Contre les idées reçues de l’automobile
...que l'on admet très largement, sans jamais les remettre en cause : ce sont les "idées reçues" de l'automobile. Leur force provient de deux sources : une pratique centenaire et quasiment universelle qui leur confère une sorte d'immortalité ("ça s'est toujours passé comme ça") et, plus rarement, quelques élucubrations brillantes, porteuses en leur temps de succès indiscutables, qu'on a voulu considérer comme réitérables à l'infini. Un concept qui, selon l'opinion des "experts" et des thuriféraires d'iceux, a toutes les caractéristiques apparentes du fondement scientifique, n'est contesté par personne. Même les esprits les plus brillants pensent à autre chose, persuadés qu'ils sont qu'il n'y a rien à penser et rien à faire là où une idée reçue tient lieu de raison. Cette situation est pernicieuse, en ce sens qu'elle empêche de découvrir et de mettre en œuvre des voies de progrès, tout en orientant les réflexions vers des pistes abondamment battues. Les idées reçues de l'automobile ne sont pas très nombreuses ; mais elles suffisent à conduire l'industrie dans une impasse. Nous en examinerons quelques-unes.
La demande et l'offre
Il paraît qu'un marché mature est cyclique et destiné à ne connaître en temps normal (hors crise) que des fluctuations autour d'une demande moyenne stagnante. Et s'il s'agissait, au contraire, d'un palier, dont on est incapable de percevoir l'étendue ? Ce que l'on peut dire de "scientifique" aujourd'hui, c'est que l'offre actuelle s'adresse à une partie de la population et que c'est cette clientèle acquise qui a sans doute atteint son niveau de saturation. La question de base qui se pose est dès lors la suivante : "combien d'acheteurs potentiels, pour une raison ou une autre, n'achètent jamais ou très rarement un véhicule neuf au cours de leur existence ?" On aurait sans doute intérêt à identifier, interroger, comprendre, classer (toutes choses habituelles chez les radiesthésistes du marché) ces prospects, voire à les considérer comme des êtres humains dignes du même respect que ceux qui achètent la même chose tous les ans. Il faudrait ensuite définir l'offre de façon différente, en évitant la répétition et la déclinaison à l'infini de ce qui se fait déjà et en privilégiant l'innovation authentique, qui est une rupture par rapport à l'existant. Quant à l'excès d'offre traditionnelle destinée aux consommateurs déjà acquis à l'automobile, on en a déjà parlé : il vaudrait mieux élaguer. Au restaurant, une carte avec trois cents types de viandes n'est pas de nature à séduire les végétariens ; elle peut en outre conduire les carnivores au désespoir métaphysique qui naît d'un choix impossible à maîtriser.
Les réseaux traditionnels et les coûts de distribution
Ici, les dégâts accomplis par l'application des idées reçues sont tels qu'on ne pourra pas en sortir facilement. Rationnellement, le problème se pose de la façon suivante : l'automobile est un produit intrinsèquement cher, et les coûts de distribution y sont pour quelque chose, voire plus. Il faut donc s'y attaquer pour faire baisser les prix à la clientèle. Malheureusement, la situation est figée : les grandes concessions monomarques, difficiles, sinon impossibles, à rentabiliser sont là pour longtemps. Une anecdote significative : il y a peu, nous avons eu le plaisir d'être invité par des Agents de marque. Parmi les choses que l'on se raconte au déjeuner, l'un d'entre eux a affirmé qu'il n'aspirait d'aucune façon à devenir concessionnaire, compte tenu des difficultés rencontrées par ceux-ci, dont certains seraient devenus "les directeurs du personnel de leur affaire, laquelle est gérée par le constructeur" C'est peut-être excessif : le déjeuner était excellent. Mais il est certain que rien ou presque n'a été fait pour mettre les réseaux de marque en adéquation avec un marché hyper compétitif. Ce qui manque, c'est à la fois la possibilité, pour les entrepreneurs de la distribution, d'organiser leur entreprise comme ils l'entendent pour entrer en concurrence avec leurs collègues ; et la faculté, côté constructeurs, de faire agir en pleine concurrence plusieurs réseaux, voire plusieurs types d'entreprises de distribution. D'où est venue la conviction qu'un seul modèle d'entreprise de distribution valait pour tous les temps et sous toutes les latitudes ?
Ernest Ferrari, Consultant
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