Edito : Décodage

“Nous ne vivons pas forcément une profonde crise, mais plus vraisemblablement une mutation considérable”, aimait à dire Albert Jacquard ces dernières années. On peut appliquer cette vision à l’industrie automobile qui tout en devant répondre à la croissance de la demande mondiale, doit relever deux défis aussi stimulants que périlleux : le respect de l’environnement et la connectivité. La mutation est amorcée, et ne serait-ce qu’en se limitant aux seules réverbérations de la surface médiatique, difficile de faire mine de ne rien voir. Google et son projet de véhicule autonome agrégeant de nombreux équipementiers, Apple et le projet Titan développé en parallèle de CarPlay, Bolloré essaimant son service et sa technologie de ville en ville, les loueurs packageant les mobilités plurielles, etc.

Pour illustrer cette mutation, deux récentes acquisitions de Harman International sont très significatives, bien qu’elles soient passées relativement inaperçues. Le groupe vient en effet d’acheter Symphony Teleca, spécialiste des logiciels, notamment automobiles, et Red Bend, acteur incontournable pour FOTA (Firmware Over The Air) et SOTA (Software Over The Air), soit deux points de passage obligés pour garantir la connectivité des véhicules. Harman se positionne ainsi aux avant-postes par rapport aux équipementiers Tier 1 qui ont de plus en plus besoin d’expertise logicielle. Gardons à l’esprit que certains véhicules contiennent d’ores et déjà plusieurs millions de lignes de code, plus que dans un Airbus de première génération. Cette opération stratégique de Harman est une bonne nouvelle pour les équipementiers qui savent avoir affaire à une valeur sûre avec laquelle ils travaillent déjà. Mais la position de force acquise par Harman risque aussi de faire bouger les lignes et d’engendrer des contrepoids. Les analystes de IHS pronostiquent ainsi des acquisitions dans ce secteur dans les 18 prochains mois, attendant la réaction de Bosch, Continental, Delphi ou encore Panasonic.