André Zaffiro, Cyclevia : "Changer l'image des huiles régénérées"
Publié le 1 novembre 2022
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Pouvez-vous me rappeler dans quel contexte Cyclevia a vu le jour ?
Depuis février 2020, différentes filières ont été placées sous le dispositif de la responsabilité élargie du producteur (REP), dont celle des lubrifiants. Dès lors, le Centre professionnel des lubrifiants (CPL), syndicat de la profession, s'est mis en ordre de marche pour répondre à cette obligation. J'ai été nommé à cette époque à la tête de ce projet car nous n'étions pas des spécialistes de la gestion de déchets. Il fallait donc appréhender tous les enjeux liés à cette activité. Une demande d'agrément a été déposée par la suite, fin 2021. Nous l'avons obtenu en février 2022 et Cyclevia a pu alors voir le jour. C'est une société de droit privé, à but non lucratif. Notre éco-organisme est donc chargé d'endosser la responsabilité des producteurs notamment en matière de collecte et de traitement des huiles et lubrifiants usagés.
Comment la création de Cyclevia a-t-elle été perçue par les professionnels de l'automobile ?
Plutôt bien ! Il faut rappeler que la filière avait été mise en place dès les années 40 et qu'elle s'était montrée assez efficace jusqu'ici. Les huiles ont toujours été collectées par un réseau de professionnels compétents, et regénérées de manière optimale. Depuis 2015, les acteurs du marché automobile étaient, en revanche, confrontés à une double "peine" puisqu'ils payaient la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) à l'achat du lubrifiant et finançaient la collecte des huiles usagées. Avec Cyclevia, c'est beaucoup plus simple désormais : une écocontribution est payée par les fabricants ou importateurs pour couvrir les coûts à ce traitement. Ceux-ci peuvent alors choisir de la reporter sur leurs prix de vente. La collecte est gratuite à partir de 200 litres. Au-delà du coût, Cyclevia leur offre une meilleure visibilité sur la gestion de ces huiles et lubrifiants puisque nous répondons à de nombreuses obligations vis-à-vis de l'Ademe. Ce qui garantit un traitement optimal de ces déchets.
L'une des obligations qui vous a été assignées est d'élever le taux de collecte à 55 % en 2027. Quelles huiles échappent aujourd'hui à la filière ?
Ce taux peut sembler peu élevé mais, rapporté au volume de production, c'est très important. Il faut préciser que le taux d'émission d'une huile neuve par rapport à une huile collectée est de 68 %. On oublie, en effet, que tous les véhicules font l'objet d'une déperdition d'huile et de lubrifiants. Si nous nous basons sur les huiles collectables, notre taux de collecte grimpe d'ailleurs à près de 90 %. Nous essayons malgré tout d'identifier les déchets qui nous échappent. Même s'il n'y a pas d'étude sur le sujet, nous savons que des professionnels et des particuliers stockent parfois des futs ou bidons d'huiles usagées. Nous devons les inciter à aller en déchetterie pour récupérer ces derniers litres qui nous manquent.
Combien de collecteurs conventionnés comptez-vous aujourd'hui ?
Tous les collecteurs du pays, sauf un. Ce qui représente 55 acteurs de la filière, nous permettant ainsi de couvrir tout le territoire national, y compris les DROM.
L'un de vos autres objectifs est de favoriser la régénération d’huiles usagées. Quels moyens allez-vous mettre en œuvre à cette fin ?
Pour cela, il fallait, tout d'abord, obtenir l'adhésion de l'ensemble des acteurs du secteur pour offrir le plus de débouchés possibles. Aujourd'hui, c'est le cas ! Tous les régénérateurs nous suivent, à l'exception d'un acteur en France avec lequel nous discutons encore. En Europe, les régénérateurs ont également accepté de rallier notre démarche. Ce qui est un véritable atout car les régénérateurs européens ne fabriquent pas les mêmes huiles de base qu'en France.
Il faut garder à l'esprit que notre objectif n'est pas de développer notre capacité de régénération mais d'améliorer son processus. Dans l'automobile notamment, l'huile régénérée a encore une mauvaise image auprès des professionnels… Or, ça doit changer ! La régénération doit élever son niveau pour fournir des huiles de base de dernière génération, c’est-à-dire des groupes 3 et 4. L'objectif est d'offrir une qualité quasi-identique à une huile neuve et ainsi obtenir des homologations chez des constructeurs. Pour parvenir à nos fins, nous avons lancé un appel à projet et constitué un fonds pour implanter sur le sol français un site capable de produire une huile régénérée de dernière génération. C'est un projet qui, je l'espère, devrait aboutir dans trois ans.
Vous avez récemment modifié votre cahier des charges à la suite d'un recours déposé par un acteur de la filière. Qu'est-ce que cela implique pour Cyclevia ?
Une société de régénération a, en effet, déposé un recours contre notre agrément et a obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif, ce qui avait conduit à une suspension de notre agrément. L'activité n'a pas été remise en cause, seuls des éléments contractuels liant Cyclevia aux collecteurs ont été suspendus. Nous avons donc dû modifier ces éléments pour qu'ils soient conformes au jugement. Nous prenons acte de cette décision, même si nous la regrettons malgré tout puisqu'elle remet en cause des règles qui existaient au sein des préfectures depuis au moins 1999. C'est, à mon sens, un retour en arrière pour la profession… Même si, et c'est important de le préciser, ce jugement ne change absolument rien pour la collecte des huiles et lubrifiants usagés chez les professionnels de l'automobile.
Pour en savoir plus : www.cyclevia.com