occasions du Lion" et les concessionnaires suivent. Mais je répète que nous partons d'un niveau plutôt bas.
JA. Venons-en au marché des sociétés : si les grands comptes sont largement trustés par Fiat, il existe des possibilités d'expansion sur le segment PME TPE, très dense en Italie, comment estimez-vous ce potentiel pour Peugeot ?
am. Tout d'abord, il faut savoir que nous réalisons un petit peu moins de 70 % de nos ventes à particuliers. Sur le marché des sociétés, trois catégories sont à prendre en compte. Primo, les grands comptes. Secundo, les TPE, qui sont légion, des mono-possesseurs aux parcs de 3 à 4 voitures, et nous avons effectivement beaucoup de progrès à accomplir sur ce segment. Enfin, il ne faut pas oublier les km 0, phénomène incontournable en Italie surtout quand les temps sont durs. En somme, les particuliers ont un poids très important dans notre portefeuille, mais nous devons nous développer sur les petits comptes. Nous commençons à bien les toucher avec les utilitaires, ce qui explique d'ailleurs que nous ayons, cette année, une croissance sur le VU, avec un gain de plus d'un demi point de parts de marché. En VU nous affichons plus de 5 % de parts de marché et nous sommes surtout sur un trend de 5,5 ou 5,6. Cette dynamique va se confirmer en 2009 et elle peut avoir un effet d'entraînement sur le VP.
JA. Avez-vous aussi conclu des accords avec les grands acteurs de la LLD ?
am. Bien entendu, même si le recours à la LLD est moins développé en Italie qu'en France. Cependant, c'est un marché en croissance et nous accompagnons donc ce dynamisme. Avec Banque PSA Finance, nous avons ainsi lancé en mai dernier le produit packagé Peugeot Mobility qui s'affirme comme un outil de conquête, surtout pour les sociétés de taille moyenne car nous n'en sommes pas encore là pour les petits clients. Par ailleurs, nous lançons au début de cette année un produit de ce type auprès des particuliers.
JA. Quel est votre taux de pénétration sur le financement à particuliers ?
am. 70 % des achats d'automobiles sont financés en Italie, par le biais des crédits affectés. Pour notre part, avec Banque PSA Finance, nous nous situons aux alentours de 20 %, mais avec une croissance assez forte, comme en atteste notre pénétration de l'ordre de 25 % ces derniers mois. Sur 2008, au global, nous afficherons donc un résultat d'environ 22 %. Les crédits classiques sont très importants pour les clients, mais aussi pour le réseau. En Italie, il s'agit d'un élément déterminant pour son équilibre financier. Peut-être encore plus qu'en France car ici, l'activité du concessionnaire est très dépendante de l'activité VN et bien moins des services.
JA. Justement, la qualité des services après-vente n'est pas réputée sur le marché italien, confirmez-vous cette affirmation ?
am. Non, je ne dirais pas les choses comme ça. Sur ce sujet, la comparaison entre pays n'est pas forcément la plus pertinente et mieux vaut comparer les différentes marques sur un même marché. De ce point de vue, Peugeot a une position certes perfectible, mais tout à fait honorable. C'est un axe de travail prioritaire, comme la qualité en général d'ailleurs. Nous investissons donc beaucoup sur ce dossier qui conditionne aussi la fidélisation du client, une problématique que l'on retrouve partout.
JA. Allez-vous lancer Eurorepar version Peugeot en Italie prochainement ?
am. Nous allons développer cette offre, oui, mais nous en sommes vraiment aux prémices. Mais c'est bel et bien à l'ordre du jour de 2009.
JA. Au final, qu'attendiez-vous du Salon de Bologne alors que le contexte est à la récession ?
am. Nous sommes volontaires et nous avons présenté deux premières mondiales quand même : la nouvelle 107, qui fait son entrée dans les showrooms actuellement, et la 207 Rally, qui est importante car la présence de Peugeot dans le rallye en Italie est très forte. 40 % des véhicules qui courent sont des Peugeot et nous avons été champion d'Italie avec la 207 S 2000 et champion d'Europe. Cela sert notre image. Par ailleurs, la 308 CC arrive sur un segment que les italiens aiment particulièrement. En outre, la Prologue, qui annonce notre futur cross-over, a son importance car c'est le seul segment qui a progressé en 2008 par rapport à 2007. Il sera lancé à la fin du premier semestre. Bref, Peugeot a été prolifique sur ce Salon de Bologne, un Salon qui attire beaucoup de jeunes et de passionnés. Crise ou non, l'Italie reste le pays de l'automobile.
JA. La guerre des prix est historiquement féroce en Italie. Or après réflexion, PSA se lance dans le low-cost : est-ce quelque chose qui peut vous aider sur un marché où la passion demeure forte comme vous le souligniez à l'instant ?
am. C'est précisément pour cette raison que je ne pense pas que l'Italie se prête vraiment au low-cost. L'italien cherche une belle voiture à un bon prix, certes, mais plus un VO qu'un low-cost en fait.
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