Grégoire Ginet, Renault : "Un jour, les thermiques ne passeront plus les normes"
JA. En quoi consiste cette norme Euro 6d ICS-FCM ?
GG. Cette norme, également appelée Euro 6d Full, s’impose comme la dernière phase d’Euro 6, introduite en 2014, et destinée à évaluer les émissions des gaz polluants des moteurs en conditions d’utilisation réelles. Il s’agit d’une norme imposée par la législation européenne, et qui a donc été finalement appliquée au 1er janvier 2021. Elle suit une précédente évolution de la phase Euro 6, introduite en 2016. Baptisée Euro 6d Temp, cette dernière a constitué une phase assez importante par rapport à ce qui a été demandé, à juste titre, aux constructeurs, afin de faire évoluer leurs motorisations. Euro 6d Full contient le même enjeu en durcissant encore l’homologation, afin de se rapprocher des conditions d’utilisation réelles, via deux étapes. L’étape laboratoire, avec l’évaluation des consommations sur bancs d’essais, est complétée par le coefficient RDE qui matérialise les conditions réelles sur routes. Ces deux étapes existaient bien sûr précédemment, mais le coefficient RDE, appliqué depuis Euro 6c en 2018, a été une nouvelle fois durci.
JA. Cette nouvelle norme est-elle aussi imposée à juste titre, comme précisé dans votre réponse précédente ?
GG. Nous, constructeurs, nous nous plions aux normes qui sont imposées, même si tout un travail est fait avec la Commission européenne afin qu’elles soient justes et représentatives. Leur objectif est de réduire, au fur et à mesure, les gaz polluants, ce qui est aussi la visée de Renault à travers la stratégie d’électrification. Ces normes représentent donc pour nous des challenges qui nous font avancer dans nos technologies et nos choix, afin de réduire notre empreinte carbone. Nous déployons nos stratégies en même temps que ces nouvelles normes, par étapes.
JA. Euro 6d Full concerne-t-elle davantage les diesel comme on peut souvent l'entendre ?
GG. Euro 6d Full vise a réduire plusieurs gaz, dont le NOx effectivement, mais aussi le monoxyde de carbone (CO), les particules ou encore l’hydrocarbure (HC). Elle concerne donc aussi bien les diesel et les essence - même si l’impact technique n’est pas le même - mais aussi les hybrides et le GPL. L’idée que le diesel est davantage visé est donc fausse. Cela s’accompagne dans notre gamme de moteurs retravaillés : nous les équipons des différentes technologies, qui diffèrent selon les moteurs, mais aussi selon les véhicules. Sur les essence, déjà équipés à 90 %, nous généralisons les FAP. Certains modèles qui avaient déjà un premier FAP, bénéficient d’un second. Nous adaptons aussi la gestion de la motorisation par une architecture différente, ce qui est l’occasion d’ajouter de la technologie sur certains de nos véhicules, et d’adapter nos stratégies.
JA. Comment cela impacte-t-il la gamme Renault ?
GG. Nous avons arrêté certains moteurs et en avons proposés de nouveaux. Nous avons globalement une gamme de diesel qui tend à se réduire à des modèles qui sont réellement dédiés aux véhicules de flottes, aux gros rouleurs qui effectuent plus de 40 000 km par an. Nous conservons cette motorisation sur Clio, Kadjar, Megane, Talisman et Espace. Sur d’autres véhicules qui sont plus destinés aux particuliers, la gamme se recentre autour de deux axes, l’essence et l’hybride, qui concerne la Clio et le futur Arkana. Nous avons aussi profité d’Euro 6d Full pour proposer l’E-Tech sur le Captur et la Mégane, depuis juin dernier. Nous introduisons également de la micro hybridation sur le Captur cette année avec un système12 Volts.
JA. La gamme Renault dans son intégralité sera-t-elle conforme à cette norme à temps ?
GG. Nous sommes en train de faire transiter l’ensemble de notre gamme. Cela avait commencé en juin dernier avec la gamme E-Tech, et nous poursuivons jusqu’à aujourd’hui.
JA. En Allemagne, certains constructeurs disposeraient d’importants stocks de véhicules qui ne pourraient plus être vendus à partir du 1er janvier 2021. Est-ce le cas au sein du groupe Renault ?
GG. Nous n’avons pas de problématique qui nous ont été remontées à ce sujet, quel que soit le marché en Europe. Nous n’avons pas de surstocks qui auraient été faits dans un pays, la gestion des stocks de transition a été pilotée assez finement depuis quelques mois, comme à chaque changement de norme. L’échéance d’Euro 6d Full est connue depuis un moment, nous avons toute une équipe qui a travaillé sur cette transition en optimisant les plannings afin d’éviter les ruptures d’approvisionnement, tout comme les surstocks. Toutefois, il existe, un mécanisme qui permet effectivement aux constructeurs d’écouler un nombre limité de véhicules déjà produits et qui ne répondent pas à la nouvelle norme. Cela correspond à environ 10 % des volumes de ventes, mais avec des coefficients selon les gammes. Il s’agit quoi qu’il en soit d’un niveau très encadré. L’objectif n’est évidemment pas de faire des stocks de véhicules qui ne répondront pas à la norme mais de réaliser la transition au plus vite. Nous cherchons évidement à minimiser ces modèles en stocks qui laissent moins de libertés sur leur vente.
JA. Comment absorber le coût de ces technologies de dépollution ?
GG. C’est un vrai sujet et un enjeu que nous avons bien sûr travaillé. Car qui dit filtre et pièce supplémentaires dit coûts supplémentaires. Surtout que ces technologies ont un certain prix, notamment au niveau des filtres complets qui se régénèrent. La gestion de ces systèmes anti-pollution est coûteuse, et c’est ce qui nous fait réduire le diesel et transiter vers hybride. Les technologies diesel sont plus chères à produire que les technologies essence, car elles ont été enrichies ces dernières années par plus de systèmes de dépollution que les essence, car les normes ont nécessité de faire des pas plus importants. Nous arrivons donc à des coûts élevés sur des petites gammes, comme le Captur, et nous avons donc fait le choix d’arrêter le diesel pour transiter vers l’hybride. Une technologie que nous avons voulu dès le début intelligente, compacte et contenue niveau prix puisque nous savions que nous voulions l’associer à des petits modèles. D’une certaine façon, on retombe pour l’utilisateur diesel dans un schéma plus classique d’une utilisation de gros rouleurs.
JA. Les normes vont-elle purement et simplement tuer le thermique ?
GG. Il arrivera un jour où les véhicules 100 % thermiques, sans micro hybridation, ne passeront plus les normes. C’est aussi pour cela que notre plan prévoit l’électrification de 100 % de la gamme à partir de 2022. Cette électrification va se développer à plusieurs niveaux, qui peuvent être différents selon les marchés.
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