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Constructeurs

Eclectiques mais tous électriques

Publié le 13 juin 2008

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
GM, Renault-Nissan, BYD… tous ont décidé d'emboîter le pas à Toyota et Honda en se lançant pleinement dans la course à l'électrique. 2009-2012 devrait être le théâtre d'une lutte mondiale entre les géants de l'automobile,...

...où les indiens veulent jouer les trouble-fête. Tour d'horizon des forces en présence.

Malgré tout ce qui se dit, force est de constater que la hausse des prix des carburants à la pompe aura eu un effet positif. Pas sur les bourses évidemment. Ce phénomène, d'ampleur mondiale, demeurera comme l'élément déclencheur qui aura ouvert les yeux des grands constructeurs. Si les services marketing vendent ce revirement comme une "prise de conscience" écologique, il ne faut pas être dupe et voir que les grands pontes de la production mondiale anticipent les changements dans les habitudes d'achats. Les consommateurs se tournent vers la sobriété. Comment expliquer autrement la réussite planétaire de la Prius ou des petits moteurs économes ?

En 2008, l'heure n'est plus aux effets d'annonce. On ne cherche plus la solution révolutionnaire. Seule ou accouplée, l'électrique remporte la palme. Il est temps de passer à la production. Faisons l'impasse sur les cours d'histoire et constatons simplement que quelques constructeurs, maintenant bien connus sur le créneau, avaient pris une belle avance. Derrière, dans le peloton, la contre-attaque s'organise.

ZOOM

Tata veut faire ses preuves

  • Tata prendrait-il plaisir à bousculer les habitudes ? Le constructeur indien vient d'officialiser sa participation au concours Automotive X Price, dans lequel aucun acteur majeur du monde automobile ne s'est jamais porté candidat. Une Tata hybride électrique courra face à 70 équipes dans la catégorie "Mainstream", qui oppose des véhicules capables de parcourir en moyenne 100 miles avec un gallon de carburant (soit 160 km avec 3,785 litres). A la clé : une prime de 10 millions d'euros.
  • Des synergies pour baisser les prix

    Le panorama automobile regorge de nombreux projets. Certains sont aux portes des lignes de production, quand d'autres placent encore leurs pions sur l'échiquier.  L'Alliance Renault-Nissan s'avère l'un des acteurs les plus dynamiques ces derniers mois. Le groupe a dévoilé, au début du mois de mai, une stratégie durable à l'échelle mondiale. Après l'Israël et le Danemark, où des accords tripartites ont été passés dernièrement avec les gouvernements et le promoteur Project Better Place, et en attendant le débarquement sur les côtes américaines et japonaises, l'Alliance "négocie actuellement avec l'un des Etats pétroliers du Golfe pour le lancement d'une voiture électrique dans les prochaines années", révélait Carlos Ghosn, en marge du rassemblement, Nissan 360, qui se tenait à Cascais, au Portugal. Celui qui préside à la destinée de l'Alliance a rappelé que les premiers modèles électriques devraient sortir des usines courant 2010 à un prix équivalant "voire inférieur à celui d'une voiture normale". De petits véhicules urbains qui intéressent des gouvernements prompts à les soutenir fiscalement. Pour ce faire, les synergies devraient fonctionner à plein régime : Renault produira les véhicules alors que Nissan, à la force de son partenariat récemment entériné avec l'asiatique NEC, fournira les batteries lithium-ion.

    Plusieurs collaborations similaires ont été signées ce printemps. Aux rapprochements Toyota - Matsushita, puis Mitsubishi - GS Yuasa (qui a donné naissance au joint-venture Lithium Energy Japan dont l'ambition porte sur 200 000 unités produites en 2009), est venu s'ajouter celui de Volkswagen et Sanyo. Partenaire à 50 %, le groupe allemand va débourser 1 milliard d'euros, et confier à Audi la tâche ardue de rattraper le retard accumulé par l'ancienne direction qui, économiquement, ne jugeait pas pertinent de s'investir dans la branche électrique. Et si une version hybride du Q7 arrivera en concession à la fin de l'année, les premières productions Audi-VW-Sanyo ne verront le jour que dans "5 à 10 ans", selon les responsables R&D. Un calendrier sur lequel le cousin germain, Porsche, se cale. Une Cayenne Hybride calmera les ardeurs anti-SUV dès 2009-2010, mais les taux d'émissions de CO2 resteront élevés et le meilleur est à venir à plus long terme.

    Mondialisation des recherches

    En Bavière, les recherches se trouvent à un stade plus avancé. BMW, qui n'a pourtant pas fait le pari du tout-électrique, ne délaisse pas totalement cette piste. Dernière innovation en date : un générateur thermoélectrique pour la 530i. Sur un concept emprunté à la Nasa, son rôle consiste à récupérer la chaleur habituellement perdue dans l'échappement pour la convertir en électricité. Le freinage n'est donc plus la seule source d'énergie recyclée puisque l'accélération l'est aussi ! Les ingénieurs affirment qu'ainsi équipée, la voiture lancée à 125 km/h génère assez d'électricité pour rouler sans se servir de l'alternateur. Planifié pour 2013, ce système s'adaptera à toutes les motorisations, Diesel ou essence, et permettra un gain de 5 % de carburant.

