“Curieux mélange de libéralisme et d’interventionnisme”
...la vente de VN, le rapport contredit la plupart des positions traditionnelles de la Commission. Il démontre, preuves à l'appui, que la vente de VN est un marché pleinement concurrentiel, que le multimarquisme n'est pas un modèle économique recherché par les distributeurs et que le renforcement de la distribution par rapport aux constructeurs n'est pas une bonne idée d'un point de vue économique.
En revanche, en matière de SAV et de pièces, après avoir démontré que le modèle traditionnel du réparateur agréé n'était plus viable et donc amené à disparaître, le rapport devient dans cette partie très interventionniste, considérant qu'il convient de le protéger et de diffuser plus largement et à un prix plus faible l'information technique.
Vente de véhicules neufs : un démenti des postulats de la Commission
L'étude porte sur la période 1997/2004 et couvre 12 Etats membres. Il s'agit en fait d'un bilan de l'ancien règlement 1475/95 et du début de l'application du 1400/2002. Les conclusions de London Economics sont formelles : "Il apparaît que la concurrence sur le marché automobile européen est vigoureuse et que les consommateurs se voient offrir le choix entre un grand nombre de constructeurs qui doivent se battre pour maintenir leur position sur le marché". Quand on sait que la Commission a invoqué le soi-disant manque de concurrence en matière de VN pour supprimer la combinaison distribution exclusive et sélective et imposer le multimarquisme, London Economics démontre que la Commission s'est largement trompée dans ses postulats. Le rapport constate que les immatriculations sont volatiles entre les marques, laissant une place aux nouveaux entrants, que la concurrence est féroce, les marges opérationnelles des constructeurs faibles (3,9 % par rapport à 10 % dans la chimie) et que les prix ont baissé de 12,5 %. S'agissant du multimarquisme, une étude suédoise citée par le rapport montre que les distributeurs eux-mêmes ne sont pas demandeurs, jugeant le multimarquisme sur les lieux de vente pas assez rentable ou trop cher.
Tous les règlements d'exemption automobile ont été marqués par la volonté de renforcer les distributeurs, objectif pourtant étranger au droit de la concurrence. Constatant une formidable concentration de la distribution, les experts de London Economics rappellent la théorie de la double marge : dans les accords verticaux, il est plus favorable au consommateur que le niveau de contrôle des fournisseurs sur les distributeurs soit élevé, afin d'éviter la hausse des prix au niveau de la distribution, dès lors qu'entre constructeurs la concurrence est vive, ce qui est le cas.
SAV et pièces : une démonstration peu convaincante
Les constats du London Economics pour le SAV et les pièces sont à l'opposé de ceux effectués pour la vente de VN. Alors que la partie VN est fondée sur le libre jeu de la concurrence dans une économie de marché, la partie SAV, qui milite pour un plus grand interventionnisme de la Commission, semble avoir été alimentée par les informations transmises par les concurrents des constructeurs et de leurs réseaux sans débat contradictoire suffisant.
Le rapport est d'abord critique sur les réseaux agréés qui seraient plus chers que leurs concurrents et de moindre qualité. En même temps, il constate que la complexification des véhicules rend les réparations plus coûteuses et exige un effort d'investissement en matériel, en formation et en information technique de la part des réparateurs agréés dont les coûts sont de 30 % plus chers de ce fait à ceux des indépendants, avec une rentabilité inférieure à 3 %. London Economics considère que les groupes d'indépendants peuvent concurrencer les réseaux agréés mais que le modèle traditionnel du réparateur indépendant n'est plus viable. Pourquoi en conclure que le marché ne fonctionne pas et imputer aux constructeurs et à leurs réseaux des pratiques anticoncurrentielles ? Les auteurs de cette partie ont manqué de recul dans leur analyse des réponses reçues de la part des concurrents des marques.
Des pratiques anticoncurrentielles présentées comme établies sans être démontrées
La question de l'information technique est assez symptomatique à cet égard. Le rapport reprend les conclusions d'une autre étude (IKA) sans les discuter. Le niveau des prix serait trop élevé dans la mesure où il ne permettrait pas aux réparateurs indépendants d'effectuer les réparations à des conditions économiques compétitives. Mais là n'est pas la question. Les conditions de l'étude sont donc à relativiser sur ce point.
En matière de pièces, les prises de position du rapport sont critiquables : l'accès des grossistes en pièces aux réseaux serait refusé (alors que le texte du règlement n'impose pas de proposer un contrat pièces distinct du contrat de réparateur agréé) ; le niveau peu élevé de la diversification des sources d'approvisionnement en pièces est critiqué alors qu'il est expliqué par des clauses conformes au règlement (clause des 30 %), par une politique de prix et une logistique concurrentielles des constructeurs (quoi de plus normal) ou par des pratiques anticoncurrentielles qui sont présentées comme établies sans être démontrées.
L'absence d'une vision stratégique à long terme
En conclusion, si l'on voulait résumer le rapport en quelques mots, l'on pourrait dire qu'il constate que le marché automobile est très concurrentiel en matière de vente de VN et contredit tout ce que la Commission a dit jusqu'à présent sur le sujet, mais que des progrès restent à faire selon ses auteurs quant au SAV et aux pièces. Si le rapport a une vision relativement juste du marché de la distribution VN, les conclusions en matière de réparation et de pièces sont très marquées par les orientations de la Commission et sont sans doute le résultat d'une méthode d'instruction insuffisamment contradictoire. On peut regretter aussi l'absence de vision stratégique sur l'avenir et les formes de la distribution automobile compte tenu des défis écologiques et économiques auxquels elle devra faire face ainsi que la sous-estimation du rôle du droit dans les évolutions économiques constatées (tel que l'impact du multimarquisme sur l'internationalisation des sites urbains stratégiques ou celle de la liberté de cession intra-réseau sur la concentration de la distribution).
Louis et Joseph Vogel, avocats de constructeurs
Légende photo ci-dessus : Joseph (à gauche) et Louis Vogel, avocats de constructeurs
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