Damien Pichereau, Rev Mobilities : "Obtenir une homologation européenne"
Homme d'automobile, Damien Pichereau a achevé au printemps 2022 son mandat de député de la Sarthe. Au lieu de rempiler, il a préféré poursuivre sa carrière dans le privé. Pour lui, cela représentait la meilleure opportunité pour poursuivre la bataille engagée durant son expérience politique : faire du rétrofit automobile une réalité en France et en Europe. Directeur de la communication et des relations publiques de Rev Mobilities depuis le mois de juillet, il partage ses ambitions à court et moyen terme.
Journal de l'Automobile. Vous venez de rejoindre le groupe Rev Mobilities fort de votre connaissance de la pratique du retrofit pour avoir défendu le dossier lorsque vous étiez encore récemment député de la majorité. Quelles sont pour vous les priorités ?
Damien Pichereau. Clairement, il faut encore expliquer la pratique et prouver que cela marche. J'ai été choqué de voir que dans la réflexion, les véhicules électriques sont associés aux constructeurs et de fait aux véhicules neufs. Cela est automatiquement discriminant pour le rétrofit.
JA. A quelle tâche allez-vous donc vous atteler dès cette rentrée ?
DP. Sur ma liste des priorités, il y a les rencontres avec des ONG, la multiplication d'accords avec des partenaires et apporter un soutien aux politiques pour encourager de plus en plus la conduite d'appels d'offres intégrant les solutions de rétrofit. Il nous faut aussi mener une bataille pour obtenir une homologation européenne.
JA. Pourquoi une homologation européenne ?
DP. Il y a un manque de concordance alors que la problématique dépasse le cadre des frontières nationales. Il y a des discussions à l'échelle européenne dans le cadre de la loi Climat, or tous les pays ne sont pas au même stade. La France et l'Allemagne ont avancé, alors que l'Espagne n'a rien acté. L'Italie manque d'infrastructure et la Belgique s'apprête à présenter une loi librement inspirée du modèle français. Sans harmonisation, l'Europe assistera à une nationalisation des véhicules rétrofités.
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JA. Quel est pour vous le risque identifié dans ce cas de figure ?
DP. L'absence de législation ouvrira des brèches. Par exemple, des acteurs du rétrofit originaires de pays moins regardant sur les aspects de qualité et de sécurité pourront transformer des véhicules et les vendre dans nos pays sans aucune barrière. Nous ne pouvons pas laisser l'industrie subir une telle concurrence alors que la sécurité routière et la création d'emplois sur nos territoires constituent des enjeux.
JA. Récemment, l'un de vos concurrents, Phoenix Mobility, a signé un accord historique avec Renault. Comment le percevez-vous ?
DP. Une telle initiative apporte la preuve d'une potentielle relation industrielle entre les grands constructeurs et les sociétés d'ingénierie que nous sommes. Cela montre également qu'un modèle économique est tout à fait possible. Mais nous ne pouvons pas oublier que du chemin reste à parcourir.
JA. A quoi faites-vous allusion ?
DP. L'ouverture des données CAN-BUS des véhicules de plus de 5 ans serait un geste fort de la part des constructeurs. Pour le moment, ils s'y refusent, nous mettant de fait des barrières technologiques. En ouvrant les voies, ils impulseraient une dynamique qui conduira à une baisse des coûts, bénéfique pour les automobilistes.
36 millions d'euros vont être nécessaires, au cours des cinq prochaines années, pour obtenir l'homologation de 30 modèles de véhicules.
JA. A ce jour, quelle est la feuille de route de Rev Mobilities ?
DP. Nous sommes en cours d'homologation d'une batterie qui sera prête au printemps 2023. Alors, nous entrerons dans un cycle de lancements multiples. Il est prévu de commercialiser 16 modèles en 15 mois à partir de juin prochain. Il y aura des fourgons et des fourgonnettes de Fiat, Renault, Peugeot, Iveco et Mercedes, en plus de citadines et de ludospaces.
JA. Les sommes à engager restent élevées…
DP. En effet, 36 millions d'euros vont être nécessaires, au cours des cinq prochaines années, pour obtenir l'homologation de 30 modèles de véhicules. Il faut compter une base de 200 000 euros par homologation et, en ajoutant les autres frais de R&D, nous arrivons à un montant avoisinant 800 000 euros pour un rétrofit "simple" et 1,2 million d'euros quand l'électronique embarqué est plus complexe. Raison pour laquelle nous appelons les constructeurs à se montrer plus coopératifs.
JA. Il y a bientôt un an, Rev Mobilities a présenté une étude avec la Mapa. Qu'en est-il ?
DP. Nous entamerons, cet automne, une tournée des MIN (marchés d'intérêt national) de France. Nous sommes confiants, car à ce jour, nous totalisons 3 000 commandes de VUL transformés. Ceci ajouté aux autres activités du groupe, cela porte à 30 millions d'euros le chiffre d'affaires potentiel dans les tuyaux.
JA. Vous qui connaissez les rouages, comment rendre plus accessible la technologie aux consommateurs professionnels et particuliers ?
DP. Les leviers sont divers et complémentaires. Outre l'accès aux données qui abaissera les frais d'homologation, nous pourrions compter sur des subventions d'amorçage. Il faut savoir que la batterie représente 52 % du prix de conversion car nous les obtenons à un tarif avoisinant 360 euros/kWh quand les constructeurs négocient à hauteur de 100 à 150 euros/kWh.
JA. Il a été question de trouver des partenaires installateurs. Est-ce toujours d'actualité ?
DP. Le rétrofit fait consensus chez les politiques. Il commence à intéresser les professionnels de l'automobile. Nous devrions annoncer un réseau de partenaires en novembre. Il devrait comprendre des centres-autos et des usines de reconditionnement, notamment celles de concessionnaires.
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