    Chez Opel, les cartons renfermeraient des projets électriques, à en croire les propos tenus par Rick Wagoner, numéro 1 de GM. Le constructeur qui avait fait son entrée dans la course grâce à la Chevrolet Volt aurait alimenté sa filiale allemande de solutions économiquement viables. Le concept Flextreme, association d'un moteur électrique rechargé par un bloc 1,3 l CDTi ou par une prise 220V, serait disponible aux alentours de 2011. L'autonomie des batteries atteindrait 55 km.
    Au pays du Soleil levant, la bataille Toyota-Honda continue. Et comme une réponse au renforcement du partenariat Toyota-Matsushita, visant à l'implantation de deux nouvelles usines, Honda a annoncé l'arrivée, dès le début 2009, d'un modèle hybride "bon marché" basé sur la Fit (Jazz, en Europe). Le directeur général de Honda, Takeo Fukui, compte la commercialiser au prix de 12 367 euros, soit deux fois moins cher qu'une Prius ! A terme, la marque nippone espère vendre 500 000 voitures "propres" (10 % de ses volumes totaux). 

    1 centime le kilomètre

    La conquête de l'électrique n'est pas l'apanage des grands constructeurs. Les acteurs de second plan s'y attellent également. Karmann et EcoCraft ont débuté en février dernier, à Osnabrück en Allemagne, la production de leur projet baptisé EcoCarrier. Un concept de véhicule utilitaire léger, hybride ou électrique, essence ou Diesel, à quatre ou six roues. Les prévisions tablent sur 500 unités en 2008, puis 800 à 1 000 en 2009.

    La liste des entreprises qui s'engouffrent dans la brèche ne s'arrête pas là. Ainsi pointe Vincent Bolloré et sa BlueCar. Ce véhicule tout-électrique a investi les chaînes de production des usines Pininfarina dans le but de se présenter sur le marché dès l'an prochain. Vient ensuite le norvégien Th!nk et sa citadine Th!nk City, dont une cinquantaine d'exemplaires traverseront l'Atlantique pour trouver acquéreur aux Etats-Unis. A mi-chemin entre la Smart et la Yaris, cette tout-électrique d'une autonomie de 200 km devrait se monnayer sous la barre symbolique des 20 000 dollars (12 800 euros). Enfin, dernier exemple en date : la Quicc! du néerlandais DuraCar. Une camionnette de livraison en milieu urbain auréolée du trophée de l'innovation au récent salon Cleantech de Bruxelles. Partant du constat qu'un livreur parcourt 50 km au maximum lors de sa tournée, les ingénieurs de la Quicc! l'ont équipée d'un pack batterie Li-Ion Iron Phosphate lui conférant une autonomie d'au moins 150 km et lui permettant d'atteindre une vitesse de pointe de 120 km/h. Son rapport énergétique de 1 centime d'euro/km achèvera de séduire les entreprises.

    Emergence et dominance

    Les pays émergents n'y coupent pas non plus. La Chine a instauré un vaste programme de recherche pour encourager les constructeurs dans la voie des énergies "vertes" autour de l'hybridation et de l'électrisation. Alors que Chang'an Automobile, quatrième plus grand constructeur chinois, lançait en décembre dernier sa berline hybride, la Jiexun-HEV, au terme de six années d'étude, la concurrence attendait fin avril et le Salon de Pékin pour lever le voile sur leurs futurs projets : BYD entrera en scène sous peu avec la FDM6, une berline hybride. Quant à Great Wall, les équipes sont en cours de développement d'une 2 places électrique. Mais pour l'heure, les performances de la Kulla GW sont modestes, avec 140 km d'autonomie et 65 km/h de vitesse de pointe. Cependant, compte tenu qu'aucune date de commercialisation n'a encore été fixée, les caractéristiques auront le temps d'évoluer. Enfin, Guangzhou Automotive Group, partenaire privilégié de Toyota et de Honda en Chine, a présenté deux prototypes 100 % électriques : une berline quatre portes et un coupé. Néanmoins, pour GAG, l'avenir se dessine plus concrètement autour d'un projet de voiture hybride. Arrivée en concession prévue pour 2010.

    En Inde, les commercialisations de modèles propres fleurissent. Les constructeurs indiens possèdent une longueur d'avance. Tara, par exemple, qui en réponse à la Tata Nano a créé une gamme complète de quatre voitures électriques (Tiny, Mini, Titu et Micro) dont le ticket d'entrée est facturé 1 700 euros hors taxe. Dans la même veine, la marque Reva a franchi les frontières pour s'exporter à travers l'Europe (Angleterre, Monaco et Belgique). Un élan qui ne laisse pas Tata de marbre. Le nouveau géant profite de sa notoriété et s'accorde avec Chrysler pour développer une version "zéro émission" de son utilitaire Ace. Un premier pas… D'autant qu'il ne faut pas oublier que Ratan Tata est l'unique détenteur des brevets de Guy Nègre portant sur les moteurs à air comprimé.

    FOCUS

    Cleanova, un 1er bilan prometteur

  • Dassault et Heuliez sont très actifs dans les recherches. Les deux partenaires ont profité du Carrefour de la Recherche Transport du mois dernier pour présenter les résultats de leur expérience Cleanova. Après deux années et 500 000 km cumulés parcourus au sein de flottes d'entreprises, les 30 véhicules sont revenus dans les ateliers pour analyse. La SVE (Société des Véhicules Electriques), filiale de Dassault, s'est alors penchée sur les prototypes en vue d'une optimisation des composants. D'abord en termes de motorisation, dont le système gagne en sécurité comme en performance et en motricité, mais aussi en matière d'intégration. En effet, Cleanova pourra être installé rapidement sur tous les véhicules, légers ou lourds, conformément à la validation obtenue auprès des constructeurs automobiles. Une expérience concluante selon le Predit et l'Ademe.
  • Photo : A l'image de la Great Wall Kulla, les constructeurs chinois s'investissent pleinement dans la recherche, encouragés par les mesures gouvernementales.

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